04/08/2025 francesoir.fr  9min #286245

Thomas Durand, alias Teb (1) condamné en appel : un « Mr. tout le monde » face à la justice numérique

Le Collectif Citoyen, France-Soir

Thomas Durand, alias TEB (1) condamné en appel : un « Mr. tout le monde » face à la justice numérique

Capture d'écran TEB

L'illusion de la grandeur numérique - dans la chanson « Mr. tout le monde », le groupe Hocus Pocus dépeint l'homme ordinaire, celui qui rêve de briller à la téléréalité mais qui reste ancré dans la banalité de la réalité. Youtubeur et sceptique autoproclamé, Thomas Durand pensait avoir transcendé ce statut. Avec son audience en ligne, il se croyait intouchable : un justicier du web dénonçant ce qu'il jugeait absurde selon ses opinions. Halte là ! Dans son arrêt du 29 juillet 2025, la Cour d'appel de Montpellier l'a ramené à sa condition de Mr. Tout le Monde : un citoyen ordinaire. Elle l'a condamné pour injure publique à une amende de 1.000 euros sans sursis et à 500 euros de dommages et intérêts à Annie Lobe, la victime de ses propos diffamatoires. Cette affaire est au cœur de l'ère numérique. En effet, elle révèle les dangers d'une liberté d'expression mal maîtrisée, et elle interroge sur « le rôle des plateformes comme YouTube ou X dans la régulation des discours toxiques, tels que le hashtag #francesoirfaitdelamerde, lancé par un certain Me Eolas qui porte atteinte à la personnalité morale et à l'image d'un média comme France-Soir », selon un juriste.

Thomas Durand : le faux prophète de l'esprit critique avec un égo dopé aux likes

Autoproclamé « directeur scientifique » de l'Association pour la Science et la Transmission de l'Esprit Critique (ASTEC), Thomas Durand s'est forgé une notoriété en critiquant des figures, comme Annie Lobe, au motif qu'il démonterait selon ses opinions les pseudosciences. Il a accumulé plusieurs dizaines de millions de vues sur YouTube. Il croit qu'il éclaire les foules, qu'il est le phare dans la nuit, mais ses mots sont semble-t-il uniquement du bruit.

Ses vidéos publiées entre janvier et février 2023, publiées sur YouTube, ont franchi la ligne rouge de l'injure publique, définie par l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 comme un propos portant atteinte à l'honneur ou à la considération. Durand croyait que les vues et les abonnés le plaçaient au-dessus des lois.

Comme le Mr. tout le monde de Hocus Pocus, aurait-il confondu notoriété numérique avec immunité, oubliant que derrière l'écran, il n'est qu'un citoyen soumis au droit ?

En qualifiant les propos d'Annie Lobe de « merdiques » et « toxiques », la Cour a tranché : ses propos, qualifiés d'injurieux, n'étaient pas une critique légitime, mais une attaque personnelle visant à humilier.

Résultat ? Une condamnation sans sursis cette fois et l'obligation de supprimer les vidéos incriminées, sous peine d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Les conséquences juridiques : l'injure publique sous haute surveillance

L'affaire Durand illustre la rigueur du cadre légal français face aux abus de la liberté d'expression. L'article 33 de la loi de 1881 punit l'injure publique d'une amende pouvant atteindre 12 000 euros, une sanction que Durand a frôlée. Même si l'application de ce cadre légal reste parfois inégale d'un tribunal à l'autre dans l'évaluation des propos.

La décision de la Cour, confirmant le jugement du 7 novembre 2024, montre que les tribunaux ne tolèrent pas et ne devraient pas tolérer les attaques personnelles sous couvert de critique, surtout dans un contexte numérique où les propos se propagent rapidement et causent des dommages durables.

Le fait que Durand ait été condamné à indemniser Annie Lobe pour son préjudice moral (500 euros) souligne que l'injure n'est pas qu'une question de mots : elle a des conséquences humaines, financières et judiciaires. Durand doit aussi

« supprimer à ses frais les vidéos contenant les passages injurieux reproduits dans la prévention et ce sous peine d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard ».

