28/08/2008 tlaxcala.es  7 min #19789

Lettre à Nicolas Sarkozy sur le Sahara occidental

AUTEUR: CEAS, FEDISSAH & CIPPS
Traduit par Regina Caillat-Grenier, révisé par Fausto Giudice

Coordination d'Associations Solidaires avec le Sahara en Espagne
Fédération espagnole d'Institutions Solidaires avec le Peuple Sahraoui
Coordinations intergroupes parlementaires "Paix pour le Sahara"
Madrid, le 1 juillet 2008

Monsieur Nicolas Sarkozy
Président de la République Française
Palais de l'Elysée
57, Rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 PARIS, FRANCE
Monsieur le Président,

Nous tenons à vous faire part de notre grande inquiétude en ce qui concerne la stagnation du Processus de Paix au Sahara Occidental après les quatre réunions de Manhasset. Notre inquiétude porte également sur le fait que le Maroc viole en permanence les droits de l'Homme dans les territoires occupés du Sahara Occidental. Les seules issues qui semblent possibles – poursuite de l'échec ou régression du processus de paix - n'invitent pas non plus à l'optimisme. D'ailleurs, le risque d'un nouvel affrontement sur le terrain, une intensification des protestations sahraouies dans les territoires occupés et une recrudescence de la répression, sont des facteurs qui doivent être présents à l'esprit de tous les gouvernements préoccupés par la stabilité et le développement de la région du Maghreb, tellement proche de nous, Européens du littoral nord Méditerranéen.

La France assume à partir de juillet la Présidence de l'Union Européenne, ce qui lui offre l'occasion de remettre en cause l'ancienne perception de l'Union sur ce conflit. Perception qui a permis à l'une des parties, le Maroc, de se retrancher derrière une dangereuse attitude d'intransigeance. Face à cette réalité, à ces craintes et à ces espoirs, nous avons jugé nécessaire et utile de vous adresser cette lettre, convaincus qu'en vous parvenant, elle méritera votre attention et entraînera une réponse de votre part.

Comme vous savez, l'occupation illégale du Sahara Occidental par le Maroc, fait de ce territoire le dernier en Afrique à figurer à l'agenda du Comité des 24 des Nations Unies, en attente de sa décolonisation définitive.

D'après les archives de l'ONU, entre 1967 et 1973 le Maroc a reconnu au peuple sahraoui son droit à l'indépendance. En 1975 ce pays a commis l'erreur tragique d'ignorer ses engagements ainsi que les principes et résolutions de l'ONU concernant la décolonisation du Sahara Occidental. Déjà en 1960 le Maroc avait commis la même erreur avec la Mauritanie, en prétendant annexer ce pays par la force, avec des arguments dénués de toute consistance juridique et historique, justifiant ainsi plus tard l'occupation du Sahara Occidental. La position cohérente de la France en faveur de l'autodétermination de la Mauritanie avait été décisive à ce moment-là pour sauvegarder l'indépendance et l'autonomie de cette nation pacifique, aujourd'hui démocratique.

En 1990-91 et sous les auspices de l'ONU et l'OUA, le Maroc et le Front Polisario ont accepté un plan de règlement stipulant la tenue d'un référendum d'autodétermination, qui permettrait au peuple sahraoui de décider librement de son avenir, en choisissant entre l'indépendance et l'intégration au Maroc. La France, en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité, avait accepté ce plan. Le Maroc a décidé d'empêcher son application, craignant qu'une majorité de Sahraouis ne votent pour l'indépendance. Douze ans plus tard, le Conseil de Sécurité a accepté à l'unanimité, en juillet 2003, un nouveau Plan de Paix pour l'Autodétermination du Peuple du Sahara Occidental, plan élaboré par Monsieur James Baker, Envoyé Personnel du Secrétaire Général de l'ONU.

