08/01/2022 les-crises.fr  6 min #200304

Le New York Times entre les lignes : Les Démocrates ne doivent pas défier l'oligarchie

Le comité éditorial peut toujours parler de justice sociale, mais Norman Solomon et Jeff Cohen affirment qu'il s'oppose à tout changement structurel ou politique visant à soutenir cette démarche.

Source :  Consortium News, Norman Solomon, Jeff Cohen
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le siège du New York Times. (Michal Osmenda, CC BY-SA 2.0, Wikimedia Commons)

Quelques jours après l'élection du 2 novembre, le New York Times a publié un éditorial véhément appelant le parti démocrate à adopter des positions « modérées » et à éviter de rechercher « des politiques progressistes au détriment des idées bipartites. » Il s'agissait d'une déclaration du comité éditorial du Times, que le journal décrit comme « un groupe de journalistes dont les opinions sont éclairées par l'expertise, la recherche, le débat et certaines valeurs de longue date. »

L'éditorial reflète certainement des « valeurs de longue date » - puisque le Times les recycle depuis des décennies dans ses attaques incessantes contre l'aile progressiste du parti démocrate.

Le comité éditorial du Times a débuté sa polémique en appelant le parti à « revenir à des politiques modérées ».

Traduction : s'en tenir à des politiques favorables aux entreprises du type de celles que nous avons applaudies pendant les 16 années des présidences Clinton et Obama.

Le comité a également déclaré que les résultats des élections :

« sont un signe qu'une partie importante de l'électorat se méfie d'une forte poussée vers la gauche du parti, y compris sur des priorités telles que Build Back Better [Reconstruire en mieux, NdT], dont certaines dispositions sont fortes et d'autres discrétionnaires font grimper les prix. »

Traduction : bien que les sondages successifs montrent que le programme Reconstruire en mieux est populaire auprès du grand public, en particulier l'augmentation des impôts pour les riches et les élites des entreprises pour le financer, nous devons décrire le plan comme faisant partie « d'une forte poussée vers la gauche. »

Et le comité a noté :

« les préoccupations des Américains les plus centristes à propos de la précipitation à dépenser l'argent des contribuables, à accroître le poids du gouvernement, ne doivent pas être négligées. »

Traduction : bien que nous ne soyons pas opposés à la « ruée vers l'argent des contribuables » pour l'armée, et que nous n'ayons pas fait d'éditorial contre le budget gonflé du Pentagone, nous nous opposons aux efforts visant à « trop augmenter le poids du gouvernement » pour des objectifs tels que les soins de santé, la garde d'enfants, l'éducation, le logement et l'atténuation de la crise climatique.

Biden n'a pas gagné la primaire démocrate parce qu'il a promis une révolution progressiste. Il y avait beaucoup d'autres candidats qui le faisaient. Il a obtenu l'investiture - et la présidence - parce qu'il a promis à une nation épuisée un retour au bon sens, à la décence et à la compétence. »

Traduction : pas besoin de s'inquiéter du pouvoir anti-démocratique des grandes richesses et des monopoles d'entreprises. Nous aimions le statu quo avant la présidence de Trump, et c'est plus ou moins ce que nous voulons maintenant.

« Personne ne l'a élu pour être Roosevelt », a déclaré au Times la représentante Abigail Spanberger, une démocrate modérée de Virginie, après la défaite de mardi.

Traduction : Spanberger, un ancien officier de la CIA et membre actuel de la coalition des Blue Dogs [Branche conservatrice démocrate, NdT] au Congrès, est notre type de démocrate.

« Les Démocrates devraient travailler à la mise en œuvre de politiques visant à aider le peuple américain. »

Traduction : les Démocrates devraient s'efforcer de mettre en œuvre des politiques visant à aider le peuple américain, mais sans tomber dans l'excès en l'aidant trop. Nous écrivons parfois des éditoriaux déplorant la grande inégalité des revenus dans ce pays, mais nous ne voulons pas que le gouvernement en fasse trop pour la réduire.

« Le Congrès devrait se concentrer sur ce qui est possible, et non sur ce qui serait possible si Joe Manchin, Kyrsten Sinema et - franchement - une foule de démocrates modérés moins connus n'étaient pas en fonction, et qui n'ont pas eu à voter pour des politiques auxquelles ils pourraient s'opposer.

Traduction : nous faisons des éditoriaux sur la justice sociale, mais nous ne voulons pas de changements structurels et de nouvelles politiques gouvernementales substantielles qui pourraient nous en rapprocher. Nous faisons des éditoriaux sur la crise climatique, mais nous ne sommes pas en faveur d'actions gouvernementales qui soient à la hauteur de la crise.

Notre type de libéralisme tiède est une approche qui ne constituera pas une menace pour les propriétaires du Times et les gros annonceurs, et qui ne diminuera pas l'influence et les avoirs des riches élites, y compris le président du New York Times, A.G. Sulzberger, et le conseil d'administration de la société. Nous voulons du changement, mais pas trop !

« Les Démocrates sont d'accord sur bien plus de points qu'ils ne sont en désaccord. Mais les électeurs n'en ont pas l'impression après des mois et des mois de querelles intrapartisanes. Il est temps de se concentrer sur des politiques bénéficiant d'un large soutien et de les faire passer. »

Traduction : bien que les progressistes se battent pour des programmes qui bénéficient en fait d'un large soutien public, nous continuerons à déclarer que ces programmes ne bénéficient pas d'un large soutien public. Les progressistes doivent abandonner et se rendre aux forces des entreprises que nous aimons appeler « modérées ».

Norman Solomon est cofondateur et coordinateur national de RootsAction.org. Il a notamment publié War Made Easy : How Presidents and Pundits Keep Spinning Us to Death (2006) et Made Love, Got War : Close Encounters with America's Warfare State (2007). [La guerre facile : comment les présidents et les experts continuent à nous faire tourner en bourrique (2006) et Faire l'amour, et la guerre : rencontres rapprochées avec l'état belliciste américain (2007), NdT]

Jeff Cohen est activiste et écrivain. Il a été professeur agrégé de journalisme et directeur du Park Center for Independent Media à Ithaca College, fondateur du groupe de surveillance des médias FAIR et ancien membre du conseil d'administration de Progressive Democrats of America. En 2002, il a été producteur et commentateur sur MSNBC (supervisée par NBC News). Il est l'auteur de Cable News Confidential : My Misadventures in Corporate Media [Cable News Confidential : Mes mésaventures dans les médias d'entreprise, NdT]- et cofondateur du groupe d'action en ligne  www.RootsAction.org. Son site Web est jeffcohen.org.

Source :  Consortium News, Norman Solomon, Jeff Cohen, 18-11-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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