Cette affaire rappelle à tous les créateurs de contenu, qu'ils soient youtubeurs ou simples utilisateurs de X, que la liberté d'expression s'arrête là où commence l'atteinte à la dignité d'autrui. Notamment quand les propos tenus sont diffamatoires, y compris à l'endroit d'une personne que la société a jetée au ban de l'infamie. Ainsi, certes, on peut traiter de « criminel » une personne reconnue coupable d'un crime, mais on enfreint la loi si on utilise à son endroit des propos dégradants par nature que sont les injures « ordure », « pourriture », « salaud », etc.), autrement qu'en incriminant directement les faits qui matérialisent le crime dont elle a été reconnue coupable.

Sophismes et attaques en toc illustrent un opportunisme sans éthique

Durand excelle dans les raisonnements tordus. « Il te dit que t'es irrationnel, mais c'est lui qui inverse la logique » déclare un internaute qui a étudié ses dérives. Sa défense repose sur un sophisme d'appel à l'autorité : avec son doctorat, il se croit au-dessus des lois. Il critique Annie Lobe sans preuves précises, lançant des invectives générales, puis il accuse ses détracteurs de le harceler quand ils réagissent – une inversion accusatoire flagrante.

Ces incidents révèlent un Durand plus préoccupé par sa notoriété que par l'éthique qu'il prône. D'ailleurs, son ego parait sans limites. Et, il allait même jusqu'à vendre des vêtements pour bébés avec une inscription ambiguë « j'aime la TEB », ce qui contraste violemment avec son discours zététique sur l'esprit critique.

Cela suggère une hypocrisie : alors qu'il critique les autres pour leurs biais, il exploite son image sans égard pour les implications morales. Sa condamnation actuelle, fruit de mots mal choisis, aurait pu l'inciter à la prudence, mais son obstination judiciaire et commerciale le montre déconnecté.

Dans sa dernière vidéo , avec une silhouette théâtrale montant vers la Cour de cassation et le texte « Il ne fallait pas dire MERDE » barré, il montre qu'il persiste dans cette provocation. Il se voit en héros persécuté, mais sa confiance aveugle en sa victoire juridique frôle l'absurde.

 pbs.twimg.com
Image publiée par Thomas Durand condamné par la Cour d'Appel de Montpellier pour avoir injurié Mme Lobe

Cet homme, même face à la sanction, préfère dramatiser (« Je ne vais pas pouvoir négocier sur la liberté d'expression ») plutôt que de reconnaître que ses mots ont dépassé les bornes. Cela trahit un manque flagrant de retenue. Cependant, la Cour a bien noté que ses remarques visaient la personne, pas les idées, invalidant son prétendu esprit critique.

Le civisme numérique : une urgence face à la toxicité en ligne

L'histoire de Thomas Durand met en lumière un problème plus large : le manque de civisme numérique. À l'ère des réseaux sociaux, où chacun peut devenir un Mr. tout le monde avec une audience, la tentation est grande de céder à la provocation ou à l'insulte pour attirer l'attention.

Les paroles de la chanson « Mr. tout le monde » résonnent en ce sens : derrière les écrans, on cherche à se démarquer, à être vu, mais à quel prix ? Les propos injurieux, comme ceux de Durand, ou les hashtags malveillants, comme ceux que l'on peut voir éclore sur les réseaux sociaux #francesoirfaitdelamerde, ne sont pas de simples éclats de voix numériques. Ils blessent, divisent et, « dans le cas de médias comme France-Soir, portent atteinte à leur personnalité morale, c'est-à-dire à leur réputation et leur crédibilité en tant qu'entité juridique et en tant que média » explique le juriste.

Ces comportements sapent le débat public. Ils transforment les plateformes en arènes de dénigrement, en lieu et place de l'espace d'échange constructif qu'elles devraient être en tant que support des « réseaux sociaux », dénomination originelle qu'on leur impute encore aujourd'hui à tort, donc, de ce fait, dans ce domaine précis.

