par Nabil Walid
Le monde est entré dans une nouvelle phase de turbulences géopolitiques. Depuis plusieurs jours, un conflit militaire direct oppose l'Iran et Israël. L'attaque par missiles balistiques sur Tel-Aviv, suivie de frappes ciblées de Tsahal en territoire iranien, marque un tournant historique dans les tensions chroniques du Moyen-Orient.
Les répercussions se font déjà sentir sur les marchés énergétiques. Le prix du baril de Brent a bondi à plus de 108 $, et les analystes s'interrogent : jusqu'où cette guerre pourrait-elle faire grimper le prix du pétrole ? Quels scénarios se dessinent pour les prochaines semaines ?
Le contexte : la guerre a (enfin) éclaté
Depuis des années, les tensions entre l'Iran chiite et Israël couvaient sous la surface. Ce mois de juin 2025 marque l'irruption d'un affrontement direct, à la suite :
- d'une attaque présumée israélienne sur une base militaire iranienne en Syrie,
- d'une riposte massive de l'Iran via ses alliés (Hezbollah, Houthis, milices irakiennes),
- et d'une opération aérienne israélienne en profondeur sur le territoire iranien.
Ce conflit, longtemps évité, est désormais une réalité avec un risque majeur de déstabilisation régionale.
Pourquoi le marché pétrolier est immédiatement impacté
L'Iran est un pilier de l'OPEP et contrôle, directement ou indirectement, une zone géostratégique critique : le détroit d'Ormuz, par lequel transitent 20% des flux pétroliers mondiaux. En temps de guerre, trois vulnérabilités majeures émergent :
- Risque de fermeture du détroit, par mines, frappes navales ou sabotage.
- Destruction ou interruption des capacités d'exportation iraniennes (ports pétroliers, terminaux).
- Effet domino sur les voisins (Irak, Koweït, Émirats) et leurs infrastructures.
Résultat : les marchés réagissent brutalement, les investisseurs misant sur une pénurie d'offre imminente.
Scénario actuel : un conflit limité mais explosif
Situation actuelle :
Le conflit reste pour l'instant concentré sur des échanges de frappes entre armées régulières. Aucun blocus officiel du détroit d'Ormuz, mais le trafic ralentit, certaines compagnies de fret refusant de s'y aventurer.
Conséquences immédiates :
- Le baril de Brent est passé de 86 $ à plus de 108 $ en moins de 72 heures.
- Le WTI américain suit, grimpant à plus de 104 $.
- L'électricité en Europe et les prix à la pompe réagissent fortement : +10 à 20 cts/L en une semaine en France.
Les analystes de Goldman Sachs estiment que le baril pourrait atteindre 125 $ si le conflit s'étend au Liban ou au Yémen.
Scénario possible : escalade régionale
Hypothèse :
L'Iran élargit le conflit en activant tous ses réseaux (Hezbollah au Liban, Houthis au Yémen). Israël riposte avec des bombardements d'ampleur. L'Arabie Saoudite et les Émirats sont ciblés. Le détroit d'Ormuz est partiellement fermé.
Conséquences :
- Pertes de 3 à 4 millions de barils/jour sur le marché mondial.
- Brent à 140-160 $/baril, voire plus selon les analystes de JP Morgan.
- L'Europe, déjà affaiblie par la guerre en Ukraine, fait face à une crise énergétique généralisée.
- Les États-Unis débloquent leurs réserves stratégiques (SPR) mais peinent à stabiliser les prix.
Réaction des institutions :
- L'OPEP+ est paralysée.
- Les marchés asiatiques (Inde, Chine) cherchent désespérément à sécuriser leur approvisionnement.
- L'inflation redémarre, les taux directeurs repartent à la hausse.
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Scénario noir : guerre indirecte mondiale
Hypothèse :
Les grandes puissances s'en mêlent activement. Les États-Unis renforcent leur soutien militaire à Israël. La Russie défend indirectement l'Iran par un soutien diplomatique et un soutien militaire via des livraisons d'armes. La Chine appelle à une neutralité du Golfe mais sécurise ses achats de pétrole iranien à prix cassé.
Conséquences :
- Le pétrole devient un levier de guerre économique.
- Le baril franchit les 180 $. Certains analystes évoquent même un pic à 200 $ si Ormuz reste fermé plus de 10 jours.
- Les compagnies aériennes annulent des vols long-courriers, les chaînes logistiques mondiales se figent.
- Le dollar explose, mettant en difficulté les économies émergentes.
Le FMI évoque déjà «un risque systémique énergétique mondial» si le conflit dure plus de 30 jours.
Réactions des autres pays producteurs
Pays producteur | Attitude probable | Capacité d'ajustement |
Arabie saoudite | Prudente, mais peut jouer l'apaisement | +1 à 1,5 Mbj |
Émirats arabes unis | Hausse modérée de la production | +500 kbj |
États-Unis | Hausse du pétrole de schiste | +1,2 Mbj mais en 3 à 6 mois |
Russie | Poursuit ses ventes à l'Asie, profite du chaos |
Mbj = millions de barils/jour
Quelles conséquences pour la France et l'Europe ?
En France :
- SP95 > 2,40 €/L en Île-de-France, selon les relevés au 15 juin.
- Stations en rupture temporaire dans certaines zones rurales ou frontalières.
- Le gouvernement envisage un bouclier carburant version 2, avec baisse temporaire de TICPE.
En Europe :
- Explosion du prix du diesel, très utilisé dans les poids lourds.
- Réactivation des plans nationaux de sobriété énergétique.
- Pression accrue pour investir dans les biocarburants et le GPL.
Les précédents historiques : des leçons pour 2025 ?
Crise | Période | Réaction | Enseignement |
Révolution iranienne | 1979 | Baril x2 | La rupture d'offre provoque des chocs majeurs |
Guerre du Golfe | 1990 | +70% sur le Brent | Le contrôle des routes maritimes est stratégique |
Guerre en Ukraine | 2022 | Brent à 130 $ | Les sanctions bouleversent les flux, pas la production |
Embargo OPEP | 1973 | Pétrole x4 |
Scénario | Durée estimée | Prix baril | Conséquences |
Guerre courte | < 2 semaines | 100-110 $ | Choc temporaire, correction rapide |
Guerre régionale | 2 à 6 semaines | 130-150 $ | Inflation, hausse des taux, crise en Europe |
Guerre indirecte prolongée | > 1 mois | 180-200 $ |
Le pétrole n'est pas qu'un actif physique, c'est aussi un actif psychologique. Ce qui fait bouger le marché :
- La peur d'une pénurie immédiate,
- L'anticipation des traders sur la durée du conflit,
- Les annonces politiques (ex : ouverture de pipelines alternatifs),
- Les mouvements des stocks stratégiques.
Ainsi, même si la production n'est pas encore touchée, les prix flambent sur la base de l'anticipation.
Le pétrole au cœur du chaos mondial
La guerre entre l'Iran et Israël, désormais effective, a propulsé le pétrole au centre de la géopolitique mondiale. Qu'il s'agisse d'un conflit de courte durée ou d'une guerre par procuration, le prix du pétrole est déjà en pleine explosion.
Les scénarios les plus pessimistes envisagent un baril au-delà des 180 dollars, avec des conséquences systémiques sur l'économie mondiale, la stabilité sociale et la transition énergétique.
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