08/05/2024 les-crises.fr  7 min #248197

Surveillance de masse étendue : Edward Snowden (et d'autres) tirent la sonnette d'alarme

Les défenseurs de la vie privée mettent en garde contre une expansion majeure de la surveillance de masse, qui pourrait conférer à l'administration Trump des « pouvoirs similaires à ceux de Stasi ».

Source :  Truthout, Jake Johnson
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le lanceur d'alerte américain Edward Snowden s'adresse aux orateurs et au public via une liaison vidéo en direct de Moscou lors du « Tribunal de Belmarsh », qui a appelé à la libération du fondateur de WikiLeaks Julian Assange, le 22 octobre 2021, à Londres, au Royaume-Uni. LEON NEAL / GETTY IMAGES

Edward Snowden, le lanceur d'alerte de la NSA, fait partie des défenseurs de la vie privée qui tirent la sonnette d'alarme au sujet d'une expansion majeure de la surveillance de masse que la Chambre des représentants des États-Unis a approuvée lors d'un vote bipartite la semaine dernière, une étape vers l'octroi au gouvernement fédéral - et à une éventuelle deuxième administration Trump - d'encore plus de pouvoirs pour espionner sans mandat les communications des Américains.

Sean Vitka, directeur politique de Demand Progress, a utilisé les médias sociaux pour presser le principal démocrate du House Permanent Select Committee on Intelligence (HPSCI, Comité permanent du renseignement de la Chambre des représentants) sur les implications d'un amendement que la chambre basse a approuvé dans le cadre d'un projet de loi visant à réautoriser l'article 702 de la loi sur la surveillance du renseignement étranger (FISA).

« Saviez-vous que votre amendement FISA [fournisseur de services de communications électroniques] facilite des pouvoirs similaires à ceux de la Stasi, de manière très plausible pour [l'ancien président Donald] Trump ? J'ai demandé à votre personnel si on vous avait menti à ce sujet ou si vous le saviez. Pouvez-vous confirmer ? » a demandé Vitka au député Jim Himes (Démocrate-Connecticut) sur X, la plateforme anciennement connue sous le nom de Twitter. (Trump, candidat présumé du GOP - parti républicain - pour 2024, s'est posé en opposant à la FISA, mais en tant que président, il a signé une extension de l'autorité de la section 702).

Vitka a noté dimanche que Himes a qualifié à plusieurs reprises l'amendement - qui était dirigé par le président du HPSCI, Mike Turner (Républicain-Ohio) - d'étroit, alors qu'il élargirait considérablement le type d'entreprises qui peuvent être contraintes d'aider le gouvernement à mener des opérations de surveillance en vertu de la section 702, ce qui pourrait conférer à un autoritaire en puissance des pouvoirs de surveillance qui font froid dans le dos.

Comme l'explique le Brennan Center for Justice : « Bien que l'amendement exempte les hôtels, les bibliothèques, les restaurants et une poignée d'autres types d'établissements, un très grand nombre de commerces pourraient encore être contraints d'entrer en service, notamment les épiceries, les grands magasins, les quincailleries, les laveries automatiques, les salons de coiffure, les centres de remise en forme et d'innombrables autres lieux fréquentés par les Américains, voire les bureaux dans lesquels ils travaillent. »

« De plus, bien que les cibles devraient toujours être des personnes non américaines à l'étranger, beaucoup de ces entreprises n'auraient pas la capacité technique de transmettre des communications spécifiques, et seraient donc obligées de donner à la NSA l'accès à des flux de communications entiers - en faisant confiance au gouvernement pour ne conserver que les communications des cibles approuvées », a ajouté le groupe.

La section 702 permet aux agences américaines d'espionner les non-citoyens se trouvant en dehors du pays, mais les communications des Américains - y compris les activistes, les journalistes et les législateurs - ont souvent été englobées dans l'autorité de surveillance, ce qui a suscité une réforme bipartite.

