Xavier Azalbert, France-Soir
Une plongée dans la psychologie d'un président « hors normes », analyse de Michel Fize sur Emmanuel Macron
DR
Michel Fize, sociologue, politologue, ancien chercheur au CNRS, ancien élu municipal et régional, et défenseur de la cause animale, est l'auteur de nombreux ouvrages, notamment sur l'adolescence. Dans son dernier livre, Un président a-normal : essai sur la mégalothymia d'Emmanuel Macron (Éditions Perspectives Libres, novembre 2024) dont une réédition augmentée vient de sortir, il propose une analyse inédite de la personnalité d'Emmanuel Macron, Président de la République française.
À travers divers entretiens – dont celui avec Jean-François Gross pour son livre, Fize développe une réflexion croisée entre psychologie et politique, centrée sur le concept de « mégalothymia ». Les principaux axes de son analyse, sont explorés dans cet article en s'appuyant sur ces entretiens et en intégrant, lorsque pertinent, les perspectives complémentaires offertes par des articles et une interview publiés dans France-Soir.
Michel Fize et les origines de « Un président a-normal »
Michel Fize est un intellectuel dont le parcours académique s'est largement concentré sur l'étude de l'adolescence, un thème exploré dans une dizaine d'ouvrages. Cette expertise en sociologie et en psychologie des comportements juvéniles a influencé son regard sur Emmanuel Macron, qu'il perçoit comme un individu aux traits « adolescents attardés ».
Dans son entretien avec Jean-François Gross, Fize explique que l'idée de cet ouvrage est née de « réminiscences inconscientes » liées à son intérêt pour les comportements adolescents, réveillées par les attitudes de Macron, marquées par une puérilité, une arrogance, une quête de toute-puissance et une tendance à la transgression. Ces caractéristiques, souvent associées à l'adolescence, ont conduit Fize à s'intéresser à la psychologie de ce président controversé.
Fize précise que son intérêt ne se limite pas à une curiosité psychologique. Il évoque un « effet-repoussoir » : les valeurs d'égocentrisme, de manipulation, d'exhibitionnisme et d'arrogance qu'il attribue à Macron s'opposent radicalement à ses propres principes, issus d'une éducation chrétienne prônant l'humilité, la sincérité et l'altruisme. Cet écart moral et comportemental l'a motivé à explorer l'univers mental d'un personnage politique qu'il juge « inédit en France ». Son ouvrage se distingue des analyses classiques en croisant le prisme psychologique avec le politique, posant l'hypothèse que chez Macron, « tout est mental » : ses choix politiques seraient avant tout dictés par sa psychologie.
La mégalothymia, un concept clé pour comprendre Macron
Au cœur de l'analyse de Fize se trouve le concept de « mégalothymia », emprunté à l'historien américain Francis Fukuyama (« La Fin de l'Histoire », 1992). Fize définit la mégalothymia comme un « besoin irrésistible de voir reconnue sa supériorité sur les autres », une forme de super-mégalomanie. Contrairement à la mégalomanie classique, qui se limite à une affirmation exagérée de soi, la mégalothymia implique une quête constante de validation extérieure, où l'individu cherche à se positionner comme supérieur à « tous ceux qui ne sont pas lui ». Ce trait, selon Fize, est au centre de la personnalité d'Emmanuel Macron et explique ses comportements, ses discours et ses décisions politiques.
Fize illustre cette mégalothymia par une série de citations et d'actions emblématiques du président. Par exemple, des phrases comme « une gare, c'est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien » ou « je traverse la rue et je vous trouve un travail » traduisent, selon lui, un mépris pour autrui et une volonté de se placer au-dessus des autres. De même, l'insistance de Macron à prononcer un discours politique à l'intérieur de Notre-Dame en décembre 2024, en violation des principes de laïcité, ou sa revendication d'avoir « réussi » les Jeux olympiques et la reconstruction de Notre-Dame contre l'avis général, témoignent de ce besoin de prouver sa supériorité.
