Par Pepe Escobar, le 30 avril 2025
Bienvenue au "maître du monde" version pays des merveilles, au son hypnotique du riff de "Kashmir".
Il faut toute la subtilité chinoise - en subvertissant la sagesse taoïste avec une touche de postmodernisme - pour identifier le "souverain du monde" qui précipite toute la planète dans le terrier du lapin.
Deux tabous absolus règnent sur l'Occident collectif, aujourd'hui brisé :
- On ne peut pas qualifier le régime ukrainien de nazi.
- On ne peut pas condamner le génocide psychopathologique israélien à Gaza.
Ces tabous sont inextricablement liés aux guerres éternelles menées sans relâche par l'empire du chaos et l'axe sioniste.
Les guerres hybrides de moindre envergure, même si elles comportent l'horrible perspective de dégénérer en guerre nucléaire, sont toutefois autorisées. Surtout si elles font partie de la guerre actuelle contre les BRICS, une sous-section de la guerre des factions occidentales contre la Majorité Mondiale.
Allons donc au Cachemire - au son du riff hypnotique de Jimmy Page . L'Inde et le Pakistan intensifient la guerre des décibels. La Turquie offre des armes - au Pakistan. L'Iran a proposé son rôle de médiateur : personne n'a accepté.
Le motif de la guerre est aussi douteux que possible. Un bus touristique rempli d'hommes heureux sillonne le Cachemire sous contrôle indien. Parmi les passagers se trouve un lieutenant de la marine indienne de 26 ans qui vient de se marier, mais sans sa femme (drôle de lune de miel !). Un autre passager est népalais. Le bus est attaqué par des bandits louches vaguement affiliés au groupe salafiste djihadiste Lashkar-e-Taiba.
L'Empire est présent sur l'ensemble du front indien. L'actuelle directrice nationale du renseignement (DNI) américaine, Tulsi Gabbard, était précédemment entièrement financée par les cercles du Premier ministre Modi. Le vice-président J.D. Vance, aux yeux charbonneux, s'est récemment rendu en Inde, où il a posé en famille devant le Taj Mahal. Puis Modi s'est rendu en Arabie saoudite, sur invitation de MbS. Après l'attaque terroriste contre le bus au Cachemire, les fanatiques hindouistes se sont livrés à une série de cyberattaques.
Ces tactiques grossières relèvent clairement de la stratégie classique du "diviser pour régner". Double coup dur : réarmement de l'Inde et déstabilisation d'un front clé de l'initiative chinoise "Belt and Road" (BRI) : le couloir économique Chine-Pakistan (CPEC).Une belle opération : diviser les BRICS de l'intérieur.
Bien sûr, rien de tout cela ne légitime l'armée pakistanaise, qui a jeté en prison, sous de fausses accusations, l'homme qui tentait de redonner au Pakistan une certaine respectabilité : Imran Khan.
Une fois de plus, c'est aux adultes dans la pièce, quelle qu'elle soit - la Russie -, de désamorcer la situation. L'idéal aurait été que cela se fasse au sein de l'OCS, dont l'Inde et le Pakistan sont tous deux membres, aux côtés de l'Iran. Moscou a choisi, seule, de prendre l'initiative.
Le vice-ministre des Affaires étrangères Andreï Roudénko a rencontré l'ambassadeur de l'Inde en Russie, Vinay Kumar, et l'ambassadeur du Pakistan en Russie, Muhammad Khalid Jamali.
La terminologie russe est cruciale : il n'a pas seulement été demandé aux deux parties d'"engager un dialogue constructif". Moscou a souligné : "Nous sommes prêts à contrer ensemble la menace terroriste mondiale". Mot clé : "mondiale". Delhi et Islamabad ne semblent pas encore avoir compris le message.
Le Cachemire, un terrain d'essai explosif pour la guerre
Comme on pouvait s'y attendre, une machine infernale est en marche. C'est comme si l'axe anglo-sioniste utilisait le Cachemire comme un champ d'expérimentation explosif pour une série de tests en conditions réelles, y compris en poussant les puissances nucléaires au bord de la confrontation. Et le tout avec une insouciance désinvolte, comme s'il s'agissait d'un spectacle de second ordre.
Rien de ce qui vient du sultan Erdogan et de son appareil du renseignement ne peut être perçu comme étant digne de confiance. En Syrie, les agents du MIT - la bande des "coupeurs de têtes" rassemblée dans le Grand Idlibistan - ont fini par être installés au pouvoir à Damas, avec leur chef de gang pro-sioniste qui se fait désormais passer pour le président.
La junte compradore yankee à Islamabad, pour sa part, pourrait bien être au bord du gouffre, ce qui en soi est une bonne nouvelle. Par ailleurs, le suspense grandit quant à savoir si Modi se présentera au défilé de la Victoire le 9 mai à Moscou, et ce qu'il dira à ses hôtes russes.
