01/02/2023 les-crises.fr  5 min #223375

Elon Musk n'est pas doué non plus pour gérer Tesla

Avec l'incompétence dont ne cesse de faire preuve Elon Musk à la tête de Twitter, il est facile d'oublier que l'entreprise qui l'a rendu célèbre, Tesla, est tout aussi pleine de scandales, de mensonges et même de morts.

Source :  Jacobin Mag, Branko Marcetic
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Elon Musk, PDG de Tesla, s'adresse aux invités lors de la réunion Offshore Northern Seas 2022 (ONS) à Stavanger, en Norvège, le 29 août 2022. (Carina Johansen /NTB / AFP via Getty Images)

Depuis le début désastreux du règne du milliardaire Elon Musk sur Twitter, à la fin de l'année dernière, les observateurs se sont amusés à souligner la chute vertigineuse de la valeur des actions de Tesla qui l'a accompagnée. Il est clair que la fixation de Musk sur la plateforme de médias sociaux, et sa gestion désastreuse de celle-ci, ont émoussé la confiance des investisseurs dans son entreprise de « voitures autonomes », autrefois triomphante.

Mais n'oublions pas qu'il pourrait y avoir un autre coupable : la prolifération des décès et des poursuites judiciaires entourant l'entreprise.

Environ 765 000 voitures Tesla sont équipées des soit-disant systèmes « Autopilot » et « Full Self-Driving » de l'entreprise et circulent dans les rues américaines en ce moment même, un exemple choquant de bêta-tests humains de masse auquel nous participons tous à notre insu. Au cours de l'année qui s'est achevée en juillet 2022, les voitures Tesla équipées du logiciel Autopilot ont été impliquées dans 273 accidents, selon les données des régulateurs, soit 70 % des 392 accidents impliquant tous les systèmes avancés d'aide à la conduite. De façon scandaleuse, les régulateurs ont découvert que les véhicules Tesla avaient l'habitude de s'éteindre environ une seconde avant l'accident. C'est pourquoi les régulateurs ont ordonné aux constructeurs automobiles de divulguer tous les accidents dans lesquels ce type de logiciel était utilisé dans les trente secondes précédant l'impact, afin d'éviter qu'ils n'utilisent cette faille pour sous-déclarer leurs accidents.

La situation a tellement empiré que la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) a commencé à enquêter sur le logiciel l'année dernière, après que les voitures Tesla équipées du système Autopilot aient percuté des véhicules d'urgence en stationnement, souvent de nuit et malgré les feux clignotants, les cônes et diverses autres alertes. Au milieu de l'année dernière, trente-neuf des quarante-huit accidents figurant sur la liste entièrement distincte des enquêtes spéciales sur les accidents de la NHTSA impliquaient des véhicules Tesla, ayant tué dix-neuf personnes, et l'agence a fait passer son enquête à la phase finale avant d'émettre éventuellement un rappel. Dans l'un de ces accidents, la Tesla a tout simplement percuté une moto qui se trouvait devant elle, tuant le conducteur, l'un des nombreux cas de ce type qui se multiplient.

Une partie du problème réside dans le fait que les voitures « autopilotées » de Tesla ne le sont pas du tout et qu'elles nécessitent, comme l'indique le site web de l'entreprise, la surveillance constante d'un conducteur « pleinement attentif », les mains sur le volant. L'autre partie du problème est que vous ne le sauriez pas en lisant les documents de marketing de l'entreprise ou les déclarations publiques de son célèbre PDG, qui ont parlé du logiciel vous permettant de vous déplacer « sans que vous touchiez le volant » et du conducteur « ne faisant rien » parce que « la voiture se conduit elle-même » - ce qui explique probablement pourquoi certains des conducteurs impliqués dans ces accidents regardaient un film ou jouaient à un jeu vidéo sur leur téléphone.

Comme il fallait s'y attendre, Musk et son entreprise ont été poursuivis en justice pour ces scandales et pour d'autres. Les familles de deux des victimes ont intenté des poursuites au motif que les véhicules Tesla sont défectueux, qu'ils sont dépourvus de système de freinage d'urgence automatique et qu'ils ont « soudainement et involontairement accéléré à une vitesse excessive, dangereuse et incontrôlable ». Une action collective lancée l'année dernière a accusé Tesla de faire de la publicité mensongère pour sa technologie de conduite autonome depuis 2016, en la présentant comme entièrement fonctionnelle ou proche de l'être, tandis qu'une autre a poursuivi Musk en justice pour avoir affirmé à plusieurs reprises qu'une voiture entièrement autonome n'était plus qu'à un an ou deux de voir le jour, des déclarations remontant à 2015. D'autres actions collectives invoquent un problème de voitures s'arrêtant soudainement pour des obstacles inexistants et des poignées de porte défectueuses qui tombent après quelques années.

D'autres actions en justice affirment que tout n'est pas rose chez Tesla au niveau de la chaîne de production. L'entreprise a fait l'objet d'au moins dix actions en justice, dont une de l'État de Californie, concernant des accusations de discrimination raciale généralisée et choquante dans son usine de Fremont, en Californie, notamment l'utilisation régulière d'insultes raciales et la ségrégation des travailleurs noirs dans des zones séparées. Une autre action en justice allègue que Musk exerce une influence inappropriée sur le conseil d'administration de Tesla, qu'il a utilisée pour obtenir un salaire indûment élevé.

Alors oui, l'incompétence de Musk à diriger Twitter a très certainement nui à l'entreprise qui l'a tout d'abord rendu célèbre. Mais cette entreprise est elle-même criblée de scandales et d'incompétence grave, ce qui nous rappelle que la réputation de Musk, PDG de génie, était douteuse bien avant qu'il ne s'implique dans le domaine des médias sociaux.

Rédacteur

Branko Marcetic est un rédacteur de Jacobin et l'auteur de Yesterday's Man : The Case Against Joe Biden [L'homme du passé : le dossier contre Joe Biden, NdT]. Il vit à Chicago, dans l'Illinois.

Source :  Jacobin Mag, Branko Marcetic, 07-01-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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