Fize souligne aussi que cette mégalothymia s'accompagne d'une incapacité à reconnaître ses erreurs. Lors de son discours sur la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024, Macron n'a pas exprimé de véritable mea culpa, affirmant simplement que sa décision « n'a pas été comprise ». Pour Fize, cette absence de remords ou de culpabilité est symptomatique d'un individu enfermé dans une logique narcissique, où autrui n'existe que comme un miroir de sa propre grandeur.
Une personnalité marquée par un complexe d'infériorité et un possible traumatisme
Fize s'appuie sur des analyses psychologiques existantes, notamment celle du psychiatre italien Adriano Ségatori (2017), qui attribue les comportements de Macron à un possible traumatisme adolescent lié à sa relation avec Brigitte Trogneux, sa professeure de théâtre, de 24 ans son aînée. Selon Ségatori, cette liaison aurait généré un « sentiment de toute-puissance infantile » et un narcissisme malveillant, marqués par une absence de limites, une ambition démesurée et un besoin constant d'admiration pour compenser un complexe d'infériorité. Fize, tout en restant prudent sur ces diagnostics psychiatriques, reconnaît que cette relation a pu jouer un rôle dans la construction psychologique de Macron, notamment dans son rapport complexe aux femmes, illustré par ses tensions avec Marine Le Pen, qu'il percevrait comme une figure antagoniste à son image de « mère nourricière ».
Fize évoque également un complexe d'infériorité sous-jacent, peut-être lié à des échecs personnels, comme celui de l'École normale supérieure, qui aurait laissé une « cicatrice profonde ». Ce sentiment d'infériorité alimenterait, selon lui, la mégalothymia de Macron, qui chercherait à compenser par une affirmation constante de sa supériorité.
Cette hypothèse est renforcée par des comportements théâtraux, comme ses mises en scène lors de la commémoration du débarquement en Normandie ou de la réouverture de Notre-Dame, où il se positionne au centre de l'attention, tel un acteur sur la scène mondiale.
Une relation problématique avec autrui et la réalité
Un autre aspect central de l'analyse de Fize est l'incapacité d'Emmanuel Macron à établir des relations authentiques avec autrui. Fize affirme que Macron « n'aime ni la France ni les Français », non par malveillance, mais parce qu'il est « enfermé dans un moi qui lui mange les entrailles ». Autrui, pour Macron, n'existerait que comme un instrument ou un faire-valoir, un miroir destiné à refléter sa propre grandeur. Cette absence de relation véritable se manifeste dans son mépris pour les corps intermédiaires, son refus de la concertation et son incapacité à dialoguer avec ceux qui contestent sa supériorité.
Fize souligne également un détachement de la réalité sociale. Lors de la clôture des Jeux olympiques de 2024, Macron a déclaré que « la vraie vie, c'est ce qu'on a vécu pendant les JO », une affirmation déconnectée des crises économiques, sociales et politiques qui secouent la France (dette publique de 3 200 milliards d'euros, mouvement des gilets jaunes, faillites d'entreprises). Pour Fize, Macron vit dans une « réalité psychologique » qui l'isole des réalités sociales et économiques, le rendant incapable de reconnaître ses échecs, qu'il attribue systématiquement à des forces extérieures (crise des gilets jaunes, COVID-19, guerre en Ukraine) ou à l'incompréhension des Français.
Les risques d'une présidence mégalothymique
Fize met en garde contre les dangers d'une telle personnalité à la tête de l'État. Reprenant les conclusions de Ségatori, il note que la mégalothymia, combinée à des traits narcissiques et autoritaires, peut rendre Macron « dangereux » pour la société française, non par une folie clinique, mais par un fonctionnement psychologique qui le pousse à des décisions impulsives et à une quête de pouvoir absolu. Cette idée est renforcée par l'hypothèse d'un possible recours à l'article 16 de la Constitution, qui confère au président des pouvoirs exceptionnels en cas de crise grave. Fize souligne que cet article, utilisé par de Gaulle en 1961 dans des conditions contestables, pourrait être activé par Macron dans un contexte de blocage politique, ce qui équivaudrait à une « dictature temporaire ».