Les membres des BRICS, la Russie et l'Iran, veulent que le couloir international de transport Nord-Sud (INSTC) vers l'Inde fonctionne sans heurts le plus rapidement possible. La partie se complique encore lorsque l'on constate que l'enquête iranienne envisage enfin la possibilité que l'horrible explosion du port de Shahid Rajaee ait été un acte de sabotage ou une frappe de drone FPV.
La pression supplémentaire exercée sur la Chine est une véritable motivation pour mettre en place ce laboratoire de guerre. Désormais, Pékin doit non seulement s'inquiéter d'un front indo-pakistanais redevenu extrêmement instable, mais aussi des manœuvres supplémentaires de la CIA et du MI6 visant à pousser le Pakistan vers les salafistes-djihadistes ouïghours.
Delhi n'a pas la moindre chance de comprendre réellement les difficultés géopolitiques de Pékin. Un scénario parfait pour le gang de la guerre hybride.
Pendant ce temps, sur le front des BRICS, on peut au moins voir quelques signes de rationalité, provenant une fois de plus du grand maître Lavrov.
Avant même la réunion des ministres des Affaires étrangères des BRICS au début de cette semaine à Rio, Lavrov est allé droit au but sur le front financier et géoéconomique. Il a souligné que les BRICS travaillent d'arrache-pied sur l'"initiative de paiement transfrontalier" approuvée lors du sommet de Kazan en 2024, une "infrastructure de paiement et de compensation", un "réassureur" et une nouvelle plateforme d'investissement.
Il a dû expliquer une fois de plus aux médias occidentaux - des États-Unis au Brésil -
qu'"il serait prématuré de discuter d'une transition vers une monnaie unique pour les BRICS. Nous travaillons ensemble à la création d'une infrastructure de paiement et de règlement pour effectuer des règlements transfrontaliers entre les pays BRICS. En particulier, comme je l'ai déjà dit, cela inclut une augmentation de la part des monnaies nationales dans nos transactions".
Une monnaie commune des BRICS - un spectre qui plane sur Trump 2.0 - ne reviendra sur la table qu'"une fois que les conditions financières et économiques nécessaires seront réunies". D'ici là, la guerre contre les BRICS, hybride ou autre, sera implacable.
Trumpty Dumpty*
* [Trumpty Dumpty : Humpty Dumpty, personnage de De l'autre côté du miroir de Lewis Carroll, disant à Alice "la question est de savoir qui est le maître - c'est tout"] Passant de la réalité à la fiction, j'ai été ravi de découvrir le lien entre le Cachemire et Alice au pays des merveilles... dans un essai chinois.
Il faut toute la subtilité chinoise - la sagesse taoïste avec une touche de postmodernisme - pour identifier le "souverain du monde" (selon ses propres termes) qui précipite pratiquement toute la planète dans le terrier du lapin.
Dans ce dédale de miroirs narratifs, Trump devrait donc être perçu comme tous les personnages réunis : le Lapin Blanc, Humpty Dumpty ("Quand j'utilise un mot, il a le sens que je lui donne, ni plus ni moins"), le Chapelier fou, la Reine de Cœur ("Qu'on leur coupe la tête !").
Ceci illustre bien la convergence entre la guerre commerciale (lancée par le "maître du monde") et la guerre génocidaire (pleinement légitimée par le "maître du monde"). Avec une touche originale : la réalité a le don de surpasser Lewis Carroll lui-même.
Entrez dans l'étrange affaire de l'USS Truman, un porte-avions géant, possédé par l'esprit d'Ayrton Senna et décidé à prendre un virage ultra-serré comme s'il s'agissait d'une Maserati Gran Turismo Stradale en pleine mer Rouge - juste assez pour qu'un F-18E Super Hornet proteste contre la manœuvre en plongeant tête la première au fond de l'océan.
Du moins, c'est ce que le CENTCOM a vendu à l'opinion publique mondiale. La faute à ces maudits missiles houthis !
Eh bien, le CENTCOM a été humilié sans relâche par les forces armées yéménites - 21 MQ9-Reapers détruits, et ce n'est pas fini - car il n'a atteint aucun objectif militaire. Le Pentagone n'a pas soumis les Houthis et n'a pas sécurisé la "liberté de navigation" en mer Rouge pour les navires à destination d'Israël. Leur vengeance : bombarder sans relâche des cibles civiles yéménites.
Tout cela parce que le "maître du monde" a déclenché une guerre illégale - contre un peuple guidé par la clarté morale et spirituelle - afin de protéger le génocide perpétré par ses copains psychopathes au pouvoir. Bienvenue au "maître du monde" au pays des merveilles - au son hypnotique du riff de "Kashmir" .
Traduit par Spirit of Free Speech