Malgré les préoccupations et les inquiétudes exprimées dans ce Plan, le Front Polisario a décidé de l'accepter pour donner une chance à la paix dans cette région, si proche géographique et historiquement de nos deux pays. Son acceptation a été soulignée positivement par le Secrétaire Général de l'ONU; pourtant, le Maroc continue à s'opposer catégoriquement à tout plan de paix. Il faut également rappeler que le Maroc a bloqué en février 2001 la poursuite du processus d'application du Plan de règlement de 1990-1991.

Cette attitude persistante d'obstruction à la paix, qui porte atteinte à la crédibilité des Nations Unies et plus précisément du Conseil de Sécurité, a été malheureusement encouragée par la position assumée publiquement par la France. La visite que vous avez effectuée au Maroc, en 2007, a marqué le moment culminant de cette position derrière laquelle le Maroc se retranche pour justifier la rigidité de sa posture, face à toute perspective de solution acceptable selon le droit international, pour le règlement d'un problème de décolonisation.

Lorsque la France proclame qu'elle "sera à côté du Maroc au Conseil de Sécurité" – si nous nous rappelons que votre prédécesseur en était arrivé à considérer le Sahara comme une des "Provinces du Sud"- elle met en question la cohérence de la position qu'elle désire acquérir au niveau international. Une position basée sur la défense d'un "système multilatéral", en mesure de résoudre les conflits dans le cadre de la légalité internationale et faisant contrepoids à l'unilatéralisme et aux doctrines visant à légitimer les "actions de guerre préventives".

La France, berceau de tant de révolutions libératrices, a été l'inspiratrice des Droits de l'Homme et d'une grande partie des progrès connus par l'humanité. Par conséquent, le peuple sahraoui, qui a tellement souffert des conséquences directes de l'occupation de son territoire, les milliers de citoyens de ce pays et certainement d'autres pays démocratiques, ont du mal à comprendre que cette France-là, se soit placée en marge de la loi internationale et des principes de la Charte des Nations Unies, en s'opposant à la liberté pourtant méritée, d'un peuple qui a démontré dans les faits une indiscutable intégrité morale.

Nous sommes certains, Monsieur le Président, que si la paix au Sahara Occidental reste un objectif encore éloigné, malgré l'implication prolongée de l'ONU, c'est fondamentalement à cause de l'obstruction marocaine, soutenue et nourrie par la position de la France. Il est temps que la France agisse sur cette question, en cohérence avec ses nobles traditions et œuvre en faveur d'une paix juste et définitive, qui garantisse au peuple sahraoui le droit fondamental de choisir librement son destin. Le projet d'Union Méditerranéenne ne pourra pas avancer de manière crédible et sûre, sans une résolution juste des deux conflits – Palestine et Sahara Occidental– qui hypothèquent le futur du Moyen-Orient et du Maghreb arabe.

Nous sommes également convaincus que cette voie est la seule susceptible de consolider un projet démocratique au Maroc et dans tout le Maghreb, en favorisant la l'harmonie nécessaire à la stabilité et au développement économique. En adoptant cette attitude, la France ne fera que renforcer son prestige et sa crédibilité internationale et démontrera qu'elle assume avec sérieux la position qu'elle a prise vis-à-vis des conflits au Moyen-Orient et plus particulièrement en Irak. C'est dans l'espoir d'une contribution de la France à la paix régionale, que nous sollicitons une révision de sa position sur la question du Sahara Occidental.

Dans l'attente d'une réponse de votre part, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, nos salutations les plus distinguées.

José Taboada Valdés, Président
Coordination d'Associations Solidaires avec le Sahara en Espagne
Carmelo Ramírez Marrero, Président
Fédération espagnole d'Institutions Solidaires avec le Peuple Sahraoui
Andrés Perelló Rodríguez, Président
Coordination intergroupes parlementaires "Paix pour le Sahara"

Source :  saharaindependiente.org
Article original publié le 1er Juillet 2008
Sur l'auteur
Regna Caillat-Grenier sont membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l'intégrité et d'en mentionner l'auteur, la traductrice, le réviseur et la source.
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