23/06/2025 legrandsoir.info  6min #282099

Caroline Yadan : l'autre visage de l'entrisme sioniste

Orestis NIKIFOROU

Caroline Yadan, députée Renaissance des Français de l'étranger, incarne un modèle d'entrisme politique au service d'un agenda pro-israélien affirmé. Juriste et ancienne responsable du pôle antisémitisme à la Licra, elle déploie une influence croissante dans les institutions françaises, mêlant défense intransigeante d'Israël et tentatives législatives controversées visant à restreindre les critiques à son égard. Son parcours soulève des questions majeures sur la souveraineté démocratique, l'équilibre du débat public et la nature des stratégies d'influence étrangères au cœur de la République.

Parmi les figures montantes de la majorité présidentielle française, Caroline Yadan incarne un profil singulier, à la croisée de la diplomatie affective, de la mémoire historique et d'un activisme très affirmé en faveur d'Israël. Juriste de formation, ancienne responsable du pôle antisémitisme à la Licra, et désormais députée Renaissance élue dans la 8e circonscription des Français de l'étranger, elle s'est imposée comme l'une des principales voix de ce que certains nomment un entrisme sioniste au sein des institutions républicaines françaises.

L'entrisme comme stratégie d'influence

Le terme «  entrisme  » désigne une stratégie politique consistant à investir les structures existantes - partis, syndicats, institutions - afin d'en orienter les décisions, les discours ou les priorités vers un agenda spécifique. Loin d'être clandestin ou marginal, l'entrisme peut aujourd'hui prendre des formes sophistiquées, s'appuyant sur des mandats électifs, des fonctions officielles ou des relais d'opinion.

Mais lorsque cet entrisme s'exerce au nom de la défense d'une puissance étrangère, il devrait alerter. Non pas en raison d'une quelconque paranoïa conspirationniste, mais parce qu'il entre en tension avec le principe fondamental de souveraineté démocratique. Le cas de Caroline Yadan illustre cette dérive  : son action parlementaire semble en grande partie orientée par la défense des intérêts israéliens, au point d'assimiler toute critique à une forme d'antisémitisme, diluant ainsi le sens même de ce combat.

Une continuité, sans le panache

Il faut ici rappeler que Caroline Yadan ne fait rien de plus que de prolonger la politique de son prédécesseur Meyer Habib, qui avait lui aussi une ligne résolument pro-israélienne. Mais celui-ci, au moins, avait le mérite d'être haut en couleur : ses interventions faisaient souvent rire l'Assemblée nationale, et sa manière d'agiter ses convictions ajoutait une forme de théâtralité presque bienvenue. Avec Caroline Yadan, le ton s'est durci, les discours se sont raidis, et la comédie a laissé place à une rigueur idéologique qui inquiète davantage.

Loi contre les «  formes renouvelées d'antisémitisme  »

En 2024, Yadan dépose une proposition de loi visant à criminaliser certaines formes d'expression jugées antisémites. Le texte inclut non seulement la négation de la Shoah et l'apologie du terrorisme, mais aussi toute mise en doute de la légitimité de l'État d'Israël. De nombreux juristes et défenseurs des libertés publiques y voient une tentative de réduire au silence les critiques des politiques israéliennes, y compris celles qui relèvent du droit international humanitaire.

«  Non, collègues de LFI, l'antisémitisme n'est pas résiduel. Il est nourri par votre haine obsessionnelle d'Israël.  »

- Caroline Yadan à l'Assemblée nationale, 2025

Cette rhétorique, à la frontière de l'invective partisane, a été dénoncée par plusieurs élus comme une dérive inquiétante du débat démocratique.

L'éducation palestinienne dans le viseur

Autre cheval de bataille de la députée  : les manuels scolaires palestiniens. Dans une proposition de résolution, elle dénonce l'«  éducation à la haine  » dispensée selon elle par l'Autorité palestinienne. Reprenant les arguments de think tanks israéliens proches de la droite, elle demande le gel de l'aide européenne à l'éducation palestinienne. Cette démarche, soutenue par certains eurodéputés conservateurs, participe d'un cadrage idéologique où tout discours palestinienne devient suspecte d'incitation à la haine.

L'allégeance à une diplomatie d'influence

Caroline Yadan participe régulièrement à des sommets internationaux organisés par des ONG pro-israéliennes comme UN Watch, connues pour leur opposition radicale à l'UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine). Elle y défend une ligne intransigeante  : dissolution de l'UNRWA, surveillance des contenus éducatifs, criminalisation de certaines expressions politiques arabes.

Un double visage politique

Le succès politique de Caroline Yadan repose sur un équilibre délicat  : se présenter comme défenseuse des valeurs républicaines, tout en faisant progresser un agenda ultra-aligné sur les positions israéliennes les plus dures. Cet entrisme ne consiste pas à infiltrer clandestinement une institution, mais à s'inscrire pleinement dans les règles du jeu politique, en façonnant les normes de l'intérieur, parfois sans que l'orientation idéologique de cette influence soit immédiatement perçue.

Un succès électoral construit sur des voix externes

Fait notable  : Caroline Yadan n'a pas été élue uniquement grâce aux voix de son parti Renaissance, aujourd'hui devenu un parti minoritaire à l'Assemblée nationale. Elle a su s'appuyer sur des voix en provenance d'autres formations, y compris de partis constituant le Nouveau Front Populaire. Cette stratégie d'agrégation d'un électorat diversifié autour d'un personnage perçu comme un moindre mal mérite un débat de fond.

Elle doit interpeller l'ensemble des militants, responsables et électeurs du spectre progressiste, démocratique et de gauche en France, ainsi que les collectifs, syndicats et organisations qui s'en réclament.

L'exemple de Caroline Yadan, qui nous a sorti de son chapeau tous ces «  lapins  » - propositions, amendements, lois, résolutions - désagréables à entendre et à regarder pour une partie de l'opinion, doit nous enseigner. Il pose la question des concessions idéologiques faites au nom de la tactique électorale.

Une légitimité électorale à géométrie variable

Cette réflexion en appelle une autre, plus large, sur la légitimité démocratique des députés des Français de l'étranger. Il faut souligner que dans plusieurs de ces circonscriptions, les députés sont élus sur la base d'un nombre très réduit de voix, souvent sans commune mesure avec les circonscriptions métropolitaines ou d'outre-mer. Cela crée une disproportion préoccupante  : une voix dans certaines zones pèse bien plus qu'une voix ailleurs.

Cette distorsion du principe "une voix, un vote" remet en cause l'égalité démocratique, pilier de la République. La prochaine réforme de la loi électorale devrait impérativement aborder cette anomalie, au risque de voir se multiplier les figures élues avec une représentativité plus virtuelle que politique.

Conclusion

Tous les coups sont permis en politique, dit-on, mais encore faut-il en assumer les implications. Derrière les discours sur la République et la laïcité, Caroline Yadan déploie un modèle d'entrisme idéologique, où l'universel sert parfois de paravent à la défense d'intérêts spécifiques - en l'occurrence, ceux d'une puissance étrangère. Dans une France qui se veut laïque, pluraliste et garante du droit international, ce type de stratégie mérite d'être observé, discuté et contesté, tout autant que les conditions démocratiques de sa légitimation électorale.

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