Xavier Azalbert, France-Soir
Marine Luther King : « I have a dream ! » (partie 1)
Résumé : le 31 mars 2025, Marine Le Pen écope de 4 ans de prison (dont 2 ferme, aménageables sous bracelet électronique), 100 000 euros d'amende, et 5 ans d'inéligibilité pour détournement de fonds publics dans l'affaire des assistants parlementaires européens. Lors d'une manifestation à Paris le 6 avril, elle ose brandir Martin Luther King pour hurler au « déni de démocratie », une analogie aussi absurde que George W. Bush invoquant le chef de l'État islamique pour ses crimes de guerre, ou un nationaliste revendiquant Malcolm X. Viktor Orban, Matteo Salvini, le Kremlin, et Eric Ciotti criant à la persécution, galvanisés par les foules d'Hénin-Beaumont dénonçant une justice « politique ». Pourtant, la clémence abonde : la « jurisprudence Cahuzac » lui épargne la prison, et le Conseil constitutionnel sauvegarde son mandat de députée, contrairement à son siège départemental, perdu le 18 avril. La loi Sapin II justifie l'inéligibilité, mais Le Pen, drapée dans sa toge de victime, transforme ce revers en arme médiatique, orchestrant une mascarade pour se poser en opposante irréductible.
Les leaders des partis politiques, mis en avant par le système pour servir ses intérêts, peuvent se permettre absolument tout dans le cirque médiatique par l'entremise duquel la supercherie dénommée « démocratie » française s'opère notamment en se victimisant. L'exemple type ? Marine Le Pen, évidemment.
Le 31 mars 2025, le Tribunal correctionnel de Paris l'a condamnée à 4 ans de prison (dont 2 ferme, aménageables sous bracelet électronique), 100 000 euros d'amende, et 5 ans d'inéligibilité avec exécution provisoire, pour détournement de fonds publics dans l'affaire des assistants parlementaires européens, un scandale impliquant l'utilisation présumée de fonds européens pour des emplois fictifs de 2004 à 2016. Cette peine, rendue immédiatement applicable malgré l'appel interjeté par Le Pen, compromet sa candidature à la présidentielle de 2027 tout en alimentant une stratégie de victimisation savamment orchestrée.
Le 6 avril 2025, lors d'une manifestation de soutien qu'elle a organisée à Paris (on n'espère pas avec l'argent des contribuables européens, même si, auquel cas, elle ferait preuve d'un certain panache), Marine Le Pen a dénoncé un « déni de démocratie », osant invoquer le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Afro-Américains : « Nous prendrons exemple sur Martin Luther King. »
Sincèrement, il fallait oser. Ah si ! Marine Le Pen, leader de l'extrême droite officielle, qui invoque, dans ce cadre-ci, le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des Afro-Américains. C'est exactement comme si Georges Walter Bush invoquait le combat du Calife de l'État Islamique pour les droits des djihadistes, pour contester sa condamnation pour les crimes de guerre en Irak perpétrés par les États-Unis – une condamnation qui n'interviendra probablement jamais. Ou, pour être plus précis, c'est comme si un dirigeant d'extrême droite revendiquait l'héritage de Malcolm X, chantre de l'autonomisation des Noirs et de la résistance radicale, pour se poser en victime d'une injustice. Une telle appropriation est non seulement absurde, mais elle trahit une tentative éhontée de détourner une lutte universaliste pour servir une rhétorique nationaliste.
L'angle narratif de la persécution a trouvé un écho retentissant : Viktor Orban a tweeté « Je suis Marine », Matteo Salvini a dénoncé une « déclaration de guerre de Bruxelles », le Kremlin a qualifié la décision de « violation des normes démocratiques », et Donald Trump Jr. a relayé l'affaire, dénonçant une « chasse aux sorcières ». En France, Éric Ciotti (Les Républicains) a fustigé une « cabale judiciaire », tandis que Marine Tondelier (Écologistes) a rappelé que « nul n'est au-dessus des lois ». À Hénin-Beaumont, bastion du RN, des électeurs ont manifesté leur colère, dénonçant une décision « politique » visant à « museler » leur championne, renforçant l'image d'une Le Pen persécutée par un système global.
