• Rod Dreher, intellectuel américain de grande volée résidant den Hongrie, vient rencontrer en France, dans son château du Sud-Ouest, Renaud Camus, père de l'expression "Le Grand Remplacement", et du constat qui va avec. • Dreher constate que l'expression correspond aussi bien à la situation de sa ville natale, Los Angeles. • Il écrit un texte sur cette rencontre et sur l'immense (selon selon l'expression de Camus) « "guerre anticoloniale", une guerre dans laquelle un peuple colonisé se soulève contre ses colonisateurs ») qui secoue notre monde.
12 juin 2025 (18H50) – Rod Dreher est un nom qui commence à trouver sa raisonnante dans nos pays, dans nos situations, dans notre perception générale de la GrandeCrise. Catholique affirmé, il s'est ensuite converti à l'orthodoxie en même temps qu'il s'installait en Hongrie. Surtout, il s'affirme comme un partisan acharné de la tendance de la droite traditionnaliste. Auteur du ‘Pari bénédictin', un best-seller aux USA, il a sorti en 2024 ‘Living in Wonder', qui porte en français le titre dont on doit pouvoir juger qu'il est à la fois maladroit, lourd, et peu fait pour assurer la promotion du livre : ‘Comment retrouver le goût de Dieu dans un monde qui l'a chassé'. Peu importe le titre, le conbtenu est absolument remarquable, hors de toute réflexion sur la religion, et va au cœur même de notre crise.
A côté de cela, comme on le sait déjà) avec une grande insistance, Dreher est un ami proche du vice-président des États-Unis JD Vance, et en quelque sorte son inspirateur. D'où son importance considérable pour la tendance signalée hier d'une nouvelle orientation de la politiquiez américaine, en un sens antiaméricaniste.
Dreher va donc voir Renaud Camus, l'homme du ‘Grand Remplacement', mardi dernier et les deux parlent du même mal qui frappe leurs pays respectifs. Dreher en tire un article qui est publié hier dans ‘ The American Conservative' C'est donc l'occasion de faire effectivement une évaluation de ce mouvement puissant de subversion qui affecte désormais les États-Unis autant que la France, traçant ainsi une parallèle de plus entre deux pays qui se sont souvent rencontrés, parfois avec pertes et fracas, depuis la fondation des États-Unis d'Amérique qui doit tant à la France.
Un drapeau à l'envers
Nous cherchons un point d'accroche nous permettant d'atteindre à l'aspect substantiel de cet article, – et justement "point d'accroche" symbolique à partir d'une remarque accessoire de Dreher avec laquelle nous sommes en désaccord.
Cette remarque tout à fait accessoire de Rod Dreher, qui n'apporte rien au sens général de son texte, marque pourtant à notre avis le sens du texte d'une manière symbolique très forte pour ce pays qui ne tient que par les symboles que ses habitants et dirigeants ont mis progressivement en place. Elle concerne le traitement que les manifestants insurrectionnistes de Los Angeles font subir au drapeau américain. Cette remarque est la suivante :
« De nombreuses images nous sont parvenues de Los Angeles, montrant ces émeutiers brandissant le drapeau mexicain, et le drapeau américain à l'envers (un signe d'irrespect flagrant), ou, dans au moins un cas, y mettant le feu et crachant dessus. »
Bien entendu la remarque essentielle pour notre propos est « le drapeau américain à l'envers (un signe d'irrespect flagrant) »
La force de symbole du drapeau américain ("Stars ans Spangles ») est scrupuleusement prise en compte jusque dans les moindres détails de la vie officielle et de la vie psychologique, dans ce pays qui n'est fait que de symboles, jusqu'aux moindres de ses documents officiels. Bien que la remarque de Dreher ne soit pas fausse, elle ne représente pourtant pas la fonction symbolique essentielle d'un drapeau américain hissé à l'envers. Moins que d'"irrespect", il faut parler de symbole d'un danger extrême, et donc l'équivalent d'un appel : "Venez à notre secours". Dans les divers Wiki qui se réfèrent à des textes officiels, il semble que cette question soit réglée d'une phrase dans la Constitution :
« Le drapeau peut être hissé le canton bleu [les étoiles] en bas en signe de grande détresse ou danger. »
L'un des hypothèses cinématographiques (cinéma, autres technique symbolique pour les USA) les plus significatives est celle du film ‘Dans la vallée d'Eylat', de 2007 :
« Le personnage principal joué par Tommy Lee Jones s'arrête au début du film devant un bâtiment officiel dont le drapeau est monté à l'envers. Il fait remarquer au concierge : "Vous savez ce que cela veut dire quand un drapeau flotte à l'envers ? C'est un signal de détresse international. Cela veut dire on a d'énormes problèmes, venez à notre secours, on n'a pas la moindre chance de s'en sortir." [Le drapeau est remis dans sa position normale et Tommy Lee Jones s'en va.] À la fin du film, TL Jones, qui a fait la lumière sur l'odyssée irakienne tragique et la mort de son fils, vient remettre le drapeau à l'envers, en le remplaçant par un drapeau usagé, que son fils soldat en Irak lui a envoyé par la poste »...
