par Strategika 51.
Il existe une volonté manifeste au sein de l'Empire d'utiliser la Turquie comme une sorte de bélier géostratégique pour enfoncer des verrous stratégiques. Après l'interventionnisme militaire turc en Syrie et en Libye, la percée des milieux d'affaires turcs en Afrique et en Asie centrale, la Turquie pourrait jouer un rôle majeur en Afghanistan et dans l'ensemble du sous-continent indien.
La Turquie cherche à présent à jouer un rôle de premier plan en Afghanistan après le retrait de la majeure partie des forces US. La sécurisation de l'aéroport international de Kaboul devrait être assurée par des sociétés militaires privées turques ou carrément les forces armées turques. Côté turc, on s'attend à une coopération militaire avancée avec le Pakistan, pays qui détient une influence politique et stratégique majeure en Afghanistan et dont les élites et la population sont fascinés par le modèle turc. Des forces hongroises pourraient assister les forces turques dans la gestion de la sécurité des infrastructures vitales et celle des missions diplomatiques.
Les officiels turcs ont balayé d'un revers de la main la menace du mouvement des Talibans afghans, lequel demeure opposé au maintien de toute présence militaire dans ce pays. Pour les Turcs, les Talibans, notamment les nouvelles générations de ce mouvement, sont fortement influencés par le rayonnement culturel turc dans le monde et seraient plus enclins à respecter la Turquie et à négocier avec elle. L'influence du Pakistan voisin et du riche Qatar sur les Talibans peut réduire une éventuelle hostilité que les factions les plus radicales pourraient afficher à l'encontre de la nouvelle configuration politico-militaire.
La reddition d'une centaine de Talibans avec armes et bagages à une unité de la guerre psychologique des forces spéciales turques ayant utilisé la thématique de l'Islam sunnite préfigure l'une des méthodes auxquelles auront recours les Turcs pour réussir là ou les Américains et leurs alliés européens se sont cassés les dents.
Mais Washington sous-estime deux éléments essentiels en appelant à l'aide Ankara en Afghanistan même si le coup est adroitement dirigé contre la Chine et la Russie :
- La Turquie va exploiter cette percée pour renforcer le pan-turkisme en Asie centrale et faire jonction avec le Xinjiang chinois ou le Turkestan oriental en suivant des objectifs stratégiques turcs dans un cadre purement néo-ottoman révisé ;
- Ankara qui réclame le maintien de la logistique militaire US au niveau de l'aéroport Hamid Karzaï de Kaboul et l'inclusion de l'armée pakistanaise dans le contrat, vise à former une nouvelle alliance centrée autour de la Turquie. Les Turcs ne cachent pas leur désir d'un statut international pour la nouvelle mission.
En fin de compte, c'est les pays occidentaux qui sont en train de construire le nouvel empire turc tout en critiquant son dirigeant Tayep Reçep Erdogan. Ce dernier, à la tête d'un pays ayant réussi à se hisser à un niveau de puissance jamais égalé depuis 1923, se targue avec raison d'avoir pu amener l'ensemble de l'Europe à lui payer un tribut annuel et d'être un acteur incontournable en Méditerranéenne, au Levant, en Ukraine, en Afrique du Nord, en Asie centrale, dans le Caucase et bientôt en Afrique subsaharienne où les Turcs s'activent en tant que sous-traitants des Américains. C'est une méthode éprouvée d'un auxiliaire qui finira tôt ou tard par prendre la place de l'armée impériale. C'est en tous cas l'intime conviction des dirigeants turcs actuels.
source : strategika51.org