08/05/2024 reseauinternational.net  5 min #248230

La guerre n'est pas une compétition sportive mais le Crime des crimes

par Khider Mesloub

Curieusement, à notre époque moderne particulièrement belliqueuse, lors de chaque guerre, devenue ordinaire comme celle opposant actuellement la Russie et l'Ukraine, l'accusation de «crimes de guerre» est invoquée par l'un des deux belligérants.

Comme si la guerre n'était pas intrinsèquement un crime. Le Crime des crimes. Comme si la guerre était ordinairement une simple compétition sportive menée entre deux pays adversaires.

Or, la guerre est par essence un exercice de massacres effroyables de masse, de destructions épouvantables d'infrastructures.

Pour autant, à observer la conception occidentale, il y aurait deux manières de faire la guerre, différenciée en fonction du système politique du pays belligérant. Menée par un pays «démocratique» occidental, la guerre se déroulerait de manière civilisée. En revanche, un pays «totalitaire» ne livrerait de facto, selon le paradigme géopolitique occidental, qu'une guerre barbare, autrement dit criminelle.

De là s'expliquerait la présomption de culpabilité pesant sur lui. L'accusation de «crimes de guerre». Comme celle qui frappe aujourd'hui la Russie.

En vérité, à l'ère de la domination impérialiste fondée sur le développement extraordinaire de la technologie militaire destructrice et exterminatrice, toutes les guerres sont meurtrières, criminelles et génocidaires. Il suffit de citer les récentes guerres destructrices et ruineuses livrées par les États-Unis et leurs alliés contre l'Irak, l'Afghanistan, la Libye, la Syrie. Et l'actuelle guerre exterminatrice et dévastatrice menée par Israël contre les Palestiniens vient corroborer cette funèbre réalité.

Il est utile de rappeler que les pays occidentaux ne s'empressent pas de dénoncer Israël de commettre des crimes de guerre et de génocide. Contrairement à la Russie sur laquelle les Occidentaux ont fait peser immédiatement la présomption de culpabilité, Israël bénéficie, six mois après le déclenchement de sa guerre génocidaire contre le peuple palestinien, de la présomption d'innocence. Cela équivaut à un permis de tuer délivré par l'ensemble des pays atlantistes.

En tout cas, une chose est sûre, si, jusqu'à la fin du XIXe siècle, les guerres décimaient principalement des militaires engagés directement sur les lignes de front, depuis la Première Guerre mondiale, c'est-à-dire l'entrée du capitalisme en décadence, les populations civiles constituent majoritairement les principales victimes, et les villes administratives et les zones d'habitation les principaux foyers de guerre destructive. De nos jours, 90% du total de décès de guerre sont des civils. Sans oublier les destructions totales des villes abritant principalement des civils. Comme l'illustre dramatiquement Gaza et le Donbass.

Par ailleurs, autre singularité du capitalisme décadent : si, dans la première phase de développement du capital, au cours des XVIIIe et XIXe siècles, la guerre avait pour fonction d'assurer un élargissement du marché, en vue d'une plus grande production de biens de consommation, donc d'enrichissement national, dans la seconde phase du capital, depuis le début du XXe siècle, la production est essentiellement axée sur la production de moyens de destruction, c'est-à-dire en vue de la guerre.

Qui plus est, dans cette période de décadence, la guerre, revêtant un caractère de permanence, est devenue le mode de vie du capitalisme. Pour preuve, au XXe siècle, l'Europe belliciste a déclenché deux boucheries mondiales, décimant plus de 80 millions de personnes.

Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le nombre des conflits armés ne cesse d'augmenter. Selon les estimations officielles, il y a eu depuis 1945 plus de 260 guerres, provoquant la mort de dizaines de millions d'individus.

Pour les seuls États-Unis, depuis sa création le pays a été en guerre 230 ans. En d'autres termes, les États-Unis ont été en guerre 91% du temps de leur existence. En 247 ans d'existence, les USA n'ont été en paix que durant 22 ans.

Il est de la plus haute importance de rappeler que la guerre est constitutive du capitalisme. Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage. Tout comme les crises économiques, l'exploitation, l'oppression, les famines sont constitutives du mode de production capitaliste.

Sans oublier les destructions. Bien loin de constituer des anomalies dues à des décisions gouvernementales irresponsables et irrationnelles, les destructions font partie du fonctionnement normatif du capitalisme décadent. En particulier à notre époque impérialiste caractérisée par des guerres destructrices inégalées et innommables. Soit dit au passage : plus de 72% des bâtiments résidentiels de Gaza ont été détruits. L'ONU a estimé à plus de 30 milliards de dollars le coût de la reconstruction de l'enclave palestinienne. Qui se chargera de la reconstruction de Gaza ? Les entreprises israéliennes !

Et contrairement à ce qu'affirment les politiciens et élites intellectuelles, ces destructions ne constituent pas des «dommages collatéraux» contingents, mais l'objectif des guerres impérialistes.

Prisonniers d'une conception obsolète des visées de la guerre, ces bourgeois continuent à penser que le but de la guerre est l'obtention de la Victoire, et les destructions des humains et des infrastructures occasionnés à l'adversaire ne constituent que des moyens conjoncturels pour atteindre cet ultime but.

Or, à l'ère des crises de surproduction économiques permanentes et de l'endogène baisse tendancielle du taux de profit entraînant systématiquement des confrontations militaires impérialistes pour le partage du monde et des zones d'influence du capital financier, les destructions constituent le principal objectif militaire des capitalistes et de leurs gouvernants. En effet, les destructions massives d'infrastructures et des moyens de production permettent à l'économie capitaliste de relancer la machine économique à profit, la valorisation du capital. Tout comme la destruction massive d'hommes et de femmes permet, du point de vue du capital, d'obvier au risque de la «surpopulation» périodique qui accompagne la surproduction.

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