Ainsi, tout est dit : avec l'aventure irakienne et la mort du fils du héros-enquêteur, comme avec tout ce que fait l'Amérique depuis trente ans, tout est bien marqué par cet appel qui est égaklement significatif dans l'exemple que donne Dreher :
« Cela veut dire on a d'énormes problèmes, venez à notre secours, on n'a pas la moindre chance de s'en sortir... »
Depuis cet épisode accessoire mais symboliquement si significatif, d'autres interprétations sont venues s'ajouter, mais toujours autour du même thème. Une appréciation d'un autre texte sur la signification des drapeaux nationaux américains hissés à l'envers dit ceci pour la "bannière étoilée" :
« Il semblerait que ce soit les américains qui aient remis cette coutume au goût du jour pour des raisons politiques.
» Le drapeau américain à l'envers est devenu un signe de protestation politique exprimant une adhésion aux affirmations du président républicain sortant Donald Trump selon lesquelles l'élection lui aurait été "volée" en 2020 au profit du Président Biden.
» Ce geste de protestation avait déjà été observé lors de la réélection du Président Obama en novembre 2012. Certains de ses opposants avaient planté un drapeau américain à l'envers dans leur jardin en signe de mécontentement des résultats du scrutin. »
Importance d'un symbole
A notre sens, ces explications ont une forte signification, ainsi que la mention de la présence du drapeau mexicain chez les protestataires. A la différence du "Grand Remplacement" de Renaud Camus, qui désigne une situation considérée comme l'usurpation d'un territoire sur lequel les usurpateurs (les "colonisateurs") n'ont aucun droit historique, les manifestants insurrectionnistes de Los Angeles, pour la plupart des Latinos mexicains, estiment que la Californie fait partie des territoires que les USA ont obtenus du Mexique en "vente forcée", et à des prix dérisoires, par le traité que les USA ont signé avec le Mexique qu'ils avaient vaincu, en 1848... Hier, nous écrivions ceci, à quoi nous ajoutons les conditions de l'"achat" de la moitié du Mexique par les USA, soit huit nouveaux États de l'union, dont les deux plus grands, la Californie et le Texas.
« La clause du "rachat" pour quelques poignées de dollars marque bien l'extraordinaire hypocrisie, d'origine protestante, de la part des USA qui avaient entrepris une guerre de conquête dont il s'agissait de dissimuler les véritables ambitions. Entretemps, et depuis 2014, la communauté ‘Latino' est devenue la première minorité du Mexique, doublant celle des Blancs-WASP jusqu'alors en première place.» "Par le traité de Guadalupe Hidalgo signé le 2 février 1848, le Mexique cède aux États-Unis le Texas, la Californie, l'Utah, le Nevada, le Colorado, le Wyoming, le Nouveau-Mexique, et l'Arizona (la moitié de leur territoire), pour 15 millions de dollars de l'époque, ce qui équivaut à environ 600 millions de dollars de l'an 2000. Ce traité met fin aux hostilités, mais est très humiliant pour les Mexicains". »
Cette différence fondamentale, en plus du fait que la plupart des citoyens américains sont puissamment armés à la différence des Européens et qu'une faction importante de leurs dirigeants sont prêts à se battre dans cette affaire (le groupe Trump/Vance-populiste), rend impossible le parallèle opérationnel entre les USA et l'Europe pour d'éventuelles guerres civiles. Par contre, bien entendu, on se trouve devant la même tendance de déconstructuration d'ensembles sociaux et sociétaux touchant les grands centres de la civilisation occidentale.
