28/07/2022 infomigrants.net  4 min #212856

Calais : un migrant filme une scène d'humiliation et de violences verbales de la part de Crs

Sur des images filmées le 12 juillet par un migrant, des CRS s'adressent avec violence et moqueries à des personnes exilées. Crédit : capture d'écran vidéo amateur

Insultes, violences et humiliations. À  Calais, la vidéo d'une interpellation de migrants, menée manu militari par des CRS, fait dresser les sourcils. Sur les images, filmées le 12 juillet par un migrant faisant partie du groupe qui était alors interpellé, plusieurs membres des forces de l'ordre s'adressent avec agressivité et moqueries à des personnes exilées qu'ils viennent d'aborder au bord d'une route.

L'un d'eux intime à un migrant : "Eteins ton téléphone", puis "ramène ta gueule, toi !". Un deuxième demande à un collègue : "Vous ne les foutez pas au sol ?". Suite à cette remarque, un CRS ordonne au groupe de s'asseoir, ce que font aussitôt les exilés. S'en suivent des ricanements : "C'est la meilleure idée que tu as eu de la journée !", pouffe l'un des policiers, félicitant le donneur d'ordres. "Maintenant, on essaie les mains sur la tête ?", entend-on sur la vidéo. "Ça fait un petit peu colonial, on va éviter", répond un autre.

Vidéo d'une personne exilée à #Calais. Elle nous a rapporté que des CRS ont fait mine de les écraser avec leur van avant de frapper deux personnes.
Voilà le traitement inhumain et dégradant infligé par la police aux personnes exilées ; absence de traduction, humiliation, violence

Le CRS qui les a faits asseoir demande ensuite au groupe si quelqu'un parle anglais. Face à leur réponse négative, l'un des CRS lance : "Sakar Fourmek" ("ferme ta gueule", en arabe). "Ça, c'est pas English, mais ça ils comprennent", rit-il.

Coups

La vidéo s'interrompt lorsqu'un policier semble porter des coups sur le téléphone du migrant qui filme.

Ce dernier a transmis ces images le 15 juillet au collectif Human Rights Observers (HRO), très actif dans la région. Il a affirmé que, peu de temps avant qu'il ne commence à filmer, les CRS avaient foncé avec leur van en direction du groupe de migrants, qui ont eu peur d'être écrasés. Les forces de l'ordre seraient ensuite sorties du véhicule et des coups auraient été portés par au moins un CRS sur au moins l'un des migrants, toujours selon l'individu auteur de la vidéo.

Sur la base de ce témoignage et de cette vidéo, HRO a indiqué, le 26 juillet, avoir saisi la Défenseure des Droits et avoir alerté la sous-préfecture de Calais ainsi que le procureur pour que des mesures disciplinaires, "au moins", soient prises à l'encontre des CRS, facilement reconnaissables sur les images. Mais sans grand espoir.

Suite à ces violences, nous avons envoyé un courrier à @Prefet62 et au procureur de Boulogne sur Mer, afin que des mesures soient prises contre les policiers impliqués. Une saisine du Défenseur des Droits est également en cours.
De tels actes ne peuvent rester impunis.

Vidéo d'une personne exilée à #Calais. Elle nous a rapporté que des CRS ont fait mine de les écraser avec leur van avant de frapper deux personnes.
Voilà le traitement inhumain et dégradant infligé par la police aux personnes exilées ; absence de traduction, humiliation, violence

"La sous-préfète est en vacances et on n'est pas sûrs que le procureur fasse quoi que ce soit, même si la manière dont les CRS parlent aux exilés et le fait qu'ils les fassent asseoir comme des chiens sont des éléments suffisants, selon nous, pour qu'il agisse", commente Laure Saboureux, juriste et membre du collectif.

Contactée par InfoMigrants, la préfecture n'a pour l'heure pas répondu à nos sollicitations.

"Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg"

Pour la militante, cette vidéo est une occasion de montrer ce qui reste trop souvent dans l'ombre. "Des  violences policières de ce type, il y en a tout le temps. La différence, c'est que, d'habitude, il n'y a pas d'images", estime-t-elle, précisant que plusieurs cas de ce genre sont signalés tous les mois à Calais. "C'est bien de visibiliser ces agissements [des forces de l'ordre, ndlr] mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg."

À Calais, les tensions, et mêmes les  affrontements, entre la police et les migrants sont monnaie courante. Les exilés, qui se concentrent en nombre dans la région dans l'espoir de réussir à passer en Angleterre, sont victimes d'une politique de harcèlement, selon les associations sur place.

Ils sont  régulièrement délogés de leurs campements de fortune par la police, et voient parfois leurs tentes lacérées et leurs biens confisqués, dans le cadre d'une logique de "zéro point de fixation" prônée par la mairie de la ville. Un "traitement dégradant" qui provoque la "détresse" de la population migrante,  avait dénoncé Human Rights Watch à l'automne dernier, dans un rapport. À l'écho mitigé.

 infomigrants.net

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