05/07/2025 reseauinternational.net  11min #283251

Lettre ouverte à un pair de France : Xavier Bertrand

Ancien Ministre de la Santé
Ancien Ministre du Travail
Ancien Secrétaire général de l'UMP
Membre du Grand Orient de France
Ancien candidat à l'élection présidentielle
Ancien député
Actuellement président du Conseil régional des Hauts-de-France

Expéditeur : Mendelssohn Moses

Destinataire : Xavier Bertrand

Objet : Unique résultat de l'économie de guerre : la guerre

Monsieur le président du Conseil régional,

Par la presse nationale, nous apprenons que les Hauts-de-France ont formé un Conseil régional de la défense, dont les assises se tinrent à Chantilly le 24 juin 2025.

En présence du Ministre de la défense et du Directeur général de l'armement, vous y avez prononcé le discours de bienvenue.

Selon le  communiqué émis par la Région «les Hauts-de-France entendent désormais valoriser ses (sic) atouts industriels, logistiques et technologiques pour contribuer à l'«économie de guerre» évoquée par le chef de l'État».

«Hauts-de-France Financement, Nord France Invest et l'ensemble de l'écosystème régional (académique, économique, institutionnel) seront mis à contribution pour accélérer cette transition stratégique». Il s'agirait de 250 millions d'Euro, alors que la santé, l'éducation, l'éducation et les infrastructures subissent des coupes semant confusion et désarroi dans toutes les structures.

Or, qui dit économie de guerre, dit GUERRE.

En ces circonstances, instruisez-nous : contre qui la France entend-elle déclarer la guerre ? La Russie ? L'Iran et/ou autres alliés de la Russie ? Les restes affamés du peuple palestinien ? We should be told.

Doit-on aussi conclure que la «transition stratégique» à laquelle fait référence le communiqué implique que l'économie civile déjà en piteux état, est destinée à y être subordonnée ?

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Lors de la réunion de l'OTAN des 24-25 juin 2025, son secrétaire général Mark Rutte  déclarait qu'une Alliance «plus forte, plus juste (sic) et plus létale» (sic)... confrontait des «défis»  : tels que ceux «en provenance de («from») la Russie» ou encore le terrorisme, les cyberattaques, le sabotage ou la concurrence stratégique».

Voulue par Rutte, cette tournure syntactique où l'expression «en provenance de» («from» dans l'original anglais), absente devant les mots «terrorisme/cyberattaques/sabotage/concurrence» figure devant le seul mot «Russie», ce qui permet d'en lire le sens à l'envers ou à l'endroit.

Autrement dit, l'OTAN compte  s'engager plus loin encore ; Lt. Gén. Igor Krillo ; Général Mikhail Gudkov ; Général Yaroslav Moskalik ; dans la  voie de terrorisme et de sabotage face au «défi» que poserait la Russie.

Soulignons pour conclure ce paragraphe, le sens du terme létal : qui entraîne la mort, mortifère, qui tue.

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Si certains peuvent encore l'affirmer contre cachet sur LCI, aucun analyste militaire ne croit réellement que la Russie, pays notoirement à faible natalité, ne comptant que 130 millions d'habitants dispersés à compte-gouttes sur un territoire quatre fois celui de la Chine, verserait son sang à envahir l'autre moitié du continent habitée par 500 millions d'êtres humains et grouillant d'armes nucléaires US.

Quant à la France, la seule dissuasion qui vaille, le nucléaire, est en place. Encore faut-il qu'elle soit à jour et qu'il se trouve encore des ingénieurs et physiciens idoines...

Venons-en à la «concurrence stratégique», terme volontairement imprécis désignant sans doute la Chine. Dans les faits, celle-ci se désintéresse de l'Europe occidentale sauf en tant que facteur de nuisance. Depuis 30 ans, la Chine vise l'investissement dans l'économie civile tandis que l'espérance-vie a bondi d'environ 25 ans.

Unanimement hostiles tant à la diplomatie qu'à toute planification économique de type gaulliste, les dirigeants actuels d'une Europe occidentale désindustrialisée par leurs manœuvres et à l'infrastructure hors d'âge en raison du sous-investissement chronique, ne peuvent - même en rêve - s'imaginer faire le poids autrement que par «terrorisme, sabotage et cyberattaques».