Cette déconstructuration est certainement très douloureuse, cruelle et incertaine pour tous ceux qui la subissent et la contemplent ; elle est terrible comme peut l'être un immense incendie parce qu'elle suppose une œuvre de néantisation (de cancellisation, pardi !) de divers passés qui portent la gloire des Temps Anciens, et même de la Tradition elle-même, – mais elle ne tue rien de ceci et de cela, même s'il y a néantisation et cancellisation car aucun de ces actes de l'humaine nature dévoyée ne peut prétendre à la puissance de la véritable mort, celle qui conserve en son sein la source de la renaissance...
Par contre, elle est absolument nécessaire parce que les structures installées qu'elle s'acharne à détruire reflètent la conquête de notre civilisation par le poison moderniste, – disons pour être brefs et justes, la Peste Noire de nos Derniers-Temps, déjà préparée dans ses brouets du Progrès et du « déchaînement de la Matière », aux XVIIIème et XIXème siècles, et effectivement déchaînée depuis l'explosion de la première bombe atomique comme acte cathartique éclairant, « plus clair que mille soleils », la catastrophe métahistorique que constitue le Progrès et la technique qui va avec.
dedefensa.org
Guerre ou soumission ?
Mardi après-midi, j'ai rendu visite à l'écrivain français controversé Renaud Camus dans son modeste château au cœur de la campagne du sud-ouest de la France. Nous avons parlé de sa théorie du Grand Remplacement (« Ce n'est pas une théorie, c'est un fait observable », a-t-il dit, à juste titre), et évoqué le risque d'une guerre civile en Occident, provoquée par les migrations.
Camus rejetait le terme de « guerre civile ». Il préfère considérer un tel conflit comme une « guerre anticoloniale », une guerre dans laquelle un peuple colonisé se soulève contre ses colonisateurs.
Camus a clairement indiqué qu'il ne voulait pas de guerre. Mais, a-t-il dit, si des circonstances malheureuses imposent un choix « entre la soumission et la guerre, alors c'est la guerre, la guerre, la guerre ».
C'est précisément cette phrase qui a conduit Camus, aujourd'hui âgé de 78 ans, devant un tribunal français pour incitation à la haine. En 2020, il a été condamné à une peine de prison avec sursis et à des amendes. Camus est un homme doux, âgé et cultivé – des étagères ornent les murs de son château sur deux étages – et loin d'être l'agitateur qu'on en fait dans les médias grand public. Faisant allusion à une célèbre citation de Charles de Gaulle, j'ai demandé à Camus s'il avait une « certaine idée de la France ».
« La France n'est pas une idée ! » a-t-il affirmé avec force. Qu'est-ce donc que la France ? Il a énuméré une litanie de lieux spécifiques, de peintures, de théâtres, d'art, de traditions propres à ce pays et à ses habitants depuis des temps immémoriaux – « bien avant 1789 », a-t-il dit, en référence à la Révolution. C'est ce qu'il voit disparaître. C'est ce qu'il défend.
Pendant ce temps, à l'autre bout du monde, dans mon pays natal, Los Angeles brûlait.
Elle brûlait parce que le président des États-Unis avait choisi d'appliquer la loi et d'expulser les personnes se trouvant illégalement aux États-Unis. Depuis cinq jours, manifestants et émeutiers attaquent la police, pillent des magasins, brûlent des voitures et sèment l'anarchie. De nombreuses images nous sont parvenues de Los Angeles, montrant ces émeutiers brandissant le drapeau mexicain, et le drapeau américain à l'envers (un signe d'irrespect flagrant), ou, dans au moins un cas, y mettant le feu et crachant dessus.
