11/04/2023 francesoir.fr  7 min #226966

Le journaliste Matt Taibbi quitte Twitter en signe de protestation contre les restrictions d'Elon Musk envers la plateforme Substack

France-Soir

Le journaliste Matt Taibbi, auteur de nombreux épisodes des Twitter Files (octobre 2010).

NEILSON BARNARD / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / GETTY IMAGES VIA AFP

Le journaliste d’investigation Matt Taibbi quitte Twitter. L’un des principaux auteurs des Twitter Files a ouvertement exprimé son désaccord avec les restrictions imposées à Substack, dont il est l'utilisateur. Cette plateforme de publication, qui permet de fidéliser son lectorat par abonnement gratuit ou payant, est accusée par Elon Musk d’avoir plagié l'oiseau bleu pour la création de sa nouvelle fonctionnalité baptisée “Notes”. En retour, le propriétaire de Twitter est vivement critiqué à propos de son interprétation de la liberté d'expression et pourrait perdre l'un des principaux enquêteurs des Twitter Files.

Substack est une plateforme de publication d’articles et de newsletters (lettres d'information) que de nombreux journalistes indépendants privilégient pour diffuser leurs contenus, moyennant un abonnement payant ou pas.  

La plateforme est utilisée par des institutions, entreprises ou de nombreux journalistes et écrivains de renom comme les lauréats du Prix Pulitzer   Seymour Hersh et Glenn Greenwald ou encore Bari Weiss et  Matt Taibbi.

Ces deux derniers sont les auteurs de plusieurs chapitres des  Twitter Files (ces documents internes du réseau social divulgués à partir de décembre 2020 par Elon Musk pour dévoiler les dessous de plusieurs affaires américaines, comme celle du laptop de Hunter Biden ou la censure de contenus liés au Covid-19). 

Matt Taibbi claque la porte 

Mercredi 5 avril, Substack a  annoncé le lancement d’une nouvelle fonctionnalité appelée “Notes”, qui permet à ses utilisateurs de partager des publications, des commentaires ou d’autres contenus dans u  n fil qui ressemble, à s’y méprendre, à Twitter.

Chaque "note" publiée affiche le nombre de likes, de commentaires et de partages, dont l’illustration rappelle le retweet de l’oiseau bleu. Elon Musk a vite réagi : le réseau social a bloqué la possibilité de liker ou de retweeter les tweets contenant le mot “Substack”. Cela n'est pas vraiment une surprise : Musk avait pratiqué la même politique au sujet de liens faisant la publicité d'autres plateformes numériques, comme Instagram par exemple.

Twitter  avertit même ses utilisateurs contre l’ouverture de liens vers cette nouvelle plateforme. Utilisateur régulier et coutumier de Substack, le journaliste Matt Taibbi, n’a guère apprécié.

Dans un tweet (message publié sur le réseau social) du 7 avril 2023, il a confirmé que les liens Substack étaient bloqués sur Twitter. “Quand j’ai demandé pourquoi, on m’a dit que c’était un différend sur la nouvelle plateforme Substack 'Notes'”, poursuit-il, sans dire qui étaient ses interlocuteurs.

Le journaliste a rappelé que la raison pour laquelle il utilisait Twitter était justement cette possibilité de partager les liens Substack de ses articles. “J’ai été alarmé et j’ai demandé ce qui se passait. On m’a donné la possibilité de publier des articles sur Twitter”,  lit-on.  

Une offre sous condition qui ne convient pas à Matt Taibbi. “Je reste évidemment à Substack” et “je passerai à Substack Notes la semaine prochaine”, décrète le journaliste.

La réaction de Twitter à “Notes” a aussi suscité la "déception" chez Substack. “Nous sommes déçus que Twitter ait choisi de restreindre la capacité des auteurs de partager leur travail. Les écrivains méritent la liberté de partager des liens vers Substack ou n’importe où ailleurs”,  ont écrit les fondateurs Chris Best, Hamish McKenzie et Jairaj Sethi.

Ils ont qualifié la décision de la direction de l’oiseau bleu de restreindre les liens de Substack de “changement brutal”, qui rappelle “pourquoi les écrivains méritent un modèle (...) qui protège la liberté de presse et la liberté d’expression”.

Un clin d’œil, voire une pique contre Elon Musk et ses promesses de “rétablir la liberté d’expression” sur Twitter, tout en bannissant  des journalistes ou des  plateformes concurrentes

Quelles conséquences pour les Twitter Files ? 

Le milliardaire, patron de Tesla et de SpaceX, a réagi au tweet de Matt Taibbi. Il a démenti le blocage des liens Substack. “La déclaration de Matt est fausse”, affirme Musk. Il a également dénoncé une tentative de la plateforme de publication de “télécharger une énorme partie de la base de données Twitter (...). Leur adresse IP n’est manifestement pas fiable”, a-t-il écrit, soupçonnant une brèche de sécurité et la création d'un clone de son propre réseau :

1. Substack links were never blocked. Matt’s statement is false.
2. Substack was trying to download a massive portion of the Twitter database to bootstrap their Twitter clone, so their IP address is obviously untrusted.
3. Turns out Matt is/was an employee of Substack.

Le patron de Twitter affirme même que Matt Taibbi “était ou est un employé de Substack”. Chris Best  a encore répliqué sur... Substack Notes, en affirmant que “rien” de ce que Musk a écrit dans son tweet “n‘est vrai”. 

Cet accroc avec Matt Taibbi suscite des interrogations sur la suite des Twitter Files. Le journaliste, qui est l’auteur des nombreuses dernières parties de ces révélations, fera-t-il encore partie de l’équipe des enquêteurs ?

Musk va-t-il adoucir sa politique de blocage de liens vers des plateformes numériques concurrentes ?

Sa récente décision d'adjoindre à des médias mainstream la mention "média financé par un gouvernement", y compris pour des médias anglo-saxons (voir tweet ci-dessous à propos de la BBC), semble confirmer une volonté extrême de défendre la liberté d'expression et de débusquer les biais d'influence... mais uniquement dans le cadre privé de Twitter.

Une prise de position qui ne manquera pas de créer de nombreuses polémiques.

We need to add more granularity to editorial influence, as it varies greatly. I don’t actually think the BBC is as biased as some other government-funded media, but it is silly of the BBC to claim zero influence.
Minor government influence in their case would be accurate.
"Nous devons ajouter plus de discernement à l'influence éditoriale, car elle est très variable. Je ne pense pas que la BBC (l'une des chaînes principales du paysage audiovisuel anglais, ndlr) soit aussi partiale que d'autres médias financés par quelque gouvernement, mais il est idiot de la part de la BBC de prétendre qu'elle n'est soumise à aucune influence." Elon Musk

 

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