Les articles de France-Soir (« Je suis malade » et « Macron a-t-il aussi rendu malade ses concitoyens ? ») complètent cette analyse en explorant l'impact de la présidence de Macron sur la société française. Le premier article, signé par Xavier Azalbert, suggère que les comportements de Macron, qualifiés de « pathologiques » par certains experts, reflètent une forme de « maladie mentale » qui se manifeste dans ses décisions erratiques, comme la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024. Le second article va plus loin, affirmant que les politiques de Macron, marquées par une « maltraitance institutionnelle » (notamment lors de la crise du COVID-19), ont eu un effet délétère sur la santé mentale des Français, exacerbant les tensions sociales et la défiance envers les institutions. Ces analyses convergent avec celle de Fize, qui voit dans la mégalothymia de Macron une source de désordre politique et social.
Une critique politique du macronisme - L'analyse psychologique de Fize trouve un écho dans l'interview, en mai 2020, de Chris Bickerton, professeur de politique à l'université de Cambridge, (« Le macronisme n'est pas encore la réponse aux problèmes »). Bickerton critique le macronisme comme un projet hyper-personnalisé, centré sur la figure « jupitérienne » de Macron, qui cherche à transformer la France et l'Europe mais échoue à maintenir un consensus social. Il pointe la déconnexion de Macron avec les classes populaires, illustrée par le mouvement des gilets jaunes, et sa gestion mitigée de la crise du COVID-19, qui n'a pas renforcé son leadership contrairement à d'autres dirigeants européens. Cette perspective politique complète la thèse de Fize : la mégalothymia de Macron, qui le pousse à se placer au-dessus des autres, se traduit par un pouvoir vertical et autoritaire, incapable de répondre aux attentes des Français et aggravant les fractures sociales.
Perspectives et limites du changement
Fize se montre pessimiste quant à la capacité de Macron à changer. Dans l'entretien avec Gross, il cite Nietzsche : « Il faut se perdre de vue pour un temps si l'on veut apprendre quelque chose des êtres que nous ne sommes pas nous-mêmes. » Or, Macron semble incapable de sortir de son « corset cérébral ». Ses tentatives de mea culpa, comme après la crise des gilets jaunes, restent superficielles, car il ne peut admettre ses erreurs sans remettre en question sa supériorité.
Cette rigidité psychologique, selon Fize, rend la démission impensable pour Macron, qui se voit comme le « maître des horloges », déterminé à aller au bout de son mandat, voire à envisager des scénarios pour prolonger son influence (par exemple, via l'article 16 ou une ambition européenne post-mandat).
Fize nuance son propos en reconnaissant les limites des grilles psychologiques. Il cite Freud pour rappeler que les types psychologiques « purs » (psychopathe, pervers narcissique, psychorigide) sont rares, et que Macron présente un mélange de traits, dominé par un « type libidinal narcissique » avec des éléments obsessionnels. Il met également en garde contre le risque de réduire l'individu à un déterminisme psychologique, soulignant que le libre arbitre reste possible, même si Macron semble incapable de l'exercer en raison de son enfermement dans la mégalothymia.
L'analyse de Michel Fize dans « Un président a-normal » offre une lecture originale et provocante de la personnalité d'Emmanuel Macron, en croisant psychologie et politique autour du concept de mégalothymia. En décrivant un président prisonnier d'un besoin irrépressible de supériorité, incapable de relations authentiques avec autrui et détaché de la réalité sociale, Fize met en lumière les ressorts profonds d'un pouvoir qui, selon lui, frôle le danger pour la démocratie française. Les entretiens et les articles de France-Soir, complétés par l'interview de Chris Bickerton du 8 mai 2020, soulignent l'impact de cette psychologie sur la société, marquée par une défiance croissante et des crises à répétition.Si Fize reste prudent sur les diagnostics psychiatriques, son ouvrage, enrichi par la perspective politique de Bickerton, invite à réfléchir aux implications d'une présidence dominée par un ego surdimensionné, dans un contexte politique déjà fragilisé. Alors que Macron semble déterminé à « durer », l'avenir de sa présidence, selon Fize, dépendra moins de stratégies politiques que de son incapacité à sortir de son propre enfermement psychologique.
Un président A-normal est disponible sur amazon.