Pourtant, Madame Le Pen a beau se la jouer « Cosette » (Les Misérables), le système en général, et la justice en particulier, font montre à son égard d'une mansuétude manifeste. En effet, dans le jugement qu'elle fustige, Marine Le Pen a bénéficié de la « jurisprudence Cahuzac » : une peine d'emprisonnement ferme fixée au maximum légal (2 ans) pour être aménageable sous bracelet électronique, évitant la prison. Cette pratique, appliquée à des figures comme Jérôme Cahuzac (2 ans ferme pour fraude fiscale), Dieudonné M'Bala M'Bala (deux ans ferme pour fraude fiscale, et non pour son « travail d'humoriste »), ou Nicolas Sarkozy (1 an ferme pour financement illégal de campagne), est un privilège réservé aux « agents du système ». De plus, la loi Sapin II de 2016 impose une inéligibilité automatique de cinq ans pour les élus condamnés pour détournement de fonds publics, expliquant la sévérité de la peine, mais aussi son caractère prévisible. Si la condamnation est confirmée en appel (prévu pour l'été 2026) et par la Cour de cassation, Le Pen purgera sa peine à domicile, suivant une feuille de route optimisée pour minimiser l'impact réel de la sanction.
Pourquoi évitera-t-elle la prison ? Parce que, deuxième cadeau de la justice, le procureur de la République opte pour une procédure dérogatoire prévue pour les peines inférieures ou égales à deux ans : saisir le juge de l'application des peines pour un placement sous bracelet électronique, plutôt que d'employer la force publique pour l'incarcérer. Troisième cadeau : le jugement précise que la peine est « aménageable », une faveur systématique pour les peines inférieures ou égales à deux ans infligées aux figures du système. Vérifiez vous-mêmes si vous ne me croyez pas.
Concernant ses mandats, le Conseil constitutionnel, suivant sa jurisprudence ( décisions n° 2009-21S D, affaire Gaston Flosse, et n° 2022-27 D, affaire Michel Fanget), ne destitue pas son mandat de députée, car l'inéligibilité ne peut être appliquée qu'après une condamnation définitive, garantissant la présomption d'innocence et les droits de la défense. Cette protection, réservée aux parlementaires, contraste avec le sort de son mandat de conseillère départementale du Pas-de-Calais, perdu le 18 avril 2025 par un arrêté préfectoral, conformément à la déclaration du ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, qui a assuré que « les arrêtés seraient pris conformément à la décision de justice ». Le Pen a saisi le tribunal administratif de Lille pour contester cette décision, mais en droit administratif, les recours ne sont pas suspensifs, sauf en cas de référé-suspension exceptionnel (article L. 521-1 du Code de justice administrative). À ce jour, aucune ordonnance publique n'indique qu'un tel référé a été accordé, bien que cette possibilité, rare, reste théoriquement ouverte. 𝕏 Steeve Briois, proche de Le Pen, a affirmé que le recours était suspensif, mais cette déclaration semble juridiquement infondée sans preuve d'une décision judiciaire. (1)
Qu'importe, pour Le Pen, qu'elle obtienne ou non gain de cause sur ce point précis. Un refus de suspendre la perte de son mandat départemental serait du pain bénit pour elle et ses lieutenants : cela donnerait du crédit à l'état de « victime du système », car opposante numéro un à celui-ci, qu'elle affirme être pour mystifier une partie de l'électorat. Cette « mascarade », orchestrée par une convergence d'intérêts médiatiques et judiciaires, sera explorée dans la deuxième partie de cet édito.
Retrouvez-moi y pour décrypter cette comédie politique.
1) En effet, telle est la règle en droit administratif. Les recours ne sont pas suspensifs, sauf si la loi détermine expressément que, concernant telle décision, le recours est suspensif, ou si le juge administratif accorde à titre exceptionnel un caractère suspensif au recours, dans le cadre du référé spécifique dont il a été saisi à cet effet, et qu'on appelle à ce titre un « référé-suspension. »
Néanmoins, conformément à l'article L. 521-1 du Code de justice administrative, le caractère recevable et bien fondé d'un référé-suspension exige que les trois conditions suivantes soient cumulativement réunies :
- Introduction d'un recours au fond : Le requérant doit avoir déposé, soit avant, soit simultanément, un recours principal visant à contester la légalité de la décision administrative en question. Ce recours peut être un recours pour excès de pouvoir (annulation) ou un recours de plein contentieux (réformation) ;
- Urgence : Il faut démontrer que l'exécution de la décision administrative porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ;
- Doute sérieux sur la légalité de la décision : Le requérant doit présenter des arguments de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Or, il appert ceci en l'espèce. Aucune information publique ne confirme que le tribunal administratif de Lille, a accordé un caractère suspensif au recours que Marine Le Pen aurait intenté. Et d'ailleurs, ni Steeve Briois ni Marine Le Pen n'en a fait état, ni produit l'ordonnance en ce sens qu'aurait prise le juge des référés dudit Tribunal administratif.