06/11/2020 tlaxcala-int.org  9 min #181312

L'Institut israélien de recherche sur les armes chimiques et biologiques teste un vaccin anti-Covid

 Antonio Mazzeo

Son nom est « Brilife » [Bri de l'hébreu « Briout », santé, IL pour Israël et « Life »] et il s'agit du nouveau vaccin contre le Covid-19 qui est administré expérimentalement en Israël depuis le 1er novembre à 80 « volontaires » âgés de 18 à 55 ans à l'hôpital Hadassah Ein Kerem de l'Université hébraïque de Jérusalem et au Centre médical Sheba de Ramat Gan, à Tel Aviv.

Flacons du vaccin expérimental. Photo diffusée par le ministère de la Défense israélien

Le vaccin a été développé par l'Institut israélien pour la recherche biologique (IIBR) à Ness Ziona, le principal institut de recherche chimico-biologique de l'État d'Israël, sous la juridiction du Bureau du Premier ministre. Les essais se dérouleront sur une période de plusieurs mois et, à partir de décembre, ils impliqueront un millier de « volontaires » âgés de 18 à 85 ans dans huit hôpitaux du pays. La troisième et dernière phase de l'administration des vaccins « Brilife » est prévue pour le printemps 2021 et aura environ 30 000 personnes comme cobayes. Selon le professeur Yosef Karako, chef de l'unité d'essais chimiques de l'hôpital Hadassah, des vecteurs viraux dérivés du virus de la stomatite viscérale (VSV), génétiquement modifiés avec une protéine de Sars-Cov-2, ont été utilisés pour la production du vaccin.

Le 1er février 2020, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a autorisé l'Institut israélien de recherche biologique à lancer des activités de recherche sur le nouveau vaccin expérimental anti-Covid et, dans le même temps, à établir un centre de production de vaccins dans la ville de Yeruham, dans le désert du Néguev. Fin mars, l'Institut avait effectué les premiers tests de la préparation sur des rongeurs.

Au cours des mêmes mois, l'IIBR a également été chargé par le ministère israélien de la Défense de procéder à la « collecte de plasma » auprès de patients convalescents atteints de coronavirus, dans le cadre d'un programme de détection d'anticorps spécifiques à transférer à d'autres sujets hospitalisés. Les « résultats positifs » de la première phase de test du « vaccin passif » ont été illustrés par les chercheurs lors de la visite aux laboratoires de l'IIBR du ministre de la Défense, Naftali Bennett, le 4 mai 2020.

C'est le ministre lui-même qui a expliqué dans une déclaration les étapes prévues par l'Institut pour le développement et la commercialisation des anticorps anti-Covid19 : 3Je suis fier du personnel de l'Institut israélien de recherche biologique : la créativité et l'ingéniosité juives ont conduit à ce résultat extraordinaire », a commencé Bennett. « Ces derniers jours, l'IIBR a réalisé un développement scientifique révolutionnaire en déterminant un anticorps qui neutralise le SARS-COV-2. Il y a trois paramètres : l'anticorps est monoclonal, nouveau et raffiné, et contient une proportion exceptionnellement faible de protéines nocives ; il est capable de neutraliser le coronavirus ; il a été testé sur un virus agressif ». Les procédures juridiques et administratives pour la production et la commercialisation de l'antidote, a conclu Naftali Bennett, « seront coordonnées par le ministère de la Défense », comme pour souligner la pleine subordination de l'Institut de recherche biologique à l'autorité militaire.

Un  reportage publié dans le Jerusalem Post le 6 mai 2020 a offert une description à demi inédite de l'Institut israélien de recherche biologique à Ness Siona. « Le centre est entouré d'un mur inaccessible rempli de capteurs et de gardes armés qui patrouillent sur son périmètre », rapporte le journal. « Aucun avion n'est autorisé à survoler l'installation et celle-ci n'apparaît sur aucune carte ni dans aucun annuaire téléphonique de la région. L'utilisation de mots de code et l'identification visuelle sont obligatoires pour accéder à l'installation, et il existe un certain nombre de portes de sécurité à l'épreuve des balles qui peuvent être ouvertes par des cartes électroniques dont les codes sont changés chaque jour. De nombreux laboratoires de recherche sont souterrains ».

L'IIBR emploie 350 personnes, dont 150 sont des scientifiques titulaires d'un doctorat en biologie, biochimie, biotechnologie, chimie et physique organiques, pharmacologie, mathématiques et physique. Depuis 2013, le directeur responsable de l'Institut est le professeur Shmuel C. Shapira, professeur d'Administration médicale et directeur général du département de médecine militaire de l'Université hébraïque de Jérusalem, ainsi que président du conseil d'administration du Life Centre Research Israel Ltd, une entreprise chargée de la commercialisation des innovations technologiques brevetées par l'Institut de recherche biologique.

L'histoire de l'IIBR est intrinsèquement liée aux stratégies de l'appareil de défense et de sécurité d'Israël. Elle a été fondée à Jaffa en février 1948 - quelques mois avant la création de l'État sioniste en Palestine - sous le nom de « Hemed Beit ». Il s'agissait plus précisément d'une unité de guerre biologique de l'organisation paramilitaire Haganah (La Défense, en hébreu), sous la direction de l'officier Yigael Yadin, futur chef d'État-major des forces armées et vice-ministre de la Défense. Les rapports des services de renseignement britanniques de l'époque ont documenté l'implication directe de « Hemed Bei »" dans une série d'« opérations secrètes » contre la population arabe pour la forcer à abandonner ses villages natals et permettre leur occupation par des colons et des soldats juifs.

