26/06/2022 ismfrance.org  5 min #210945

L'accord gazier entre Israël, l'Egypte et l'Ue est un nouveau feu vert à l'occupation et aux violations des droits de l'homme

Inès Abdel Razek, 21 juin 2022. L'Union européenne vient de signer un accord gazier tripartite avec l'Égypte et Israël qui va accroître la dépendance de l'UE au gaz israélien. Décrit par le chef de la Commission européenne comme un « accord historique », cet accord prouve qu'en matière de respect des droits de l'homme et du droit international, l'UE et ses États membres n'ont aucune crédibilité.

(source : article  MEE de 2015)

Cet accord intervient alors que l'UE cherche des alternatives au pétrole russe dans le contexte de la guerre en Ukraine. Charles Michel, président du Conseil européen, estime que l'embargo sur les importations de pétrole russe coupe « une énorme source de financement de sa machine de guerre ».

Au lieu de cela, l'UE s'engage dans une voie qui la rendra plus dépendante du gaz israélien, malgré l'occupation militaire israélienne qui dure depuis plus d'un demi-siècle et les 74 années de dépossession des Palestiniens par les colons, qui comprennent des violations permanentes et flagrantes du droit international équivalant au crime d'apartheid.

L'accord sur le gaz fait suite à la mise en œuvre des accords d'Abraham, une initiative menée sous l'égide des États-Unis pour normaliser les relations entre Israël et les États arabes. L'accord rendra également l'UE plus dépendante de l'Égypte, un régime dictatorial qui compte environ 60.000 prisonniers politiques et qui commet de nombreuses violations des droits de l'homme, et avec qui l'UE a également normalisé ses relations.

Au début de l'année, l'UE a engagé 657 millions d'euros (688 millions de dollars) pour l'interconnecteur EuroAsia, une ligne sous-marine reliant les réseaux électriques d'Israël, de Chypre, de la Grèce et de l'Europe.

Projet de colonisation

Depuis des décennies, Israël construit son État et alimente son projet de colonisation par l'expropriation de terres et le pillage des ressources naturelles palestiniennes, notamment l'eau, le pétrole et le gaz, la pierre et les minéraux de la Mer Morte dans les territoires occupés. Le gaz destiné à être exporté vers l'Europe est exploité au large de la côte de Gaza, où Israël maintient depuis 15 ans un blocus brutal sur deux millions de Palestiniens et les bombarde régulièrement.

Israël a également empêché les Palestiniens d'exploiter les réserves de gaz naturel du champ marin de Gaza, s'assurant ainsi que la population palestinienne reste soumise à sa volonté.

En effet, Israël utilise le secteur de l'énergie comme un levier pour normaliser davantage son régime d'apartheid et de colonisation, construisant sans vergogne sa diplomatie tout en commettant des crimes contre la population palestinienne. Se présentant comme un phare des technologies militaires et cybernétiques, Israël expérimente et teste ces technologies sur les Palestiniens qu'il contrôle.

La collaboration de l'Europe avec Israël dans le secteur de l'énergie, ainsi que les visites de haut niveau effectuées en Israël par des dirigeants européens et américains, donnent le feu vert au gouvernement actuel pour qu'il continue à intensifier sa campagne d'oppression, sans que la communauté internationale ait à rendre des comptes. Au cours de l'année écoulée, les forces israéliennes ont tué des centaines de Palestiniens, démoli des centaines de maisons, poursuivi les campagnes étatiques de nettoyage ethnique et continué à persécuter les militants des droits de l'homme.

Des déclarations insignifiantes

Pourtant, au lieu de sanctionner et d'isoler Israël, la communauté internationale le récompense pour ses crimes de guerre par le biais d'accords et de la diplomatie, renforçant ainsi la culture d'impunité de l'État. Dans le meilleur des cas, les gouvernements européens continuent à faire des déclarations sans conviction en utilisant des points de discussion épuisés et déconnectés des réalités sur le terrain, comme la « nécessité d'une solution à deux États ».

Dans le même temps, les institutions de l'UE dépensent leur énergie politique à harceler les Palestiniens au sujet des manuels scolaires et à céder à la campagne israélienne contre les groupes de la société civile palestinienne.

Pour aggraver les choses, les dirigeants palestiniens sont restés silencieux sur l'accord gazier entre Israël, l'Égypte et l'UE, qui a été annoncé deux jours seulement après que l'UE ait débloqué environ 200 millions de dollars de fonds pour l'Autorité palestinienne (AP), des fonds en souffrance depuis longtemps. Cela confirme une fois de plus que l'AP a accepté sa propre soumission au régime colonial et la poursuite de la dépossession des Palestiniens pour assurer sa propre survie politique.

Cela contribue à effacer le peuple palestinien de toute stratégie géopolitique, rendant la perspective de libération et d'autodétermination des Palestiniens encore plus lointaine.

Le récent accord gazier représente une autre tache sur les valeurs fondatrices de l'UE. Au lieu de s'opposer aux États néo-autoritaires aux programmes ethno-nationalistes et de mettre en œuvre une politique étrangère fondée sur des valeurs et soutenue par un multilatéralisme fort, l'Europe choisit tout simplement ses propres camps de colonisateurs et de violeurs des droits de l'homme.

Article original en anglais sur  Middle East Eye / Traduction MR

Inès Abdel Razek est directrice du plaidoyer pour le Palestine Institute for Public Diplomacy, une organisation non gouvernementale Palestinienne de plaidoyer et diplomatie citoyenne. Ces dix dernières années, Inès a occupé des postes de conseil sur les politiques de coopération pour le développement auprès de hauts responsables à l'Union pour la Méditerranée, à l'ONU Environnement et au cabinet du Premier ministre palestinien. Inès est membre active du think-tank Al-Shabaka. Inès est titulaire d'un master en affaires publiques de Sciences-Po Paris. Son compte Twitter :  @InesAbdelrazek

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