Voilà : une violente répudiation, sur le sol américain, de la souveraineté américaine, du droit américain et de l'Amérique elle-même. Et l'affirmation de la primauté – toujours sur le sol américain – d'une culture étrangère et de son État. Il faudrait être aveugle pour ne pas le voir.
Mais les gens sont aveugles. Lors de notre conversation, Camus a expliqué que s'il avait eu des ennuis et avait été exclu du monde littéraire de gauche parisien, c'est parce qu'il avait constaté ce qu'aucune personne respectable n'est censée remarquer aujourd'hui : le déplacement des peuples autochtones et de leurs traditions par des étrangers. Camus avait clairement indiqué que le « grand remplacement » des autochtones s'était produit parce que les élites de ces nations s'étaient depuis longtemps engagées dans ce qu'il appelle la « grande déculturation », c'est-à-dire la dévalorisation systématique de ce qui nous appartient. Si les peuples occidentaux savaient ce qu'ils avaient et l'appréciaient, ils l'auraient défendu. Mais la plupart d'entre eux ne le savent pas.
Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, fait partie de ces élites dont Camus parle avec mépris. Newsom, souvent présenté comme un candidat démocrate potentiel à la présidentielle de 2028, a prononcé un discours télévisé dans lequel il a dénoncé le président Trump, le qualifiant de hors-la-loi menaçant la démocratie.
Pendant ce temps, des manifestations similaires éclatent aux États-Unis et, comme c'est souvent le cas à gauche aujourd'hui, elles tournent à la violence.
Newsom a accusé Trump d'avoir « attaqué la démocratie » en fédéralisant la Garde nationale de Californie et en la déployant pour mettre fin aux émeutes. Quoi ? Le président souhaite faire appliquer les lois votées par des membres démocratiquement élus du Congrès. Quelle folie de faire l'éloge des hors-la-loi – les migrants illégaux – et de ceux qui se révoltent pour les protéger de toute responsabilité devant la loi !
C'est devenu, presque du jour au lendemain, une question de souveraineté. Les États-Unis sont profondément polarisés. Si vous vivez en Europe et ne lisez que les médias européens, ou les grands médias américains comme le New York Times, vous croirez probablement que Trump est la cause de tout cela. Mais la faute de la crise incombe aux politiciens, intellectuels, journalistes et autres membres de la classe dirigeante qui ont laissé l'intolérable problème migratoire s'envenimer pendant des décennies et qui ont traité de fanatiques quiconque le remarquait et s'en plaignait.
L'une des principales raisons du début de la carrière politique de Donald Trump, et de son retour à la Maison Blanche en novembre dernier, est que trop d'Américains en avaient assez des excuses de la classe politique. Ils veulent que ces absurdités cessent. S'il faut un homme aussi grossier que Donald Trump pour faire ce que les politiciens approuvés par l'establishment refusent, tant mieux. Si le choix est entre la soumission et Trump, alors Trump, Trump, Trump.
Je ne pense pas que la plupart des Américains souhaitent la guerre civile, mais la plupart préféreront la violence à l'abandon de la souveraineté nationale. Et beaucoup d'Américains sont armés. En Europe, les populations sont, en comparaison, désarmées, posées et conformistes. Je ne sais pas quel choix feraient la plupart des Européens s'ils étaient contraints de choisir.
Il est facile de soutenir la guerre quand on est vieux, sans enfants et qu'on vit dans un château entouré de hauts murs, à la campagne. Qu'en est-il des personnes qui ont un emploi et une famille, qui vivent en ville ou en banlieue, et qui sont de fait prises en otage par la volonté des migrants et des communautés migrantes d'imposer leur volonté par la violence aux Européens de souche ? Renoncer à sa liberté et à son pays, ou renoncer à sa vie paisible et stable ?
Quel serait votre choix ? Y avez-vous déjà réfléchi ? Mieux vaut le faire. Ce que nous voyons actuellement en Europe de l'autre côté de l'Atlantique pourrait bien être le prélude de ce qui nous attend. On espère éviter le conflit, mais l'espoir n'est pas un plan.
Rod Dreher