15/02/2008  3 min #14957

Pardonnes lui mon fils il ne sait pas ce qu’il fait.

Ce soir j’ai posé un regard attendri sur mon gamin. Il s’appelle Adem vous savez le premier homme. Il a 8 ans, il est en CM1 et a les yeux foncés, plein de malice et de bonheur de vivre. Il a des questions d’enfants comme tous les enfants : "Papa est ce que Brume va un jour mourir et qu’est ce que ça veut dire d’abord mourir pour de vrai? C’est aller chez le bon dieu (Brume c’est sa chatte)? Troublé par la question je me lance dans des considérations générales tu sais mon fils tout a un début et une fin, les arbres, les montagnes, les étoiles, les insectes, les animaux, les humains et même les chats. C’est le cycle de la vie et de la mort, qu’on ne peut pas dissocier. C’est inscrit dans nos gênes, nous sommes simplement de passage et un jour nous partirons ailleurs, le corps retourne à la terre et nos pensées aux étoiles... Il a posé la BD qu’il feuilletait en me regardant avec sérieux, trop de sérieux pour son âge, se penchant sur moi, les yeux soudain humides, pose sa tête contre moi et me glisse dans un sanglot : "Non Papa, ni toi ni Brume ne pouvez partir, parce qu’on va plus se voir et moi je vous aime trop". Je l’ai pris dans mes bras, j’ai caressé sa tignasse brune et dans un tremblement, les yeux embués à mon tour, j’ai tenté de le rassurer en lui promettant qu’on resterait toujours ensemble lui, sa sœur, sa mère et son chat... Je ne sais pas si je l’ai rassuré. Il est resté silencieux agrippé à moi. Me revinrent alors à la mémoire ces bribes du livre de Khalil Gibran "Le Prophète" :

"Une femme qui tenait un nouveau-né contre son sein dit : Parle nous des Enfants. Il dit : Vos enfants ne sont pas vos enfants ; Ils sont les fils et les filles du désir de la vie pour elle même. Ils passent par vous mais ne viennent pas de vous et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leur donner votre amour, mais pas vos pensées, car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez loger leurs corps mais pas leurs âmes, car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même en rêve. Vous pouvez vous efforcer d’être semblables à eux, mais ne cherchez pas à les rendre semblables à vous, car la vie ne revient pas en arrière et ne s’attarde pas avec le passé. Vous êtes les arcs à partir desquels vos enfants, telles des flèches vivantes sont lancés. L’Archer vise la cible sur la trajectoire de l’infini......."

Ce soir là j’ai bordé mon fils et je l’ai regardé s’endormir, longtemps, en proie à milles tourments, une douleur sourde, là ,au creux de l’estomac. Mes pensées me ramenèrent à ces autres enfants, arrachés à leur enfance, à la vie, à leurs familles, les yeux hagards, livrés à la folie et à la haine des Hommes ; C’était il n’y pas si longtemps en France, les rafles et les trains de la mort. J’ai pensé à tous ses enfants, ailleurs, sous les bombes, fauchés par les balles, crevant de faim, enfermés dans des prisons à ciel ouvert ,le regard éteint par l’horreur de ce qu’ils vivaient, leurs âmes à jamais mortes et perdues pour les étoiles.

Ce soir je suis envahi par une rage froide, que je n’arrive pas à maitriser. Ce soir je suis en colère contre les 53 % de français qui ont placé un fossoyeur de l’enfance à la tête de la France. Mon fils entrera au CM2 l’année prochaine. On va tuer son enfance, son innocence. Son âme ne pourra plus habiter la maison de demain car elle sera morte dans celle d’hier. Et je n’aurais pas les mots pour lui dire la folie de mes semblables. Aissaoui Ali Médecin.

 bellaciao.org

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