30/07/2025 reseauinternational.net  7min #285767

Gaza : le génocide était clairement en marche bien avant le 7 octobre

La responsabilité de chaque enfant assassiné, mutilé, orphelin ou affamé à Gaza, ayant subi des dommages irréversibles à cause de la malnutrition, repose lourdement sur les épaules de tous ceux qui ont fait commencer l'histoire au 7 octobre, validant les éléments de langage israéliens et préparant le terrain à l'extermination et au nettoyage ethnique, et qui ont attendu la dernière phase du génocide pour le désigner par son nom.

Alain Marshal

*

par Jonathan Cook

Il y a environ dix-sept ans, un général et un ministre israéliens ont menacé Gaza d'une «Shoah», un mot jusqu'alors réservé à l'Holocauste. Depuis, le cours des événements à Gaza s'est poursuivi de manière implacable dans la même direction.

Beaucoup trop de commentateurs, comme l'inlassablement obtus Piers Morgan, commencent lentement - ô combien lentement - à admettre qu'Israël pourrait être en train de commettre un génocide à Gaza. Mais bien sûr, ils continuent de traiter d'«antisémites» ceux d'entre nous qui ont affirmé dès le départ qu'il s'agissait d'un génocide.

Ils espèrent sauver la face grâce à ce subterfuge uniquement parce que les médias dominants continuent d'ignorer ce qui s'est passé avant le 7 octobre 2023, alors qu'il s'agit d'événements qui, sur de nombreuses années, ont clairement montré qu'Israël se préparait à commettre un génocide, et qu'il saisirait un prétexte dès qu'il se présenterait.

L'immonde Piers Morgan, représentatif de toute la caste politico-médiatique,
vu par Latuff (dessin original  en anglais ici)

Voici un bref aperçu de certains des éléments les plus pertinents :

1. Début 2008 - c'est-à-dire il y a 17 ans - le vice-ministre de la Défense Matan Vilnaï, ancien général israélien de haut rang, a  menacé Gaza d'une «Shoah» - un mot jusqu'alors  strictement réservé à l'Holocauste.

2. Il l'a fait peu après qu'Israël a mis en œuvre ce qui allait devenir un siège de près de deux décennies contre Gaza. Israël avait déjà encerclé l'enclave avec une clôture lourdement militarisée, interdit l'accès à ses eaux territoriales et bombardé son unique aéroport. À partir de ce moment-là, la nourriture fut strictement rationnée - ou, selon les termes des dirigeants israéliens, « mettre Gaza au régime» [un régime diaboliquement calculé pour que la population soit toujours au seuil de la famine] - tandis que des pans entiers de l'enclave étaient périodiquement détruits par les bombardements israéliens - ce qu'ils appelaient «tondre la pelouse». Gaza fut, de fait, transformée en  camp de concentration.

3. Ce siège fut complété par la destruction progressive, par Israël, des  moyens d'autosuffisance de Gaza : toute pêche au large de ses côtes fut interdite ; Israël pulvérisa régulièrement des herbicides sur les terres agricoles de l'enclave ; Israël éradiqua le secteur industriel de Gaza en rendant les exportations pratiquement impossibles ; et Israël bombarda régulièrement les centrales électriques et les usines de dessalement de Gaza, réduisant l'accès à l'eau et à l'électricité, des ressources essentielles à la vie.

4. L'objectif était clair : rendre Gaza entièrement dépendante de la bonne volonté d'Israël - qui faisait cruellement défaut - et, en même temps, totalement dépendante de l'aide. Parallèlement, Israël a  lancé une campagne mensongère affirmant que les organisations humanitaires de l'ONU étaient liées à la «terreur» du Hamas, dans l'espoir d'utiliser cet argument pour entraver l'aide, comme il l'a fait  avec une grande férocité depuis le 7 octobre 2023, et, à terme, pour s'approprier lui-même toute la distribution de l'aide, comme il y est également parvenu ces derniers mois avec la création d'un groupe de façade israélo-américain, la «Gaza Humanitarian Foundation».

5. Dans ce contexte, les Nations unies ont  averti, il y a dix ans, que Gaza deviendrait probablement inhabitable d'ici 2020. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles les Palestiniens ont commencé, en 2018, à manifester massivement devant la clôture de leur camp de concentration, ce à quoi Israël a répondu par des tirs à balles réelles. Dans un article paru à l'époque dans les médias israéliens, des snipers de l'armée israélienne se sont vantés d'avoir « explosé 42 genoux en une journée». Des centaines de personnes ont été tuées et plusieurs milliers mutilées. Ces mêmes snipers tirent actuellement sur des enfants à la tête, à l'abdomen et aux testicules, comme l'a  signalé le chirurgien britannique Nick Maynard, qui travaille bénévolement à Gaza.

Notons également que le contrôle quasi total et malveillant d'Israël sur Gaza, ainsi que le désintérêt du monde pour la détresse désespérée de l'enclave, ont été des facteurs majeurs dans le lancement par le Hamas et d'autres groupes de leur évasion meurtrière le 7 octobre 2023.

6. Parallèlement à tout cela, et dès 2007, Israël a convaincu les États-Unis de se joindre à lui dans une  campagne de pression sur l'Égypte pour la contraindre à ouvrir sa seule et courte frontière avec Gaza afin que la population de l'enclave afflue dans le Sinaï, un acte de nettoyage ethnique et une violation flagrante du droit international. L'Égypte a refusé de s'y soumettre avant le 7 octobre 2023, et continue de le faire depuis.

En réalité, chasser de force un groupe de ses foyers par la violence et en rendant la vie impossible là où il vit répond à la définition juridique du génocide, et c'est d'autant plus clair lorsque ceux qui procèdent à ce déplacement forcé déclarent que c'est ce qu'ils font, comme les dirigeants israéliens l'ont affirmé depuis le début de leur massacre génocidaire et de leur campagne de famine à Gaza.

Israël commet un génocide pour contraindre l'Égypte et le monde arabe à accueillir les habitants de Gaza en tant que réfugiés. S'ils refusent, Israël poursuivra le génocide en tuant davantage de Gazaouis. S'ils cèdent, Israël poursuivra le génocide en dispersant ce qui reste de la population de Gaza aux quatre coins du monde. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un génocide. Dans un cas comme dans l'autre, il faut y mettre un terme. Immédiatement.

Les effets d'une famine se font sentir sur des générations

C'est une bien maigre consolation [aussi décharnée que les corps des femmes et des enfants de Gaza] de voir qu'aux toutes dernières étapes du génocide israélien, des experts médiatiques comme Piers Morgan [et bien d'autres en Occident, y compris en France, toutes ces voix hypocrites pullulant dans les médias] se disent prêts à admettre qu'un génocide est peut-être sur le point de se produire. Rien de cela ne doit occulter ni excuser leurs vingt et un mois de complicité dans le génocide qui s'est déroulé sous nos yeux. Ils ne savaient pas parce qu'ils ne voulaient pas savoir [et on peut même remonter au nettoyage ethnique de 1948 et 1967, pour affirmer que le sionisme a toujours eu vocation à dépeupler la Palestine historique de ses habitants autochtones, pour concrétiser le mythe d'une terre sans peuple pour un peuple sans terre].

La responsabilité de chaque enfant mort à Gaza, de chaque enfant mutilé à Gaza, de chaque enfant orphelin à Gaza, de chaque enfant affamé à Gaza, ayant subi des dommages irréversibles à cause de la malnutrition, repose lourdement sur leurs épaules.

source :  Jonathan Cook via  Alain Marshal

traduction et notes entre crochets  Alain Marshal

 reseauinternational.net