par Gideon Levy
C'est l'idéologie qui motive Netanyahou, pas seulement le pouvoir
Peut-être n'avons-nous pas suffisamment dénigré son mode de vie ; en tout cas, il s'en est bien sorti malgré tout ce dénigrement. Mais notez que ses nombreux détracteurs s'abstiennent de l'attaquer sur un point : son idéologie. Pour tous ses détracteurs, il n'a pas d'idéologie, il n'a qu'un désir profond de rester en place, une soif de pouvoir sans limite. Pour eux, les membres de la brigade «tout sauf Bibi», il est un opportuniste creux, dépourvu de toute vision du monde. S'il en a jamais eu une, il l'a vendue il y a longtemps, juste pour rester au pouvoir.
Le rédacteur en chef de Haaretz, Aluf Benn, pense le contraire. Selon lui [voir article ci-dessous], Benjamin Netanyahou a un objectif primordial, et ce n'est pas nécessairement de rester au pouvoir. Netanyahou, dit Benn, se bat pour un objectif bien plus important : l'occupation permanente de la bande de Gaza.
Pour l'atteindre, le Premier ministre est prêt à payer un lourd tribut, y compris l'abandon des otages et le risque d'une guerre régionale, à condition qu'Israël contrôle la bande de Gaza pour toujours. Personne n'a jamais analysé les motivations de Netanyahou de cette manière. La question de ses motivations reste cruciale.
La réponse de Benn ne diminue pas la nécessité de combattre Netanyahou, mais elle révèle la pauvreté intellectuelle de ses opposants. Ils ne l'attaquent pas pour son idéologie, mais seulement pour son mode de vie obscène, parce que c'est beaucoup plus commode pour eux.
Il est également facile d'attaquer Netanyahou sur l'échec du 7 octobre en raison de sa responsabilité suprême, mais ce camp s'abstient de le critiquer pour sa vision du monde parce qu'il sait très bien qu'il n'a pas de réelles différences idéologiques avec lui et aucun plan réalisable pour sortir Israël du nadir dans lequel il s'est enfoncé.
De tous les candidats possibles pour remplacer Netanyahou - Yoav Gallant, Benny Gantz, Gadi Eisenkot, Naftali Bennett, Avigdor Lieberman, Gideon Sa'ar, Yossi Cohen et Yair Golan - il n'y en a pas un seul qui soit prêt à libérer tous les prisonniers palestiniens et à se retirer de l'ensemble de la bande de Gaza. En d'autres termes, personne n'est véritablement en faveur de la fin de la guerre et de la libération des otages. Il n'y a personne non plus qui ait l'intention de se retirer un jour dans les frontières d'avant 1967.
Dans ces conditions, ils évitent de critiquer le plan de Netanyahou. Les crimes et les échecs de son gouvernement, qui ont non seulement valu à Israël d'être accusé de génocide, mais l'ont également transformé en un pays du tiers monde pourri, corrompu et dysfonctionnel, sont décourageants. Ce qui est tout aussi décourageant, c'est qu'aucun de ses critiques virulents ne propose quelque chose de différent.
L'idéologie de Netanyahou est bien plus dangereuse que son style de vie flamboyant et sa corruption. Contrairement à ce que pensent ses détracteurs, il a adhéré à son idéologie au fil des ans. Netanyahou n'a jamais cru aux accords avec les Palestiniens. Il est un fervent adepte de la vie par l'épée pour toujours ; il n'a jamais reculé.
Depuis la supercherie transparente et presque avouée du «discours de Bar-Ilan», Netanyahou a agi et prospéré : Il a définitivement écarté la possibilité de créer un État palestinien et a empêché tout engagement en faveur d'autres solutions.
Il n'a jamais cru à une solution diplomatique et est resté fidèle à sa conviction. La prochaine étape est la conquête de Gaza, et le fait d'en faire une occupation permanente ajoute une nouvelle série de briques à son plan visant à «résoudre» la question palestinienne par la seule guerre.
Netanyahou aurait dû être attaqué sans pitié pour cette vision du monde, avant toute autre chose, y compris son mode de vie. C'est ce qui a semé les graines de la destruction du pays, bien avant l'avion Aile de Sion (1), son fils Yair, sa femme Sara et les procès pour corruption.
La rénovation sans fin de la maison de Césarée est odieuse, tout comme le traitement des employés de la résidence du Premier ministre, mais le projet de Netanyahou de perpétuer l'apartheid est le plus grand danger posé par le Premier ministre le plus décrié/révéré de l'histoire d'Israël.
