Sous le soleil, près de 500 manifestants ont réussi à Bure à occuper samedi 16 juillet la forêt où l'Andra veut commencer des travaux. Lundi matin, la forêt restait occupée.
Bure (Meuse), reportage
La Maison de la résistance, à Bure, n'avait sans doute jamais vu autant de monde. Samedi matin 16 juillet, c'est près de 500 personnes qui s'y retrouvaient. Objectif : aller occuper le bois de Lejuc, situé sur la commune voisine de Mandres-en-Barrois, où l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) veut commencer des travaux préparatoires au complexe Cigéo d'enfouissement des déchets nucléaires.
Sous un soleil radieux, la colonne de manifestants gravissaient la colline à travers champs, parvenant au bois Chauffour d'où l'on surplombe le bois Lejuc. En bas du chemin, un barrage de policiers. La colonne descendait sereinement.
La confrontation avec les gendarmes - un escadron de la Gendarmerie mobile de Strasbourg - s'engage, jets de projectiles par des manifestants cagoulés contre tirs de grenades lacrymogènes. Disposé à la lisière du bois, les gendarmes cherchaient à empêcher les manifestants de pénétrer le bois, où se trouve une plate-forme de chantier installée par l'Andra.
Mais le bois fait plusieurs centaines de mètres de long, et peu à peu, les manifestants s'égaillaient tout au long de la lisière. La ligne des gendarmes s'étirait, mais les 72 hommes ne pouvaient contenir l'entrée dans le bois.
La foule pénétrait dans le bois, les gendarmes se retiraient sur leur position initiale, contrôlant la petite route d'entrée conduisant à la plate-forme. A leur propre surprise, les occupants avaient atteint leur objectif : réoccuper la forêt ! Dans l'après-midi, leur centre d'information, vmc.camp envoyait un message : « A Bure, bois de Mandres partiellement reconquis !! Besoin de monde à nouveau, de matos, de bouffe,que les gens viennent construire et dormir cette nuit et toute la semaine. »
Mais entre les arbres, la bataille s'engageait, la vingtaine de vigiles engagés par l'Andra pour protéger sa plate-forme attaquant les occupants à coups de battes de base-ball ou de manches de pioche. Les gendarmes semblaient les laisser agir pour intervenir ensuite. Des tirs de grenades et de lanceurs de balle de défense s'échangeant avec des jets de pierre. Selon vmc.camp, six manifestants ont été blessés par les vigiles et trois autres par les flash-balls. Quatre personnes ont de surcroît été interpellées et gardées à vue.
La situation se stabilisait cependant, gendarmes et vigiles ne parvenant pas à reprendre le contrôle du bois. Les manifestants s'organisaient dans la forêt, aménageant une clairière, installant des postes en hauteur sur quelques arbres, édifiant des barricades de branchage et rassemblant des pierres.
La soirée se déroulait calmement, une cantine mobile vegan (et délicieuse !) venant ravitailler la centaine de personnes restées pour la nuit. Une nuit anxieuse, cependant, puisque l'on pouvait penser que les gendarmes interviendraient à l'aube du dimanche. Mais rien ne se passait alors, et la matinée s'écoulait dans une attente indécise.
En début d'après-midi, alors que l'assemblée générale se tenait, les gendarmes rentraient dans le bois. Leur but : faire entrer un engin de chantier pour dégager les barricades. Les affrontements reprenaient, dans le bois et en lisière de forêt, sous un soleil éblouissant.
Mais face à des opposants déterminés, comportant des « autonomes » ne reculant pas devant la confrontation, la situation semblait indécise, avant que les gendarmes ne finissent par reculer et revenir à l'entrée du bois, jugeant sans doute que leur nombre - un escadron compte 72 hommes - était insuffisant.
La forêt restait occupée dans la nuit de dimanche à lundi. Lundi matin 18 juillet, le bois Lejuc restait occupait. Les opposants au projet Cigéo d'enfouissement des déchets nucléaires ont gagné une bataille. Et elle n'est pas que symbolique.
Vous avez aimé cet article ? Soutenez Reporterre.
Source : Hervé Kempf pour Reporterre
Photos : ©Sébastien Bonetti/Reporterre et © Hervé Kempf/Reporterre