Près de Bure, l'Etat veut implanter le site d'enfouissement des déchets nucléaires grâce à la loi votée le 11 juillet. Les travaux de défrichement de la forêt ont déjà commencé. Les opposants se préparent à un week-end de mobilisation.
Bure (Meuse), correspondance
Sur le terrain, dans la forêt de Mandres-en-Barrois, après l'expulsion des opposants le jeudi 7 juillet, les pelleteuses et les bulldozers ont repris précipitamment les travaux, accompagnés par des vigiles privés et une dizaine de fourgons de gendarmes. A l'orée des bois, on entend à nouveau les débardeuses arracher les arbres. Leur bruit métallique couvre le chant des oiseaux. Les travailleurs mandatés par l'Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) creusent des tranchées et vont poser des grilles aux allures de poste frontière.
L'Agence ne tient pas compte de la plainte déposée par les opposants pour défrichement illégal et infraction au Code forestier. Les recours ne sont pas suspensifs. Les travaux peuvent continuer. « La justice tranchera trop tard, comme à Sivens », regrette Michelle, une opposante. « Il n'y aura plus d'arbre à couper lorsque le tribunal se prononcera ! ».
De l'ancien camp installé en juin par les opposants dans la forêt - le préau, la cuisine collective, les tentes -, il ne reste que des cendres. Les barricades ont brûlé lors de l'expulsion, les cabanes et les potagers ont été écrasés par les machines de l'armée. Sur la plate-forme, les arbres plantés chaque jour de l'occupation, symboles de la lutte, ont été déracinés, amputés comme des moignons tendus vers le ciel. « Même l'érable avec ses grandes feuilles rouges », soupire Jean Pierre, ancien maire du village de Bonnet, opposé au projet, qui a pu accéder à la plateforme, deux jours après l'évacuation.
Une rage profonde habite les anciens occupants, choqués et violentés par l'expulsion policière. A la Maison de la résistance où ils se sont regroupés, la tension monte. Un hélicoptère tourne régulièrement au-dessus des lieux. Des voitures de gendarmes passent toutes les demi-heures. Ils notent les plaques d'immatriculation et filment les habitants de la maison, qui se couvrent de foulards.
Mais les opposants ne veulent pas perdre espoir. « La forêt est en nous », disent-ils, déterminés à arracher ce morceau de territoire aux aménageurs. « l'Andra et ses milices ne pourront pas garder indéfiniment 220 hectares de bois, c'est incontrôlable », affirme Sylvestre. Les occupants imaginent différentes manières pour stopper les travaux, « on peut empêcher les machines d'accéder au lieu comme on peut les empêcher de fonctionner ». Tous les jours, ils font de rapides excursions dans les bois. Tapis dans les fougères, des balades de repérage se déroulent avec d'anciens forestiers de l'Office national des forêts. Dimanche soir 10 juillet, pendant la finale de l'Euro, ils sont venus défier au football les gendarmes : l'équipe des masqués contre celle des casqués. Les forces de l'ordre ont moyennement apprécié l'humour.
« On opte pour une stratégie d'harcèlement, on les fatigue avant de reprendre la forêt pour de bon », assure un opposant.
Le week-end des 10 et 11 juillet, organisé par l'ACIPA à Notre-Dame-des-Landes, a d'ailleurs été un bon moment pour mesurer la popularité de cette lutte. « Ces rencontres nous ont fait énormément de bien, on sentait les gens émus, avec la volonté de nous aider », raconte un jeune militant. L'idée que Bure devienne un centre de ralliement contre les grands projets inutiles est aussi stratégique. « Alors que la Zad de Notre-Dame-des -Landes est menacée, il s'agit d'ouvrir un autre front à l'Est. »
Le week-end du 16 et 17 juillet, où est prévue une « manifestation de réoccupation de la forêt », sera déterminant pour la suite. Les opposants au projet Cigéo d'enfouissement des déchets nucléaires appellent à une forte mobilisation pour tenter de reprendre la forêt : « Des barricades mondiales et improvisées contre le nucléaire et son monde. » Ils espèrent rassembler des centaines de personnes et plusieurs tracteurs. Des bus sont affrétés pour l'occasion à Nantes et à Paris. Un info-tour est lancé cette semaine, à Metz, Nancy, Paris. La lutte peu à peu s'organise.
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Source : Gaspard d'Allens pour Reporterre
Photo : © vmc.camp