21/01/2022 les-crises.fr  5 min #200930

L'Ue veut supprimer les contrats d'approvisionnement en gaz à long terme

Le Bloc veut « mettre fin à sa dépendance » à l'égard de fournisseurs tels que la Russie afin « d'atteindre ses objectifs en matière de gaz à effet de serre ».

Source :  Financial Times, Mehreen Khan, Nastassia Astrasheuskaya
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

La Russie fournit un tiers des besoins européens en gaz par l'intermédiaire du producteur monopolistique Gazprom, soutenu par l'État. © Andrey Rudakov/Bloomberg

Bruxelles a proposé d'interdire les contrats à long terme d'importation de gaz naturel dans l'UE au-delà de 2049, afin de mettre fin à la dépendance de l'Union vis-à-vis des producteurs étrangers, Russie en tête. La Commission européenne a dévoilé mercredi une mise à jour de ses règles relatives au marché du gaz, qui prévoit d'interdire aux États membres de conclure des contrats d'approvisionnement en gaz avec des pays non membres de l'UE au-delà de 2049, soit la dernière année avant que l'UE n'atteigne son objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre. « Aucun contrat à long terme de fourniture de gaz fossile pur ne sera conclu au-delà de la fin de l'année 2049 », indique la proposition de la Commission, qui devra être approuvée par une majorité de gouvernements et de députés européens pour entrer en vigueur.

Cette proposition d'interdiction des contrats à long terme intervient alors que l'Europe subit depuis l'automne des prix records pour le gaz en gros. La flambée des prix est due à des facteurs tels que l'augmentation de la demande mondiale à mesure que les pays se remettent de la pandémie, la réduction de l'offre d'énergie renouvelable et la baisse des approvisionnements supplémentaires en provenance de Russie. La Russie, premier fournisseur de gaz naturel de l'UE, préfère les contrats à long terme et a déclaré que la crise énergétique était due en partie aux mesures prises par les pays de l'UE pour supprimer progressivement ces accords d'achat.

« Cette pratique est une erreur », a déclaré le président russe Vladimir Poutine en octobre. « Les contrats à long terme sont normalement utilisés pour ouvrir de nouveaux sites de production de gaz et assurer leur rentabilité », a déclaré Kadri Simson, commissaire européen à l'Energie. « Cette interdiction envoie un signal fort : ces activités ne doivent pas être poursuivies si les émissions ne sont pas réduites. Elle réitère notre message clair selon lequel notre marché du gaz sera décarboné d'ici à 2050. » L'interdiction de Bruxelles ne s'appliquera qu'au gaz fossile « non neutre », qui n'utilise pas de moyens pour réduire les émissions de CO2, notamment le captage et le stockage du carbone. La Russie, qui fournit un tiers des besoins européens en gaz par l'intermédiaire du producteur monopolistique Gazprom, soutenu par l'État, a réagi avec prudence aux propositions de la Commission.

« Attendons la décision qu'ils prendront réellement. Normalement, une discussion se termine par une approche plus pondérée », a déclaré Pavel Sorokin, vice-ministre russe de l'Energie. « Attendons donc qu'ils aient fini de discuter et que l'on voie les propositions finales. Ensuite, attendons encore 10 à 15 ans et voyons si elles restent en place. » La Russie s'étant également engagée à être neutre en carbone d'ici 2060, Sorokin a déclaré que le passage à un avenir plus vert était un objectif commun. « Nous devons absolument nous diriger vers la neutralité écologique, c'est un fait non contesté que tout le monde a accepté et vers lequel tout le monde se dirige. Mais nous devons le faire sans slogans mais avec de vrais calculs et une vraie compréhension des prix. »

Sorokin a averti qu'un abandon des contrats de gaz à long terme pourrait entraîner des prix encore plus élevés et des troubles sociaux potentiels. « Rappelez-vous ce qui s'est passé avec les gilets jaunes en France ? C'est arrivé à cause d'une taxe écologique plus élevée sur l'essence. Imaginez maintenant ce qui se passera lorsque [la Commission] dévoilera le coût réel de toutes ces actions », a-t-il averti. Konstantin Simonov, directeur du fonds russe pour la sécurité énergétique, a qualifié le moment choisi pour présenter ces propositions de « stupide. »

« Lorsque le prix au comptant du gaz monte en flèche, [il] semble que l'ordre du jour devrait être l'inverse. C'est comme si l'Europe essayait d'aggraver la crise, a-t-il déclaré. Quand les experts, même en Europe, disent que les contrats à long terme sont une porte de sortie, les responsables veulent les annuler. C'est très étrange. Eh bien, laissons-les faire, transférons tout sur le marché spot et voyons ce qui se passe. »

Gazprom s'est refusé à tout commentaire. Mais l'entreprise a souligné à plusieurs reprises qu'elle remplissait toutes ses obligations contractuelles et que l'Europe devait envisager des accords à plus long terme si elle voulait davantage de gaz. La Commission a également proposé un système volontaire d'achat commun de gaz et de stockage partagé pour les pays de l'UE, dont beaucoup ont exigé des changements radicaux sur le marché intérieur de l'énergie afin de freiner la hausse des prix de l'électricité. Bruxelles encouragera les États membres à procéder à des achats groupés en cas d'urgence. Selon Simson, les pays devraient procéder à des évaluations nationales des risques en fonction de leurs besoins en matière d'achat et de stockage.

« Ces réserves pourraient être libérées en cas d'urgence et être conformes aux règles du marché de l'énergie et de la concurrence de l'UE », a ajouté le commissaire. Dans le cadre de ses projets de décarbonisation du gaz, Bruxelles va introduire des règles visant à accroître la production de biogaz et d'hydrogène vert. L'empreinte carbone du biogaz est inférieure de 70 % à celle du gaz naturel, mais il représente moins de 5 % de la consommation totale de gaz de l'UE, selon la Commission. Bruxelles proposera également de réduire les tarifs d'entrée du gaz à faible teneur en carbone et d'intégrer ces sources dans le réseau gazier de l'UE. Les dirigeants européens examineront ces propositions lors d'un sommet qui se tiendra jeudi à Bruxelles.

Source :  Financial Times, Mehreen Khan, Nastassia Astrasheuskaya, 15-12-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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