En 1952, l'unité a pris le nom actuel d'Institut israélien de recherche biologique et les bureaux et laboratoires ont été transférés à Ness Ziona, un village situé à une dizaine de kilomètres de Tel-Aviv. Le professeur Ernst David Bergmann a été nommé à la tête de l'IIBR. Il a été conseiller scientifique-militaire du Premier ministre David Ben-Gourion et l'un des promoteurs, avec l'Institut Weizmann des sciences, des premiers programmes de recherche sur les armes nucléaires de l'État d'Israël.

Le rôle d'Ernst David Bergmann et de l'institut qu'il dirigeait fut fondamental pour le développement et les essais d'armes biologiques et chimiques et de vaccins et antidotes potentiels contre les armes nucléaires et biologiques pour les forces armées et les services de renseignement israéliens, en premier lieu le tristement célèbre Mossad, qui les a utilisés pour une série de missions top-secrètes en dehors des frontières d'Israël. Depuis la fin des années 1970, l'IIBR a également signé une série de contrats de recherche avec des agences, le ministère de la défense et l'armée des USA. La base de données du Pentagone fait état d'une dépense totale de 1 672 185 dollars en faveur l'Institut israélien de recherche biologique.

« Au fil des ans, l'IIBR s'est engagé dans le domaine des sciences biologiques, chimiques et naturelles afin de fournir à l'État d'Israël les réponses nécessaires aux menaces chimiques et biologiques », peut-on lire sur le site ouèbe de l'Institut de recherche. « Depuis 1995, l'IIBR fonctionne comme une unité affiliée au gouvernement qui mène des recherches dans tous les domaines de la défense contre les armes chimiques et biologiques, y compris les opérations des laboratoires nationaux pour la détection et l'identification de ces menaces ».

Parmi les programmes scientifiques civilo-militaires figurent ceux visant à produire un vaccin antipolio (1959), le développement de kits pour la détection de matières explosives (1980), l'essai d'un médicament contre le syndrome de Gourgerot-Sjögren, maladie auto-immune inflammatoire chronique (1984), la production d'un vaccin contre le syndrome respiratoire aigu (Sars) d'origine virale qui a touché la population mondiale en 2003.

Le Centre de recherche « James Martin » pour la non-prolifération des armes nucléaires, chimiques et bactériologiques du Middlebury Institute of International Studies à Monterey (Californie) a documenté les études de l'IIBR sur plusieurs agents et toxines, tels que la bactérie de la peste (Yersinia pestis), du typhus, de l'entérotoxine staphylococcique B (SEB), de la rage, de l'anthrax (Bacillus anthracis), de la botuline (Clostridium botulinum) et du virus Ebola. Dans le domaine de la recherche sur les agents utilisés pour la production d'armes chimiques, l'Institut israélien énumère des recherches sur les gaz neurotoxiques tels que le sarin, le tabun, le VX, l'yprite (dite gaz moutarde) et d'autres composés organophosphorés, etc. Les laboratoires ont également effectué des analyses sur un gel décontaminant à appliquer sur la peau pour « neutraliser les agents chimiques et biologiques ».

L'enquête menée par les autorités néerlandaises sur les causes de l'accident d'un Boeing 747 de la compagnie nationale israélienne El Al en 1992, qui s'est écrasé dans un village non loin d'Amsterdam, a révélé que l'avion transportait 190 litres de méthylphosphonate de diméthyle (DMMP) pour l'Institut de Ness Ziona. Le composé organophosphoré est normalement utilisé comme retardateur de flamme, mais il est également indispensable à la synthèse du gaz neurotoxique Sarin, une arme interdite par la Convention internationale sur les armes chimiques, qu'Israël n'a jamais eu l'intention de signer. Les autorités de Tel-Aviv ont déclaré aux enquêteurs néerlandais que le matériel transporté par le Boeing 747 n'était pas toxique et qu'il devait être utilisé « pour tester les filtres contre les armes chimiques ». Des chercheurs indépendants ont également estimé que la quantité de diméthylméthylphosphonate à bord de l'avion n'était pas suffisante pour la production de sarin à des fins militaires.

Malgré le profil guerrier inquiétant du centre (de fait connu au niveau international), le 10 juillet 2020, l'Azienda Ospedaliera Universitaria Careggi (CHU) de Florence et la Fondation Toscana Life Science ont signé avec l'Institut israélien de recherche biologique un protocole de recherche d'un remède contre le virus Covid-19. « Sur la base de l'accord - rapporte la note des partenaires italiens - l'AOU Careggi et la Fondation TLS mettront en œuvre, avec l'IIBR, un des centres d'excellence mondiaux dans le domaine de la recherche biologique et promoteur d'un développement scientifique révolutionnaire pour le traitement du covid19, des études sérologiques sur des échantillons de plasma de personnes affectées et guéries par le virus, afin de développer une thérapie efficace basée sur la détection et le clonage d'anticorps monoclonaux ».

L'accord, comme l'a souligné l'ambassadeur italien en Israël Gianluigi Benedetti, est « le résultat d'une collaboration entamée lors d'une conversation téléphonique entre le Premier ministre Conte et le Premier ministre Netanyahou ».

Ad perpetuam rei memoriam.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  antoniomazzeoblog.blogspot.com
Publication date of original article: 05/11/2020

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