19/04/2024 infomigrants.net  5 min #247137

Italie : après 7 ans de procédure, la justice abandonne les poursuites contre des sauveteurs de migrants en mer

Le navire humanitaire Iuventa était accusé par les autorités italiennes de collusion avec les passeurs. Crédit : IUVENTA Jugend Rettet / Picture alliance

Sur les photos prises après la décision du juge et postées sur les réseaux sociaux, la joie se lit sur le visage des ex-accusés et de leurs soutiens. Vendredi 19 avril, le juge des audiences préliminaires de Trapani, en Sicile, a décidé d'abandonner les poursuites contre des membres d'équipages de navires de sauvetage de migrants  accusés par l'Italie de collusion avec les trafiquants d'êtres humains en Méditerranée.

THREAD!
THE TRIAL IS FINALLY OVER‼️
BUT IT SHOULD HAVE NEVER STARTED‼️
After 5 years of investigation and 2 years of preliminary trial, both the
prosecution and the judge admit that the accusations were baseless.
1/5

Le magistrat a classé l'affaire après une bataille judiciaire de sept ans, suivant ainsi la requête des procureurs formulées en février. L'affaire impliquait les équipages de plusieurs navires humanitaires, dont le Iuventa, de l'ONG allemande Jugend Rettet, le Vos Hestia de Save the Children et le Vos Prudence de Médecins sans frontières (MSF).

Tout commence en 2017 par la saisie du Iuventa alors que les autorités italiennes s'intéressent de plus en plus aux activités des ONG de sauvetage en Méditerranée. Dès l'année précédente, le gouvernement de centre-gauche était aux prises avec une très forte hausse du nombre de migrants arrivant sur ses côtes. Quelque 181 000 migrants ont débarqué en Italie en 2016, dans le cadre d'une vague plus large qui a vu plus de deux millions de demandeurs d'asile entrer dans l'UE, dont beaucoup venaient de Syrie et d'Afghanistan.

Agent infiltré

C'est un ancien policier travaillant comme agent de sécurité sur le navire Vos Hestia de Save the Children qui a le premier signalé les rumeurs selon lesquelles les ONG travailleraient de mèche avec des trafiquants d'êtres humains. En d'autres termes, les ONG étaient accusés de se coordonner avec des trafiquants et passeurs pour géolocaliser les canots de migrants en Méditerranée.

La police avait alors placé un agent infiltré sur le navire, tandis que les enquêteurs ont mis sur écoute des membres du personnel des ONG, des avocats et des journalistes, une mesure qui a suscité l'indignation lorsqu'elle a été rendue publique.

Des poursuites ont ensuite été engagées en 2021 contre 21 personnes des navires Iuventa, Vos Hestia et Vos Prudence.

CASE DISMISSED‼️
After 7 years of fallacious accusations, the Tribunal of Trapani in #Italy dismissed all the allegations against MSF and the other search and rescue #NGOs falsely accused of aiding and abetting illegal immigration in the #Mediterranean.

"Criminalisation" des sauveteurs

Accusés d'avoir facilité l'immigration clandestine de la Libye vers l'Italie en 2016 et 2017, les prévenus risquaient jusqu'à 20 ans de prison.

Amnesty International et Human Rights Watch ont critiqué l'Italie pour sa "criminalisation" des sauveteurs de migrants et pour les violations des droits de la défense des accusés.

Lorsque les procureurs ont recommandé de classer l'affaire, l'équipe de Iuventa a rapporté qu'ils avaient "admis que leurs principaux témoins manquaient de crédibilité et qu'il n'y avait aucun fondement pour accuser" les membres des équipages visés.

Depuis des années, les navires humanitaires se défendent régulièrement de "collaborer" avec les passeurs. Les équipes à bord répètent qu'elles n'ont pas de contact avec les trafiquants et qu'elles ne savent pas à l'avance où se trouvent les canots en détresse à secourir. Pour rappel, en 2023, plus de 2 400 migrants sont morts en mer Méditerranée centrale, faute d'avoir été localisés et sauvés.

Partenariat Italie-Libye

Si la justice a abandonné les poursuites contre le sauveteurs, le gouvernement d'extrême droite de Georgia Meloni n'en reste pas moins très hostile aux ONG de sauvetage en Méditerranée.

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Rome a ainsi limité l'activité de leurs navires à un seul sauvetage en mer à la fois - via le décret Piantedosi - les obligeant à accoster dans un port assigné, souvent lointain. Ces règles ont, selon les ONG,  considérablement réduit les sauvetages.

Le gouvernement a également renouvelé un accord controversé avec le gouvernement libyen de Tripoli, soutenu par l'ONU, signé en 2017 et approuvé par l'UE. En vertu de cet accord, l'Italie fournit une formation et un financement aux garde-côtes libyens, soupçonnés de violations des droits de l'Homme, afin de freiner les départs de migrants et de lutter contre les trafiquants.

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La plupart des migrants qui prennent la mer sont ainsi interceptés en mer par les garde-côtes libyens puis ramenés en Libye. Ils sont alors envoyés dans des prisons officielles ou clandestines où ils subissent de grave sévices physiques, souvent dans le but d'extorquer de l'argent à leurs familles. Les conditions de détention des exilés sont  régulièrement dénoncées par les ONG de défense des droits humains.

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