05/01/2023 reseauinternational.net  6 min #221903

63 soldats russes tués dans une frappe ukrainienne dans la région de Donetsk

Bombardement de l'armée otano-ukrainienne sur les mobilisés russes à Makeyevka : À qui la faute ?

par Christelle Néant

Dans la nuit du 31 décembre 2022 au 1er janvier 2023, l'armée otano-ukrainienne a bombardé un bâtiment d'une école technique de Makeyevka où étaient logés des mobilisés venant de Russie avant leur déploiement sur le front. Ce bombardement qui a fait 89 morts et plus d'une centaine de blessés, a provoqué une importante polémique parmi les journalistes russes sur la responsabilité de cette tragédie, qui aurait pu clairement être évitée.

Minuit vient de sonner, et  l'année 2023 vient à peine de commencer, que six roquettes de Himars hautement explosives (plus destructrices que le modèle standard) sont tirées sur l'école technique n°19 de Makeyevka, où des mobilisés russes venant en majorité de Samara, ont été installés en attendant d'être déployés sur le front.

La défense anti-aérienne russe abat deux roquettes, mais les quatre restantes suffisent pour détruire totalement le bâtiment qui s'effondre. Le bilan initial de 63 morts s'est alourdi ensuite à 89, et plus d'une centaine de blessés. D'après les dernières informations qui nous sont parvenues, une partie des soldats qui ont survécu au départ, sont morts en allant chercher leurs camarades dans les ruines. Et parmi les morts se trouve le commandant adjoint du régiment, le lieutenant colonel Batchourine. Le lanceur Himars utilisé pour cette frappe a été détruit par un tir de contre-batterie.

En représailles, l'armée russe a frappé la zone proche de la gare de Droujkovka, en région de Donetsk sous contrôle ukrainien, où du matériel militaire était déchargé, et sur le palais des glaces où des soldats ukrainiens étaient installés. Suite à cette frappe, deux lance-roquettes multiples HIMARS, quatre lance-roquettes multiples tchèques RM-70 Vampire, et plus de 800 roquettes destinées à ces lance-roquettes multiples ont été détruits. Les pertes humaines se montent à environ 120 soldats ukrainiens éliminés.

L'armée russe a aussi frappé un point de déploiement temporaire de l'une des unités de la « Légion internationale » dans la région de Maslovka, éliminant plus de 130 mercenaires étrangers.

Actuellement, une commission enquête sur la tragédie de Makeyevka, les résultats sont attendus pour le 6 janvier, et le ministère russe de la Défense a promis de punir les personnes responsables. Mais très vite la principale raison invoquée fut la présence et l'utilisation massive par les soldats russes, en violation de l'interdiction, de téléphones portables (qui auraient été détectés par le système américain ECHELON) à un endroit se trouvant à portée des armes ennemies. D'après le ministère de la Défense, c'est ce qui a permis à l'ennemi de localiser et de déterminer les coordonnées de l'emplacement des soldats russes pour lancer une frappe de missiles.

Mais cette raison avancée par le ministère russe de la Défense a fait grincer des dents pas mal de journalistes et surtout de correspondants de guerre russes, qui ont rappelé que les premiers fautifs sont ceux qui ont décidé d'installer un si grand nombre de soldats russes à un même endroit à portée de tir de l'artillerie lourde ennemie (il y a moins de 15 km à vol d'oiseau entre l'endroit en question et Avdeyevka) !

Si les soldats avaient été dispersés en plus petits groupes, le bilan n'aurait pas été aussi tragique, voire il n'y aurait pas eu de frappe menée avec des missiles aussi coûteux pour espérer tuer quelques soldats russes. Il y a clairement eu une erreur du commandement qui n'a pas tenu compte du fait que l'armée ukrainienne bénéficie d'informations fournies par les services de renseignement de l'OTAN, et en particulier de ceux des États-Unis !

Certes les soldats russes stationnés à Makeyevka ont violé l'interdiction de l'utilisation de téléphones portables, permettant à l'armée otano-ukrainienne de confirmer qu'ils étaient bien là à ce moment-là et qu'il s'agissait d'un regroupement important. Et cette erreur leur a coûté terriblement cher. Mais ils ne sont pas les principaux responsables de cette tragédie.

En effet, si on suit le « modèle du fromage suisse » (qui dit que même s'il y a dans un processus plusieurs mécanismes pour éviter les accidents, chacun d'eux possède des failles, comme les trous dans une tranche d'Emmental, et si les trous de ces différentes « tranches de fromage » sont « alignés », alors un accident peut se produire), le ou les responsables sont ceux qui ont carrément retiré la première « tranche de fromage » (la dispersion des troupes). Sans cette première erreur, même si les soldats avaient utilisé leur téléphone, leur dispersion importante les aurait rendus moins « visibles » pour le renseignement ennemi, et surtout le ratio prix du missile/nombre de soldats tués aurait sûrement fait pencher la balance en défaveur d'une frappe.

Je suis d'accord avec mes confrères sur le fait que ce sont ceux qui ont décidé de regrouper ainsi un grand nombre de soldats russes à un même endroit, à portée de tir de l'ennemi, qui sont les premiers responsables de la tragédie de Makeyevka, et qu'ils doivent être non seulement démis immédiatement de leurs fonctions, mais jugés ! Il n'y a qu'ainsi que de telles erreurs inacceptables ne se reproduiront plus.

Mais il faut néanmoins rappeler aux soldats russes que s'ils ont interdiction d'utiliser leurs téléphones portables c'est pour des raisons de sécurité. On sait depuis longtemps que l'Ukraine traque les numéros de téléphone russes dans le Donbass. Avant 2022 elle le faisait grâce au roaming qui passait par les opérateurs ukrainiens qui transmettaient les informations au SBU (ce n'est plus le cas depuis le début de l'opération spéciale, mais depuis peu le roaming a été rétabli via les fournisseurs locaux). Le problème est que désormais l'Ukraine a accès à bien plus de renseignements fournis par les Américains que par le passé. Résultat cette interdiction ne doit pas concerner que les cartes SIM russes (car comme le  journaliste Alexandre Kots je doute qu'ECHELON soit incapable de localiser voire d'écouter les cartes SIM émises par les deux Républiques Populaires du Donbass).

Je comprends qu'il soit difficile de rester sans contact avec les proches de manière prolongée, et il faut que l'armée russe trouve un système de communication sécurisé et rapide (plus que le courrier papier qui a été récemment instauré) entre les soldats russes et leur famille. Nous ne sommes plus en 1941, et les gens ont du mal à attendre des jours, voire plus, de recevoir des nouvelles de leurs proches. Il faut que l'armée russe tienne compte des réalités actuelles liées à la généralisation du téléphone mobile, et de l'immédiateté qui va avec. Mais il faut aussi marteler aux mobilisés pourquoi il ne faut pas enfreindre les règles dans ce domaine.

Ce qui s'est passé à Makeyevka doit devenir une leçon à ne jamais oublier pour le commandement et les soldats russes, qui doivent se rappeler en permanence qu'ils se battent contre une armée otano-ukrainienne, et que cela implique que la moindre erreur, le moindre laisser aller peut coûter très cher.

 Christelle Néant

source :  Donbass Insider

 reseauinternational.net

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