Himes, qui s'oppose aux efforts de réforme, a répondu avec dédain à la question de Vitka dimanche, en écrivant : « La vie est vraiment trop courte pour s'engager avec des gens qui ont besoin d'utiliser des absurdités grandiloquentes comme similaire à la Stasi. »

« Oui, je sais exactement ce qu'il y a là-dedans », a ajouté Himes, en référence à l'amendement proposé par Turner. « Une partie est classifiée. Et rien de tout cela ne ressemble de près ou de loin à la Stasi. Allez vendre vos élucubrations ailleurs. »

Snowden, qui a révélé en 2013 le programme illégal de surveillance de masse de la NSA, a déclaré que la réponse de Himes - une esquive qui se sert de la classification comme prétexte à ne pas répondre - devait être considérée comme « un signal d'alarme ».

« Cet amendement élargit radicalement - et je répète radicalement - l'éventail des personnes que le gouvernement peut forcer à espionner en son nom. Il pourrait avoir force de loi dans quelques jours ! a écrit Snowden sur les réseaux sociaux.

Snowden a poursuivi en affirmant que l'invocation par Vitka de l'expression « à la Stasi » n'est pas seulement une caractérisation juste de l'amendement, mais qu'elle est probablement sous la vérité.

« Franchement, il est difficile d'imaginer qu'une communication moderne soit hors de portée de ce texte - ce qui est, bien sûr, la véritable raison pour laquelle ils essaient de le faire passer en douce dans la législation », a-t-il ajouté. « C'est incroyablement exagéré et, à mon avis, aucun pays où une telle disposition entre en vigueur ne peut être considéré comme libre. »

Elizabeth Goitein, codirectrice du programme Liberté et sécurité nationale du Brennan Center, a déclaré que le « mépris des libertés civiles des Américains » dans la réponse de Himes à Vitka « est stupéfiant. »

« Cette disposition permet à la NSA d'obliger un grand nombre d'entreprises américaines ordinaires à l'aider dans le cadre de la surveillance prévue par la section 702 », a ajouté Goitein. « Ce n'est pas un « non-sens », c'est un fait. Et c'est votre réponse ? »

Le Reforming Intelligence and Securing America Act (RISAA ou loi de réforme du renseignement et de la sécurité de l'Amérique), qualifié par certains de Patriot Act 2.0, a été adopté par la Chambre des représentants lors d'un vote bipartisan massif la semaine dernière, après que les partisans de l'espionnage de masse - y compris la Maison Blanche de Biden - ont fait échouer un effort visant à ajouter une exigence de mandat de perquisition au projet de loi.

Mais la législation doit encore franchir un obstacle procédural pour parvenir au Sénat. Plus tard dans la journée de lundi, la Chambre des représentants devrait se prononcer sur le dépôt d'une motion visant à reconsidérer l'adoption de la RISAA.

Si le projet de loi parvient au Sénat, qui est très divisé, les défenseurs de la vie privée devront continuer à se battre pour obtenir des réformes significatives.

« Le projet de loi de la Chambre des représentants représente l'une des extensions les plus spectaculaires et les plus terrifiantes du pouvoir de surveillance du gouvernement dans l'histoire », a déclaré le sénateur Ron Wyden (Démocrate-Oregon) dans un communiqué à la suite du vote de la Chambre des représentants vendredi. « Il permet au gouvernement de forcer tout Américain qui installe, entretient ou répare quelque chose qui transmet ou stocke des communications, à espionner pour le compte du gouvernement. Cela signifie que toute personne ayant accès à un serveur, à un câble, à une boîte de connexion, à un routeur wifi ou à un téléphone devra espionner pour le compte du gouvernement. »

« Ce serait secret : les Américains recevant les directives du gouvernement seraient tenus au silence, et il n'y aurait pas de contrôle judiciaire, a-t-il ajouté. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour empêcher ce projet de loi. »

Cet article a été reproduit par Truthout avec autorisation ou licence. Il ne peut être reproduit sous quelque forme que ce soit sans l'autorisation ou la licence de la source.

Jake Johnson

Jake Johnson est rédacteur pour Common Dreams. Suivez-le sur Twitter : @johnsonjakep.

Source :  Truthout, Jake Johnson, 15-04-2024

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