07/07/2025 journal-neo.su  6min #283450

 Poutine : les Brics dépassent largement le G7 sur le plan économique

Le sommet des Brics à Rio de Janeiro symbolise un basculement géopolitique défavorable à l'Occident

 Mohamed Lamine KABA,

Au cœur de Rio de Janeiro, le 17ème sommet des BRICS propulse le Sud global sur le devant de la scène internationale et remet en question la suprématie occidentale dans une ère marquée par des conflits hybrides et une reconfiguration géopolitique d'envergure.

Ces conflits hybrides (et par procuration) redessinent le paysage des puissances mondiales et exacerbent la rivalité entre la Chine et les États-Unis et relèguent l'Occident à un rôle périphérique. Ce contexte se cristallise au sommet des BRICS à Rio qui célèbre l'émergence du Sud global sous une  thématique évocatrice : « Renforcer la coopération entre les pays du Sud pour une gouvernance plus inclusive et durable ». En Ukraine, le conflit voit s'affronter la Russie (appuyée par les pays membres de l'Alliance BRICS et l'ensemble du Sud global, notamment l'Afrique du Sud, la Chine, l'Iran et la Corée du Nord) à un Occident fragmenté dans une guerre où drones et stratégies informationnelles sont prédominants.

Au Moyen-Orient, l'alliance américano-israélienne vacille face à la résistance iranienne, tandis que des guerres par procuration persistent au Yémen et au Liban. En Afrique, le Sahel, le Soudan et la République Démocratique du Congo sont le théâtre de violences exacerbées par des rivalités géopolitiques. En Asie, la mer de Chine méridionale, l'indopacifique et le Myanmar sont autant de zones de tensions hybrides. En Amérique latine, la criminalité organisée et internalisée au Mexique et en Colombie alimente l'instabilité. Le sommet des BRICS, représentant une alliance de près de la moitié de la population mondiale, prône la dédollarisation et marginalise l'OTAN, renforçant l'autonomie du Sud global face à ces crises.

Le discours emblématique de Poutine et la déclaration finale du sommet

Les éléments saillants de la déclaration conclusive émanant de Rio, conjointement avec les axes principaux de l'allocution du président russe, dispensée par visioconférence lors de la séance plénière, se déclinent comme suit : les dirigeants de l'Alliance BRICS ont unanimement condamné les attaques terroristes ciblant les infrastructures de ponts et ferroviaires dans les territoires de Briansk, Koursk et Voronej. Ils ont manifesté l'espoir d'un règlement du conflit ukrainien. Ils ont également réprouvé les offensives israéliennes et américaines sur l'Iran et ses installations nucléaires, tout en exprimant leur préoccupation quant à l'escalade des tensions vers un conflit nucléaire. Un appel à la continuation des pourparlers pour un armistice à Gaza a été lancé, et l'opinion que Gaza et la Cisjordanie devraient constituer un Etat unifié a été partagée. Ils ont plaidé pour l'intégrité territoriale syrienne, saluant la levée des sanctions, et ont préconisé l'abolition des sanctions unilatérales ainsi que la réforme de l'OMC. Une opposition à la prolifération d'une course à l'armement spatial a été affirmée, proposant l'adoption d'un document ad hoc. Ils ont défendu la création d'un espace numérique sécurisé et stable, et ont réitéré leur engagement contre le terrorisme sous toutes ses formes.

Bien que Vladimir Poutine n'ait pas assisté au sommet en personne, il a marqué sa présence lors de la séance plénière cardinale du 17e sommet des BRICS via visioconférence. Son  discours emblématique qui rappelle la teneur du sommet précédent de l'Alliance à Kazan en 2024 a abordé la complexité de la conjoncture géopolitique actuelle et la mutation de l'ordre mondial, a comparé les économies des BRICS à celles du G7, a souligné la coopération étroite au sein du bloc et a partagé les avancées notables ainsi que les nouvelles missions de l'Alliance.

Le président a d'abord mis en exergue l'approfondissement de la collaboration entre les pays membres de l'Alliance BRICS dans des secteurs clés tels que la politique, la sécurité, l'économie, les finances, et les échanges culturels et humanitaires. Dans son élocution, Poutine a affirmé : « Nous constatons tous que des changements fondamentaux sont en cours dans le monde. Le système unipolaire des relations internationales, qui servait les intérêts du milliard d'or, est en passe de disparaître. Il est remplacé par un monde multipolaire plus juste. Le processus de transformation de l'ordre économique mondial continue de s'accélérer », a-t-il déclaré. Il a ajouté que tout converge vers la conclusion que le modèle de mondialisation libérale s'essouffle et que l'épicentre de l'activité économique se redéploie vers les marchés émergents. Ceci génère une vague de croissance considérable, en particulier au sein des pays BRICS. Pour capitaliser pleinement sur ces opportunités naissantes, il est primordial d'intensifier la coopération intra-association, a conclu le président.

L'ascension des BRICS et la marginalisation de l'Occident collectif

Sous présidence brésilienne, le sommet des BRICS des 6 et 7 juillet 2025 à Rio de Janeiro symbolise l'ascension irréfutable du Sud global et la perte d'influence de l'Occident. Les BRICS, élargis à onze nations et neuf partenaires, incarnent près de la moitié de la population mondiale, contribuant à environ à 40% du PIB global (G7 moins de 29%) et à plus de 50% de la croissance économique mondiale, dépassant le G7 en parité de pouvoir d'achat. Leur programme, axé sur la réforme de la gouvernance mondiale et l'intégration économique via des initiatives telles que la Nouvelle Banque de Développement et le système de paiement transfrontalier, vise à se défaire du nazisme monétaire du dollar américain, unanimement perçu comme un outil de domination occidentale. C'est dans cette logique le président brésilien Lula a appelé à monter en gamme en  déclarant : « les pays BRICS détiennent 84% des terres rares mondiales, 65% du manganèse et 63% du graphite ». Malgré l'absence de Xi Jinping et Vladimir Poutine, l'élan d'expansion de l'Alliance demeure, avec de nombreux pays candidats à l'adhésion. Ce sommet s'inscrit dans un momentum où le Forum économique international de Saint-Pétersbourg a déjà éclipsé le  G7, signifiant un basculement du centre de gravité géopolitique vers le Sud.

Pour faire court, réunis hier et aujourd'hui en sommet à Rio, les BRICS consacrent l'ascension irrésistible du Sud global et relèguent l'Occident à une posture défensive dans un ordre mondial multipolaire redéfini par des conflits hybrides.

Mohamed Lamine KABA, Expert en géopolitique de la gouvernance et de l'intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine

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