Par Ramzy Baroud, le 8 mai 2025
La situation actuelle à Gaza met en évidence avec une cruauté sans pareille l'exceptionnalisme israélien. Israël utilise la famine de deux millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, bloquée et dévastée, comme stratégie pour obtenir des concessions politiques des groupes palestiniens qui y opèrent.
Le 23 avril, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a décrit la situation humanitaire actuelle à Gaza comme "la pire jamais observée depuis le début de la guerre". Malgré la gravité de ces déclarations, elles semblent souvent être traitées comme une information banale, ne suscitant que peu d'actions concrètes ou de débats de fond.
Les violations par Israël du droit international et du droit humanitaire dans le cadre de son occupation de la Palestine sont des faits bien établis. Une nouvelle dimension de l'exceptionnalisme émerge, illustrée par la capacité d'Israël à affamer délibérément toute une population pendant une longue période, certains allant même jusqu'à défendre cette approche.
La population de Gaza continue d'endurer d'immenses souffrances, après avoir subi la perte d'environ 10 % de sa population totale, entre morts, disparus et blessés. Elle est confinée dans une zone minuscule et en grande partie détruite d'environ 365 kilomètres carrés, confrontée à la mort du fait de maladies traitables et privée d'accès aux services essentiels, voire à l' eau potable.
Malgré tout, Israël continue d'agir en toute impunité dans ce qui ressemble à une expérience meurtrière et interminable, tandis que la plupart des pays du monde observent la situation en exprimant divers degrés de colère, d'impuissance, ou d'indifférence totale.
La question du rôle de la communauté internationale reste centrale. Si le respect du droit international est une chose, il en va tout autrement lorsqu'il s'agit d'exercer les pressions nécessaires pour permettre à une population confrontée à la famine d'avoir accès à des produits de première nécessité comme la nourriture et l'eau. Pour la population de Gaza, même ces besoins fondamentaux semblent désormais inaccessibles après des décennies d'attentes déçues.
Durant les audiences publiques tenues à La Haye à partir du 28 avril, les représentants de nombreux pays ont appelé la Cour internationale de justice à user de son autorité en tant que plus haute juridiction pour ordonner à Israël de mettre fin à la famine des Palestiniens.
Israël "ne peut punir collectivement le peuple palestinien", a déclaré le représentant sud-africain, Jaymion Hendricks. L'envoyé saoudien, Mohammed Saud Alnasser, a ajouté qu'Israël a transformé la bande de Gaza en un "champ de ruines inhabitable, tout en tuant des milliers de personnes innocentes et vulnérables".
Les représentants de la Chine, de l' Égypte , de l' Algérie, de l' Afrique du Sud et d'autres pays ont fait écho à ces sentiments, se ralliant à l'évaluation de Philippe Lazzarini, chef de l'UNRWA, qui a déclaré en mars dernier qu'Israël recourt à une stratégie de "militarisation de l'aide humanitaire".
Pourtant, affirmer que la militarisation de l'aide alimentaire est une tactique délibérée d'Israël ne nécessite aucune preuve supplémentaire : Israël l'a déclaré lui-même. Le ministre israélien de la Défense de l'époque, Yoav Gallant, a publiquement annoncé le "blocus total" de Gaza le 9 octobre 2023, deux jours seulement après le début de la guerre génocidaire.
La déclaration de Gallant - "Nous imposons un blocus total sur (Gaza). Ni électricité, ni vivres, ni eau, ni carburant - tout est bouclé. Nous combattons des animaux humains et nous agirons en conséquence" - n'était pas l'expression d'un emportement impulsif, mais une politique ancrée dans une rhétorique déshumanisante et mise en œuvre avec une violence extrême.
Cette "réaction proportionnée" va bien au-delà du bouclage des postes-frontières et de l'entrave à l'acheminement de l'aide humanitaire. Même lorsque l'aide est autorisée, les forces israéliennes s'en prennent aux civils désespérés, y compris des enfants, qui se rassemblent pour recevoir l'aide, les bombardant ainsi que les camions humanitaires. Un incident particulièrement tragique s'est produit le 29 février 2024 dans la ville de Gaza, où, selon les rapports, les tirs israéliens ont tué 112 Palestiniens et blessé 750 autres.
Cet événement a été le premier d'une série baptisée "les massacres de la farine". Des incidents similaires se sont produits par la suite et, dans l'intervalle, Israël a continué à bombarder des boulangeries, des entrepôts d'aide humanitaire et des bénévoles chargés de la distribution de l'aide. L'intention est d'affamer les Palestiniens à tel point qu'ils soient contraints de négocier et de se soumettre à un nettoyage ethnique.
Le 1er avril, un drone militaire israélien a frappé un convoi de la World Central Kitchen, tuant six travailleurs humanitaires internationaux et leur chauffeur palestinien. Cet événement a entraîné le départ massif des travailleurs humanitaires internationaux restants de Gaza.
Quelques mois plus tard, à partir d'octobre 2024, le nord de Gaza a été placé sous blocus total, dans le but de forcer la population à fuir vers le sud, potentiellement vers le désert du Sinaï. Malgré ces efforts et la famine qui en a résulté, la volonté de la population gazaouie n'a pas failli. Au contraire, des centaines de milliers de personnes sont apparemment revenues peu à peu dans leurs maisons et leurs villes détruites du nord.
Lorsque, le 18 mars, Israël a violé un accord de cessez-le-feu conclu après de longues négociations, il a une fois de plus recouru à la famine comme arme. La reprise de l'agression et de la politique de famine menée par Israël n'a guère eu de conséquences ni suscité de condamnations fermes de la part des gouvernements occidentaux.
"Utiliser la famine des civils comme stratégie de guerre" est classé comme crime de guerre en vertu du droit international, comme le stipule explicitement le Statut de Rome. Cependant, la pertinence de ces cadres juridiques est remise en question lorsque ceux qui plaident en faveur de ces lois et se considèrent comme leurs garants ne les respectent pas ou ne les appliquent pas.
L'inaction de la communauté internationale durant cette période de souffrances humaines extrêmes a considérablement sapé le bien-fondé du droit international. Les conséquences potentielles de cette inaction sont lourdes et vont au-delà du peuple palestinien, affectant l'humanité tout entière.
Malgré tout, nous gardons l'espoir que la compassion humaine élémentaire, indépendamment des cadres juridiques, imposera l'acheminement de produits de première nécessité tels que la farine, le sucre et l'eau vers Gaza. L'incapacité à garantir cette aide fondamentale remettra profondément en question notre humanité collective pour les années à venir.
Traduit par Spirit of Free Speech
Savage Minds
Famine in Gaza
The situation in Gaza today starkly highlights Israeli exceptionalism. Israel is employing the starvation of two million Palestinians in the blockaded and devastated Gaza Strip as a tactic to extract political concessions from Palestinian groups opera...
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