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Par ailleurs, la Commission européenne entend lever 150 milliards d'euros d'emprunts dits SAFE aux seuls besoins d'armement, au nom d'un continent déjà  massivement endetté. De toute évidence cependant la part du lion des contrats sera  engloutie par les industries US de la défense, sur le modèle des opérations financières réalisées au profit de Pfizer/BionTech/Moderna sur le dos du contribuable  grâce aux diligences de ladite  Commission européenne.

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Qui dit économie de guerre, dit produire pour la guerre. En effet, les flux financiers devant impérativement se poursuivre et les dividendes aux actionnaires tomber sans interruption aucune, il faut écouler la production. Écouler équivaut ici à consommer. L'unique moyen de la consommer, c'est la guerre.

Ainsi l'économie de guerre s'avère être un cycle sans fin, faute de quoi, l'échafaudage financier s'effondre.

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Selon la Lettre d'engagement entre l'État, la Région, la Chambre de commerce et d'industrie Hauts-de-France et Entreprises & Cités, il s'agirait de : renforcer la filière industrielle de Défense régionale (BITD) ; développer une filière «drones» ; valoriser des compétences en cybersécurité et intelligence économique ; soutenir l'innovation duale, civile et militaire.

Partout et en tout temps, l'économie de guerre s'est avérée être un retentissant échec, sauf à considérer que l'entreprise de pillage de Tamerlan (1320-1405) qui entraîna l'extermination d'environ 5% de la population mondiale d'alors), de Genghis Khan (1155-1227) ou encore la Guerre de Trente Ans (1618-1648) par où la moitié de la population des régions concernées disparut - fût une réussite.

Dans le cas de l'Allemagne moderne, suite au coup de force de 1933 les cercles financiers-industriels qui contrôlaient la NSDAP avaient comme objectif une économie militarisée, eu égard aux gains rapides et très considérables y attenant.

Derechef, ces cercles imposèrent des mesures d'austérité radicales visant à limiter la population allemande à ceux en état soit de travailler soit de combattre. Dans cette perspective, l'idéologie de leurs protégés hitlériens, notamment la russophobie et le dogme de l'infériorité des «races» slaves se révéla aussi secourable que la russophobie en 2025.

Parmi les moyens mis en œuvre :  camps de travail puis camps de travail + extermination. Stérilisation / avortement des individus jugés indignes ou sans valeur ; euthanasie des «bouches inutiles» à définition variable (Aktion T4 etc.), auxquels font écho les intéressantes campagnes actuelles  présentant l'avortement et son pendant - l'euthanasie que  promeut le Grand Orient de France en tant que «droit de l'homme» ou que sais-je encore.

Une fois l'immense industrie allemande militarisée, ne restait qu'à lancer les guerres destinées à en avaler la production, jusqu'au paroxysme de l'Opération Barbarossa (26 millions de morts en URSS, soit 15% de sa population). Au cours de ces opérations, l'Allemagne elle-même déplora la mort d'au moins 5 millions de soldats et 3 millions de civils ; suite à la guerre elle dut céder 13% de son territoire. Belle victoire.

Serait-ce le chemin de la victoire dont rêve le Conseil régional de défense des Hauts-de-France ?

Le peuple réclame du pain ? Donnez-leur plutôt des obus.

Notons en passant que suite aux coupes budgétaires sauvages qu'il avait proposées, le gouvernement de Keir Starmer est  sur le point de tomber. Grosso modo ces coupes correspondent aux £ 5 milliards annuels engagés par le Royaume-Uni en faveur de l'ex-Ukraine.

Vous n'ignorez pas, Monsieur Bertrand, que le taux de pauvreté dans l'Aisne est vraisemblablement le plus élevé de France, près de 19%, tandis que selon L'Union (14 mai 2025), l'accès aux soins dans l'Aisne «reste très largement déficitaire et comptait, en 2023, 60 médecins pour 100 000 habitants contre 76 pour 100 000 habitants en France. En 2023, la CPAM de l'Aisne comptait 8 cessations pour 21 installations». Nombreux sont ceux qui ne chauffent plus leur logement en hiver afin de pouvoir acheter à manger. Quant au taux de surendettement, selon la  nouvelle étude de la Banque de France, il est deux fois plus élevé dans l'Aisne que dans le reste de la France, soit 459 cas pour 100 000 habitants.