Pour cela, pour l'immortalisation de l'apartheid, aucun leader d'un parti sioniste ne peut attaquer Netanyahou : d'Itamar Ben-Gvir à Yair Golan, ils sont tous d'accord avec lui. Et c'est là la véritable cause du désespoir, c'est la plus grande de toutes les raisons de désespérer.
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L'objectif de guerre de Netanyahou n'est pas le retour des otages, c'est l'occupation de Gaza
par Aluf Benn
(57) ans d'occupation israélienne en Cisjordanie nous ont appris qu'aucune grande ville juive ne sera érigée demain à Gaza ; l'«occupation rampante» fera avancer caravane après caravane, avant-poste après avant-poste.
Lorsqu'il a annoncé mardi 20 août qu'il torpillait les négociations en vue d'un accord de cessez-le-feu avec le Hamas, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a parlé de «notre défense et de nos atouts stratégiques» - le contrôle des routes de Philadelphie et de Netzarim - qu'Israël perdrait s'il acceptait l'accord actuellement sur la table.
Le discours public en Israël se concentre sur les otages et leur sort, mais Netanyahou les considère comme une nuisance médiatique, un bélier pour ses opposants politiques et une distraction par rapport à l'objectif : une occupation prolongée de la bande de Gaza ou, comme il l'a déclaré à plusieurs reprises depuis le début de la guerre, le «contrôle de la sécurité israélienne».
Le contrôle de la route de Philadephie et du «corridor de sécurité» le long de la frontière permet à Israël d'encercler les frontières terrestres de Gaza et de l'isoler de l'Égypte. Le contrôle de la route de Netzarim divise en pratique le nord de Gaza, où il ne reste que quelques Palestiniens dont les maisons et les infrastructures ont été détruites, de la partie sud de l'enclave côtière, qui regorge de réfugiés venus de toute la bande de Gaza.
Dans la pratique, un accord à long terme pour le «jour d'après» est en cours d'élaboration. Israël contrôlera le nord de la bande de Gaza et chassera les 300 000 Palestiniens qui s'y trouvent encore. Le général de division (réserviste) Giora Eiland, idéologue de la guerre, propose de les faire mourir de faim ou de les exiler pour vaincre le Hamas. La droite israélienne envisage une colonisation juive de la région, qui présente un vaste potentiel immobilier grâce à une topographie favorable, une vue sur la mer et la proximité du centre d'Israël.
Les 57 années d' occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est montrent qu'il s'agit d'un long processus qui exige beaucoup de patience et de capacité de manœuvre diplomatique. Aucune grande ville juive ne sera construite à Gaza demain, mais les progrès se feront acre par acre, mobile home par mobile home, avant-poste par avant-poste - tout comme à Hébron, Elon Moreh et Gilad Farm.
Le sud de la bande de Gaza sera laissé au Hamas, qui devra s'occuper des habitants démunis sous le siège israélien, même lorsque la communauté internationale se désintéressera de l'histoire et passera à d'autres crises. Netanyahou est convaincu qu'après les élections usaméricaines, l'influence des manifestants pro-palestiniens sur la politique usaméricaine diminuera, même si la vice-présidente Kamala Harris l'emporte.
Naturellement, si Donald Trump bouleverse le jeu et revient à la Maison-Blanche, Netanyahou s'attend à avoir les coudées franches à Gaza. Dans les deux scénarios, l'USAmérique, avec ses porte-avions, est censée dissuader l'Iran d'une escalade générale, ou s'impliquer elle-même dans une guerre pour sauver Israël.
Ne vous méprenez pas : l'occupation est l'objectif pour lequel Netanyahou se bat, même au prix de la mort des derniers otages et au risque d'une guerre régionale. Les échafaudages qui soutiennent son régime, le ministre de la sécurité nationale Itamar Ben Gvir et le ministre des finances Bezalel Smotrich, resteront en place tant qu'il cherchera, par ses paroles et ses actes, à obtenir une occupation permanente et une annexion rampante de la bande de Gaza.
Lors de la réunion du cabinet de cette semaine, Netanyahou a réitéré son slogan de 1996 contre les accords d'Oslo : «Donner et prendre, pas donner et donner». En termes plus simples : les territoires occupés ne seront pas restitués, même sous la pression internationale et même aujourd'hui, face aux appels des otages. Tel est le but de sa guerre.
traduit par Fausto Giudice