13/06/2022 infomigrants.net  3 min #210128

Traite d'êtres humains : l'ex-président de l'association « Vies de Paris » condamné à deux ans de prison

L'ex-président de "Vies de Paris" a été reconnu coupable de "traite aggravée d'êtres humains". Crédit : Pixabay

Ronald D. a été reconnu coupable de "traite aggravée d'êtres humains" par le tribunal correctionnel de Paris. Les juges ont condamné vendredi 10 juin l'ancien président de l'association "Vies de Paris" à deux ans de prison dont un an avec sursis probatoire.

Sous couvert d'aider les migrants, Ronald D., un Français d'origine haïtienne de 54 ans, s'est enrichi sur leur dos. L'homme avait mis en place un système de travail dissimulé, comme l'avait révélé  une enquête du quotidien Libération.

L'association a employé des exilés avec "la promesse d'une rémunération", tout en affirmant qu'elle les "aiderait à se régulariser", a expliqué le président du tribunal en rendant son jugement. Il a souligné les "remarques humiliantes" du président et des conditions de travail qui ne respectaient pas "la dignité".

Climat de terreur

Comme l'ont décrit les plaignants à l'audience, l'association leur faisait miroiter la promesse d'une régularisation administrative en échange d'une adhésion qui leur permettait de bénéficier d'une adresse postale et d'heures de travail à son service.

Le système mis au point par Ronald D. était de proposer aux "bénévoles" un crédit et de travailler pour lui afin de rembourser les soi-disant services qu'il leur offrait.

À l'audience en janvier, des hommes et des femmes passés par cette association, créée en novembre 2011 et toujours en activité, avaient décrit à la barre leurs horaires à rallonge pour des "gratifications" allant de 1 à 3 euros de l'heure et des soupçons d'agressions sexuelles. Le président de "Vies de Paris" faisait régner un climat de terreur.

En cas de mécontentement, Ronald D., qui se faisait appeler "monsieur le président", "le boss", voire "sa majesté", humiliait les exilés et les menaçait d'expulsion. "Il m'a isolée au sein de l'association, il me rabaissait. Il me disait qu'il travaillait avec la police et qu'il les enverrait chez moi pour m'expulser", rapportait à Libération une mère de famille originaire du Maghreb.

Deux femmes ont parlé au journal d'attouchements. "Un jour, alors que j'étais toute seule à l'accueil le soir, il est arrivé face à moi, il s'est penché et a clairement tenté de m'embrasser sur la bouche", racontait l'une d'elles, citée par Libération. "Il s'est permis de m'embrasser par surprise, sans mon consentement", témoignait une seconde femme. Une autre a parlé de faits qui pourraient être qualifiés de viol.

L'accusé ne fera pas appel

Au total, une cinquantaine de personnes s'étaient portées parties civiles dans ce dossier, dont la CGT et le Comité contre l'esclavage moderne (CCEM). Une enquête de l'inspection du travail et de l'Office de lutte contre le travail illégal (OCLTI), débutée en janvier 2019, faisait état de 159 victimes.

Deux anciennes cadres étaient également poursuivies dans cette affaire. L'une a été reconnue coupable de "complicité de traite aggravée d'êtres humains" et condamnée à huit mois de prison avec sursis. La seconde a été relaxée.

"C'est une vraie victoire", s'est félicité Me Maxime Cessieux, un des avocats des victimes, qui a insisté sur l'importance de la reconnaissance de la "traite d'êtres humains" pour que les victimes "soient rétablies dans leur dignité".

Ronald D. qui, joint au moment de l'enquête de Libération, niait tout en bloc ne fera pas appel du jugement, selon son avocat. "C'est une décision qui nous paraît justifiée, qui nous paraît proportionnée", a indiqué à l'AFP Me Guillaume Teboul.

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