Guns, not Butter !

Qu'à cela ne tienne.

Que les « gens qui ne sont rien» soient déchiquetés par des obus ou qu'ils les mangent, c'est tout un.

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Les États-Unis consacrent 14% environ de leur budget fédéral à la défense, soit environ $US 900 milliards, excédant la totalité du budget des 30 membres de l'OTAN dans leur ensemble. Il s'agit du budget militaire le plus imposant du monde, et de très loin.

Pour autant, les USA sont-ils la première puissance industrielle et scientifique du monde ? Leur peuple a-t-il l'espérance-vie la plus élevée ? Nullement.

Parmi les innombrables documents dans le domaine public sur le sujet, citons un récent papier de vulgarisation du Centre Stimson relatif à l'impact réel de l'économie de guerre devenue un  état permanent aux USA.

Pour le Centre Stimson, «le civil ne peut consommer des armes ni produire quoi que ce soit avec des armes. Celles-ci ne sont d'aucune utilité à l'économie». Au fur et à mesure que se multiplient les commandes d'armement passées par l'état, d'autant plus flous deviennent le processus d'achat, tandis que les prix d'acquisition se fixent à huis clos. Appâtés par la manne, les industriels de la défense lancent des programmes de développement capillotractés et à coût exorbitant - aux frais du contribuable.

Après la Guerre, les USA ont investi des dizaines de milliers d'heures de travail et des milliards de dollars dans la perspective de convertir des usines d'armement à l'utilisation civile, jusqu'à ce que la roue ou plutôt la planche à billets, ne se remette à tourner grâce aux Guerres de Corée et du Viet Nam.

Dans le récent volume Economic Consequences of US mobilisation for WWII (2022), l'économiste Alexander Field conclut que la mobilisation industrielle lors de la Deuxième guerre mondiale retarda en réalité la croissance US sur le long-terme. Ses travaux pointent la chute de productivité manufacturière, c'est à dire unité produite relative à unité d'intrant. Si la production augmenta de façon spectaculaire pendant ladite Guerre, jamais la productivité ne retrouva son taux de croissance de l'avant-guerre, ce taux ayant été notablement plus élevé entre 1919 et 1941 qu'entre 1948 et 1973. Par ailleurs, l'accumulation de capital aux fins belliqueuses entrava l'investissement dans tout secteur non essentiel à l'effort de guerre. Quant aux savoirs acquis par les ouvriers, ils n'ont que marginalement contribué à l'économie post-1945. Cependant la dépense militaire associée à l'ascendance unipolaire US a été telle que le mythe de l'économie de guerre comme panacée perdure depuis 80 ans.

Selon une étude rédigée par les services du Pentagone et parue en 2023, les entreprises privées d'armement privilégient systématiquement les résultats financiers : entre 2000 et 2019 les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté de 73%, aux dépens de la R & D et de l'investissement, souvent outrepassant de 11% ceux accordées par les entreprises non-militaires. Ce sont donc des entreprises entièrement financiarisées.

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La confiance règne

Habitué des couloirs du pouvoir depuis 40 ans, participant à des décisions lourdes de conséquences négatives pour la collectivité, sous l'Ancien régime Monsieur Bertrand, vous auriez sans doute porté le titre de Pair de France. Or, depuis 40 ans, ce pays - jadis, sous le général de Gaulle «the Cynosure of All Eyes», princeps du nucléaire, des mathématiques, de la santé et des services publiques - a été désindustrialisé brique par brique, déstructuré et démoralisé, preuve de la parfaite nullité en temps de paix de ceux dont cela a été pourtant le tour de garde.

En un mot, ceux-là mêmes qui en temps de paix, se sont appliqués sans relâche à démolir - tout en jouissant à titre personnel de tous les passe-droits - prétendent désormais bâtir en temps de guerre.

De grasses commissions en vue ?

En tout cas, il fallait l'oser.

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