© Kirill Kudryavtsev / AFP
10 déc. 2022, 14:01
Ce 10 décembre, Viktor Bout a accordé une interview exclusive à RT en russe, alors qu'il est de retour à Moscou après plus de dix ans derrière les barreaux aux Etats-Unis. Quelques jours après le fameux échange de prisonniers qui a conduit à sa libération, il a répondu aux questions de Maria Boutina, une députée russe qui lutte pour la défense des Russes emprisonnés à l'étranger - et qui a elle-même passé 18 mois en prison aux Etats-Unis.
L'entrepreneur est revenu sur son expérience en prison et sur les conditions de sa détention. Entre autres anecdotes et descriptions de sa vie en captivité, il a notamment raconté avoir été privé pendant 45 jours de coups de téléphone.
Il a précisé, sur le fond des accusations portées contre lui, qu'il n'avait «rien fait d'illégal» et que le juge lui-même n'avait pas trouvé d'élément à charge contre lui. «Tout ce qui m'est arrivé arrive à notre pays», a-t-il poursuivi.
Viktor Bout estime devoir sa libération à «toute la Russie»
Evoquant ses prétendus liens avec les Taliban, qui lui sont reprochés notamment dans les médias mainstream, Viktor Bout dénonce des accusations «impensables», soulignant que les Taliban ont mis sa propre tête «à prix». «Où sont les preuves ?», demande-t-il encore au sujet de ces allégations, avant d'affirmer que des médias occidentaux comme CNN, racontent «n'importe quoi».
Je suis fier d'être russe et notre président, c'est Poutine
Interrogé par Maria Boutina sur sa préférence entre Joe Biden et Donald Trump, Viktor Bout rétorque n'en avoir aucune. Il ajoute, usant d'une métaphore : «Pepsi cola et Coca-cola, quelle différence ?» Selon lui, les Russes accordent en effet «trop d'attention» à la politique intérieure américaine.
Celui qui a finalement été libéré au cours d'un échange entre Moscou et Washington contre la basketteuse américaine Brittney Griner (qui était incarcérée en Russie pour trafic de drogue), raconte son bref échange avec cette dernière. «Je lui ai souhaité bonne chance, elle m'a tendu la main», raconte-t-il, jugeant que la réaction de la sportive avait été très positive à son égard. «Dans notre tradition, il faut souhaiter bonne chance à tout le monde», conclut-il.
Interrogé sur le portrait de Vladimir Poutine qui trônait dans sa cellule, Viktor Bout confirme et explique : «Je suis fier d'être russe et notre président, c'est Poutine.»
Il affirme ensuite devoir sa libération à «toute la Russie». «Des inconnus m'écrivaient», raconte l'entrepreneur, disant avoir reçu des lettres de tout le pays, et même d'Ukraine.
Viktor Bout, ancien traducteur et radio de l'armée de l'air soviétique, a été arrêté en Thaïlande en 2008. Selon l'accusation, il avait accepté de vendre un arsenal de fusils et de missiles à des agents secrets américains se faisant passer pour des guérilleros des Forces armées révolutionnaires de Colombie, qui disaient vouloir utiliser ces armes pour abattre des hélicoptères américains aidant l'armée colombienne. Il a été extradé en 2010 de Thaïlande dans un jet spécialement affrété par les Etats-Unis. Reconnu coupable en novembre 2011 de trafic d'armes par la justice américaine, il a été condamné en avril 2012 à New York à 25 ans de prison.
Maria Boutina, une autre victime de l'«arbitraire» étasunien ?
Citoyenne russe, Maria Boutina avait connu une mésaventure similaire, puisqu'elle avait été arrêtée en 2018 aux Etats-Unis, où elle militait pour le droit du port d'armes. Les enquêteurs lui reprochaient notamment de ne pas s'être enregistrée comme agent étranger auprès du département américain de la Justice, comme l'exige une loi datant de 1938, la Foreign Agent Registration Act (FARA). Cette loi visait alors la propagande nazie et a été réactivée dans le cadre de la campagne antirusse lancée après la victoire de Donald Trump en novembre 2016.
Maria Boutina a purgé sa peine après avoir plaidé coupable - ce qui lui a permis d'écoper d'une peine beaucoup plus courte que si elle avait plaidé non-coupable. L'affaire Boutina a provoqué un tollé en Russie et Moscou a qualifié d'«infondées» les accusations contre Boutina. Vladimir Poutine a fermement critiqué la condamnation de Maria Boutina, affirmant qu'elle n'avait commis aucun crime et que Washington tentait simplement de «sauver la face». Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, avait pour sa part qualifié Boutina de «victime d'un véritable arbitraire» et d'«otage des autorités américaines».
Depuis 2021, Maria Boutina, également députée de la Douma d'Etat, est à la tête de la fondation Svoih ne brosaem («Nous n'abandonnons pas les nôtres», en français), qui lutte pour défendre le droit des Russes emprisonnés à l'étranger, ainsi que pour leur retour. Son organisation vient également en aide, plus généralement, aux citoyens russes en difficulté à l'étranger.