30/07/2025 euro-synergies.hautetfort.com  5min #285786

Armin Mohler et la fidélité à un «style» différent

Le style est incarné par ceux qui ont éprouvé en eux-mêmes, dans leur intimité la plus profonde, la faiblesse mortelle de tout mythe ou valeur illuministe, rationaliste et démocratique.

par Matteo Romano

Source:  barbadillo.it

« On est plus fidèle à un style qu'à des idées », écrivait Drieu La Rochelle, et sans aucun doute, on peut dire que c'est là le fil conducteur du court mais dense essai du philosophe et représentant de la Nouvelle Droite, Armin Mohler, intitulé Le style fasciste (éd. it.: Settimo Sigillo, 1987). Mohler, chercheur sur la révolution conservatrice allemande, qui fut déjà secrétaire d'Ernst Jünger durant l'après-guerre et correspondant d'Evola, est, comme nous l'avons déjà mentionné, surtout connu pour le dialogue qu'il a engagé avec la Nouvelle Droite et pour sa virulente critique du libéralisme.

Dans cet opuscule, Mohler, à travers une description physiognomique de ce qu'il considère être « Le Style » – l'attitude du « fasciste » – tente d'identifier le noyau essentiel de cette expérience historique, politique et sociale. Le contexte, dans lequel ce court essai s'inscrit, peut être repéré dans un débat de l'époque entre plusieurs intellectuels de la nouvelle droite française, un débat basé sur l'ancien débat médiéval entre nominalisme et universalité ; ce débat avait été principalement alimenté par des articles et des publications dans la revue Nouvelle École, souvent signés par Mohler lui-même ou par Alain de Benoist. Ce sujet a également été repris plus tard par Aleksander Douguine, qui, dans la vision « nominaliste », voit la racine de l'individualisme libéral moderne.

Pour Mohler, cependant, une vision qui recentre l'individualité et sa valeur existentielle (et que l'on pourrait qualifier de nominaliste) est précisément ce qui permet de récupérer le sens le plus authentique et aussi le plus brut de la vie, seul capable d'opérer une rénovation cathartique en dehors de toute conception vide de l'homme, abstraite, universelle et niveleuse. Ce fondement est celui du libéralisme moderne et de ses diverses formes d'internationalisme. Il en découle, pour revenir à notre étude, que l'approche choisie par Mohler pour définir « ce qui est fasciste » sera (justement, ajoutons-nous) essentiellement pré-politique, pré-dogmatique. Il suit ainsi la voie tracée par d'autres chercheurs qui se sont penchés sur le phénomène, comme Giorgio Locchi dans L'essence du fascisme.

Mohler écrit : « En résumé, disons que les fascistes n'éprouvent en réalité aucun problème à s'adapter aux incohérences de la théorie, car ils se comprennent entre eux selon une voie plus directe: celle du style. » Et encore, en référence au discours de Gottfried Benn lors de la visite de Marinetti en Allemagne hitlérienne en 1934, Mohler écrit : « Le style dépasse la foi, la forme vient avant l'idée. »

Pour Mohler, donc, le fasciste n'est pas tel parce qu'il adhère à un schéma idéologique, dogmatique ou politique. Il l'est parce qu'il a éprouvé en lui, dans sa plus profonde intimité, la faiblesse mortelle de tout mythe ou valeur dérivée des Lumières, illuministe (dit-on en Italie, ndt), rationaliste et démocratique. Tout cela implose devant les guerres, les révolutions, les crises économiques et sociales. Mais le fasciste y répond en recueillant ce qu'il y a de positif dans chaque crise, et devient porteur d'une volonté créatrice qui réaffirme les valeurs de l'esprit, de l'héroïsme et de la volonté sur la vie.

Mohler cite Jünger : « Notre espoir repose sur les jeunes qui souffrent de fièvre, parce que la purulence verte du dégoût les consume. » Pour l'auteur, cela traduit « la nostalgie d'une autre forme de vie, plus dense, plus réelle. » Une vie plus dense, car plus complète, passant par une tragédie existentielle nue et renouvelante. Mohler parle d'un mélange entre « anarchie » et « style », entre destruction et renouveau. Et c'est justement cette mortification héroïque qui mène à une reconnexion avec la racine originelle et unitaire de la réalité et de la vie de l'individu : dans laquelle l'opposition entre vie et mort est dépassée dans une indifférence intérieure. Le renouveau, que le fasciste ressent en lui, à condition d'avoir pris pour tâche « la nécessité de mourir constamment, jour et nuit, dans la solitude ». Ce n'est qu'à ce moment-là, arrivé au point zéro de toute valeur (ce n'est pas un hasard si un chapitre est intitulé « Le point zéro magique »), puisant dans des forces plus profondes, façonné de manière virtuose par un style « non théâtral, d'une froideur imposante vers laquelle orienter l'Europe », qu'il pourra témoigner de la naissance d'une nouvelle hiérarchie. Un style objectif, froid et impersonnel.

Et c'est précisément cette attitude que Mohler retrouve chez l'homme et dans le « style fasciste », car en lui, selon l'auteur, l'individualité et son expérience sont placées au centre. Alors que ce qui caractérise le plus le national-socialiste, c'est son accent mis davantage sur le « peuple », sur la « Volksgemeinschaft » et sur la rébellion sociale, ce qui le distingue encore plus de ce que Mohler appelle « l'étatiste », c'est son admiration pour ce qui fonctionne, pour ce qui n'est pas arbitraire, pour ce qui est bien intégré dans la structure d'un État parfois asphyxiant, qui ne lui permet pas de vivre tout le « tragique » propre au fasciste. Bien que les trois « types » aient pu se croiser dans l'histoire, Mohler souhaite ici, sur un plan théorique, souligner la caractéristique spécifique de ce qu'il qualifie d'« homme fasciste ».

Il s'agit de la nécessité primordiale d'un besoin d'affirmation existentielle, qui, selon Mohler, explique pourquoi le fascisme « manque d'un système préconçu, qui explique tout dogmatiquement et de façon livresque ». Dans ce caractère immanent, intime, individuel de la révolution que le fasciste accomplit avant tout, et qui l'anime, se manifeste une attitude intérieure, un comportement, ainsi qu'une dignité et une noblesse particulières, que l'on n'atteint qu'à travers une catharsis intérieure.

En conclusion, on peut dire que si l'interprétation de Mohler peut paraître, à certains points, forcée, elle a le mérite de ne pas réduire l'expérience et le phénomène en question à quelque chose d'accidentel, de contingent ou de relégué à une appartenance partisane, à une doctrine politique ou économique. Au contraire, elle le place à un niveau plus profond et constitutif, c'est-à-dire dans ce qui, chez l'individu, est en communication avec la sphère de l'être.

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newsnet 2025-07-30 #15015
« En résumé, disons que les fascistes n'éprouvent en réalité aucun problème à s'adapter aux incohérences de la théorie, car ils se comprennent entre eux selon une voie plus directe: celle du style. »
Mohler, explique pourquoi le fascisme « manque d'un système préconçu, qui explique tout dogmatiquement et de façon livresque ».

exact,
un démon (au sens psychopathologique) repose sur du vide