14/12/2020 tlaxcala-int.org  3 min #182919

Affaire Giulio Regeni : l'Italie s'impatiente, Sissi continue à faire le mort

Je rends ma Légion d'honneur, en mémoire de Giulio Regeni

 Corrado Augias

« Je ne partage pas cet honneur avec un chef d'État qui s'est fait objectivement complice de criminels », écrit l'intellectuel italien dans une lettre à l'ambassadeur français à Rome

Abdel Fattah Al Sissi décoré de la Légion d'Honneur le 7 décembre à l'Élysée

L'intellectuel italien Corrado Augias a décidé de rendre les insignes de la Légion d'honneur à la suite de la remise de cette même décoration au Président égyptien Abdel Fatah Al Sissi lors de sa viste à Paris il y a quelques jours. « Je ne partage pas cet honneur avec un chef d'État qui s'est fait objectivement complice de criminels », écrit Augias dans une lettre à l'ambassadeur français à Rome, évoquant l'assassinat de Giulio Regeni comme « une blessure sanglante » pour les italiens. « J'aurais attendu de la part du Président Macron un geste de compréhension sinon de fraternité, au nom de l'Europe que - ensemble - nous essayons si durement de construire ».

Corrado Augias avait été fait Chevalier de la Légion d'Honneur en 2007

Voici le texte de la lettre

Monsieur l'Ambassadeur, je vous rends les insignes de la Légion d'honneur. Quand elle me fut accordée, le geste m'émut profondément. Ça donnait une sorte de consécration à mon amour pour la France, pour sa culture. J'ai toujours considéré votre pays comme une sœur aînée de l'Italie et comme ma seconde patrie, j'y ai vécu longtemps, je compte bien continuer à le faire. En juin 1940, mon père souffrit jusqu'aux larmes de l'agression de l'Italie fasciste contre une France déjà presque vaincue.

Je vous remets donc ces insignes avec douleur, j'étais fier de montrer le ruban rouge à la boutonnière de ma veste. Mais je ne partage pas cet honneur avec un chef d'État qui s'est fait objectivement complice de criminels.

L'assassinat de Giulio Regeni représente pour nous, Italiens, une blessure sanglante, un affront, et j'aurais attendu de la part du Président Macron un geste de compréhension sinon de fraternité, au nom de l'Europe que - ensemble - nous essayons si durement de construire.

Je ne veux pas vous paraître trop naïf. Je connais bien les mécanismes des affaires et de la diplomatie - mais je sais aussi qu'il y a une mesure et que, comme l'écrit le poète latin Horace : Sunt certi denique fines, quos ultra citraque nequit consistere rectum*.
Je crois que dans ce cas, la mesure du juste a été bien dépassée, voire outragée.

Avec mes regrets les plus profonds.

Corrado Augias

* « En toutes choses il y a une mesure, des bornes fixées, au-delà et en deçà desquelles ne peut être le vrai »

Note de Tlaxcala : le syndicaliste Sergio Cofferati et l'écrivaine et femme politique Luciana Castellina ont ainsi rendu leurs Légions d'Honneur pour les mêmes raisons.

Courtesy of  La Repubblica
Source:  rep.repubblica.it
Publication date of original article: 12/12/2020

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