Le rôle des réseaux sociaux : tolérer ou réguler ?

Les réseaux sociaux X, Youtube, Facebook, BlueSky, comme plateformes, jouent un rôle crucial dans la gestion des contenus toxiques. Le hashtag #francesoirfaitdelamerde pourrait-il être considéré comme une injure publique envers une personne morale ou une marque, France-Soir en l'occurrence. Selon la jurisprudence française, une personne morale peut être victime d'injure ou de diffamation si les propos visent à ternir son image ou sa réputation. En laissant circuler de tels hashtags, ces réseaux sociaux risquent de se rendre complices d'une atteinte à la personnalité morale d'un média, surtout si ces contenus sont signalés sans être retirés.

Les plateformes doivent assumer leur responsabilité en modérant proactivement les discours qui franchissent la ligne de l'injure, comme l'a fait la justice avec Durand. Tolérer ces contenus, c'est encourager une culture de la haine en ligne, où Mr. tout le monde peut attaquer sans conséquence, sauf à ce que la justice intervienne. Or, trop nombreux que sont les propos diffamatoires sur la toile, la justice ne peut pas intervenir à chaque fois. Elle se voit contrainte d'intervenir selon des priorités qui dès lors sont immanquablement taxées d'être non pas les priorités de la justice, mais les priorités du pouvoir en place « et de ceux qui tirent les ficelles en coulisses. »

Et, ceci tant s'agissant de l'auteur des propos diffamatoires que de la personne visées par ceux-ci : « Pourquoi pour des propos similaires tenus contre telle ou telle personne, la justice poursuit ou ne poursuit pas l'auteur de ces propos ? Est-ce dû aux particularités de l'auteur (statut social, spécificités religieuses, ethniques, politiques, culturelles, sexuelles ou autres) ? Ou est-ce dû aux particularités de la personne victime ? »

Ce questionnement légitime entretient le climat de conflit permanent qui sévit sur internet. Ce clivage communautaire qui vire à l'affrontement belliqueux à la moindre occasion dorénavant, notoirement entretenu qu'il est par un discours étatique qui stigmatise en permanence les opinions exprimées publiquement, qui diffèrent du positionnement officiel que les autorités (politiques, sanitaires, économiques et Cie) veulent imposer au peuple comme étant « LA » vérité.

Un aveuglement narcissique et appel à la responsabilité numérique

Thomas Durand, comme le « Mr. tout le monde » de Hocus Pocus, a cru que l'écran le protégeait. La Cour d'appel de Montpellier lui a prouvé le contraire. Son cas est un avertissement cinglant pour tous ceux qui, dans l'anonymat ou la lumière des réseaux sociaux, pensent que l'injure est sans conséquence. Il adopte une attitude de résistance théâtrale, se posant en martyr de la liberté d'expression. Cette posture, combinée à une mise en scène grandiloquente et à une absence d'autocritique, le rapproche du « Mr tout le monde » : un homme banal qui s'illusionne sur sa stature, chantant sans que son micro ne capte rien de pertinent. Sans oublier l'éternel appel à la collecte financière pour monétiser son traffic.

La liberté d'expression est précieuse, mais elle exige du civisme. Les plateformes doivent cesser de fermer les yeux sur des contenus injurieux, comme #francesoirfaitdelamerde, qui nuisent à la dignité des individus et des organisations.

En 2025, il est temps que Mr. tout le monde apprenne à respecter les règles du jeu numérique, sous peine de finir, comme Durand, face à la justice. Car, derrière les clics et les hashtags, il y a des lois, des victimes et une société qui mérite mieux que la surenchère de la haine.

L'horizon juridique de celui qui voulait éclairer par ces croyances transformées en rhétoriques semble s'obscurcir, puisque d'autres procédures le visant sont en cours.

Sur X,  les créations musicales assistées par IA fleurissent.

1) la Tronche en biais

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