21/06/2021 lejdd.fr  5 min #191180

« Vote préférentiel » : voici comment les démocrates de New York vont élire leur candidat mardi

La primaire démocrate à New York, qui a lieu mardi, va se jouer via un mode de scrutin appelé "vote préférentiel", permettant de désigner jusqu'à cinq candidats. Voici les avantages et les inconvénients de ce système (un peu) complexe.

Les électeurs new-yorkais sont appelés aux urnes, mardi, à l'occasion des primaires démocrates en vue des élections municipales. Treize candidats sont en course pour prétendre à la succession de  Bill de Blasio, qui quitte son poste après deux mandats à la tête de la première ville américaine. Un scrutin d'autant plus important que le vainqueur aura de grandes chances de devenir maire de New York en novembre, tant les républicains y sont impopulaires. Pour l'occasion, un mode de scrutin un peu particulier sera utilisé pour la première fois ici : le "ranked-choice voting", ou "vote préférentiel".

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Aux Etats-Unis, plusieurs localités l'utilisent déjà (San Francisco et Oakland par exemple), des Etats également dans de plus rares cas (le Maine, l'Alaska). A l'étranger, l'Australie, l'Irlande ou encore l'Inde y ont aussi recours. Ce système de vote permet de désigner plusieurs candidats (jusqu'à cinq à New York) dans l'ordre de préférence. Si à l'issue du scrutin, l'un d'entre eux a obtenu la majorité absolue des voix (au moins 50%), il est désigné vainqueur. La subtilité de ce système apparaît si aucune majorité absolue ne se dégage, ce qui devrait être le cas à New York au vu du nombre de candidats.

Dans ce cas, le candidat qui recueille le moins de voix est éliminé. Toutes ses voix sont alors réattribuées aux candidats que ses électeurs ont classé en deuxième position, puis les voix sont recalculées. Une nouvelle fois, le candidat qui se trouve en dernière position est éliminé et ses voix sont réattribuées. Ce processus s'effectue jusqu'à ce qu'il ne reste plus que deux candidats. Celui qui recueille alors le plus de voix est désigné vainqueur de l'élection. Pour simplifier, on pourrait imaginer une élection à multiples tours. Tant que votre choix numéro un reste en course, vous continuez à voter pour lui à chaque tour. Lorsqu'il est éliminé, votre vote se porte sur votre choix numéro 2, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'un vainqueur se dégage.

Un exemple de bulletin de vote correctement rempli.

(DR)

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Un exemple de bulletin de vote correctement rempli.

(DR)

Pourquoi un tel scrutin?

Ce mode de scrutin permet de voter pour son candidat favori sans hypothéquer les chances d'autres candidats plus viables dont on voudrait également appuyer la candidature. Le New York Times prend l'exemple de l'élection présidentielle de 2000, où la candidature de Ralph Nader (Green Party) a probablement coûté de précieuses voix au démocrate Al Gore, finalement battu par George W. Bush. Si les électeurs de Ralph Nader avaient pu voter pour Al Gore en second choix, ce dernier aurait probablement remporté l'élection.

Le vote préférentiel permet donc de désigner son candidat favori tout en indiquant sa préférence parmi les autres candidats. "Cela crée des incitations vraiment positives sur la façon dont les candidats agissent et dont les électeurs agissent", explique à  Vox Rob Richie, président et directeur général de  FairVote, qui défend ce mode de scrutin. En clair, il favoriserait les candidats consensuels par rapport aux candidats clivants, les obligeant à faire campagne pour rassembler plutôt que pour diviser, et à imaginer des passerelles avec d'autres candidats. Il permettrait aussi aux candidats issus des minorités de se faire une place dans le débat.

Mais le vote préférentiel s'attire également des critiques. En tant que mode de scrutin nouveau et complexe au premier abord, il pourrait désorienter les électeurs, notamment les moins éduqués et ceux qui votent moins souvent - et aboutir à un résultat étonnant. Selon un sondage NY1/Ipsos d'avril, seulement 53% des électeurs se disaient familiers de ce type de vote, tandis que 28% estimaient ne pas être à l'aise avec lui. Or les bulletins de vote manquent d'explications, écrit Nate Cohn, spécialiste des élections au  New York Times. Ce dernier conseille aux électeurs de voter pour le maximum de candidats - cinq à New York - afin d'optimiser le potentiel du vote préférentiel. Mais encore faut-il suffisamment les connaître pour faire un choix en conscience. Des experts estiment que ce mode de scrutin favorise les candidats sortants, car ils sont plus connus que les autres.

Le premier choix le plus représenté l'emporte quasiment toujours

Parfois, le scrutin préférentiel peut aussi cacher des choix cornéliens, comme le résume le New York Times sous le nom du 'dilemme de l'Alaska". Dans cet Etat américain, trois candidats vont s'affronter pour le poste de sénateur l'an prochain :

  1. Lisa Murkowski, la sénatrice sortante, une républicaine modérée.
  2. Kelly Tshibaka, une républicaine trumpiste.
  3. Al Gross, un indépendant qui siègerait avec les démocrates en cas de victoire.

Pour les démocrates, la logique voudrait qu'ils désignent Al Gross en premier choix puis Lisa Murkowski en second choix afin d'éviter une victoire de la trumpiste Kelly Tshibaka. Mais le résultat pourrait se retourner contre eux, si l'on en croit les sondages récents. En effet, la républicaine modérée Lisa Murkowski arriverait troisième lors du premier décompte et serait éliminée, tandis que Tshibaka l'emporterait au tour suivant face à Gross en profitant d'un report de voix favorables. Pour éviter ce scénario, les démocrates auraient donc intérêt à voter... pour la sénatrice républicaine sortante, Lisa Murkowski, et ainsi lui permettre d'accéder au second tour pour y battre Kelly Tshibaka. A moins que les sondages ne se trompent?

Dans la plupart des cas néanmoins, les scrutins seront moins complexes qu'en Alaska. FairVote rappelle que ces dernières décennies, 236 élections ont eu lieu avec ce mode de scrutin et au moins trois candidats en course. Dans environ 94 % des cas, le candidat en tête des préférences de premier choix a fini par l'emporter.

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