L'état hypnotique de celui qui fait semblant de comprendre représente 95% (on va dire) des situations.
On appelle vérité de situation le moment où les croyances induites par le langage, mais aussi et surtout par ce qui est induit par le langage, sont abruptement contredites par les faits, qui paraissent surprenants et inconcevables (à celui qui suit une logique syntaxique).
À leur tour, les vérités inconcevables sont le produit de la logique des faits. Les faits à eux seuls ne véhiculent aucune information. Un missile lancé, une déclaration tonitruante, la photo d'un enfant mort de faim. Le fait en soi veut tout dire de manière suffisante. Mais l'histoire qu'il y a derrière donne toute sa signification au fait.
Il résulte de cela que la volonté, construite sur les idées hypnotiques qui se dégagent des faits, n'arrivent pas à être rattachée à la réalité. La réalité échappe à ceux qui ont une vision inachevée de la réalité.
La question qu'il faut alors se demander, devant une volonté, est : "Pourquoi ?". Que veux-tu faire, que crois-tu, comment s'articule la logique que tu présupposes ? Quel est le but, et aussi, quel est le but derrière le but ?
En l'absence de réponses précises et recherchées, l'erreur est de confier ces lacunes à l'évidence. Et c'est là que se joue la désinformation. Elle n'est pas fabriquée, elle est inventée par les gens eux-mêmes, pour remplir des vides qui sont majoritaires dans l'information.
La désinformation est construite par ce qu'il y autour de l'information, bien qu'elle soit en elle-même cruellement défaillante. C'est une construction psychologique qui rend logique l'existence de l'information. Une pure invention, qui est stimulée par l'implicite. Il suffit de dire "tomate" et la réaction des gens est celle qui a été programmée en amont.
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La société actuelle, une dictature hallucinée, est caractérisée par l'absence de questionnement sur la raison des faits. En tout état de cause, le silence est la réponse qui engendre le moins de problèmes, quand bien même on est en train de souffrir de la situation. La réaction de défense la plus primitive face à l'incohérence d'une situation, est de briser le silence. Le silence qui est brisé est celui de la fausse-évidence, dans laquelle se cache les failles du raisonnement.
On parle vraiment de "briser" parce que le silence est un mur. Grâce à ce qui est absent dans les raisons d'agir, s'instaure une fausse impression que l'auteur des actes sait ce qu'il fait. Qu'il n'a pas besoin de l'expliquer tant c'est évident. Celui qui subit les faits, en plus de cela, est accusé - sans dire un mot - d'être trop stupide pour ne pas comprendre pourquoi il subit les faits. Ce qui l'assomme, c'est le silence.
En face de nous on a des personnes, des responsables, à qui on peut poser la question, du moins essayer de creuser un peu, en cherchant une bribe d'humanité. Mais on n'en trouve pas, car ils se terrent dans une forme de dédain qui prétend relever d'un connaissance supérieure inaccessible. C'est cela, le pouvoir. C'est ce qui écrase sans raison.
Pour eux-mêmes, vis-à-vis de leur propre hiérarchie, c'est le même problème : s'ils posent des questions, ils ont l'air ridicules et perdent la confiance de leurs supérieurs, parce qu'ils ne comprennent pas l'essence du pouvoir. Alors on obtient un "c'est comme ça, je n'y peux rien, je ne fais qu'exécuter les ordres". Trop facile. Même au plus haut niveau de l'état ils ne font qu'exécuter des ordres. Même au plus haut niveau de la hiérarchie planétaire ils ne font qu'agir de façon déterministe et aveugle. Mais tout le monde doit-il en faire autant ? N'y a-t-il pas un intérêt à l'humanité ? Peut-on enfin briser le silence ? Creuser dans l'inconnu, et jeter la lumière sur le vide dont il est fait ?
Ce qui caractérise le plus une dictature hallucinée est de n'avoir personne en face à qui poser les questions sur les raisons des actes odieux. Il est même parfois difficile de prouver qu'un acte est odieux devant un tel silence, quand les décisions sont prises sans aucun argument, ou en prenant appui sur des raisons factices.
Les raisons factices servent à faire taire, à donner une réponse sensée être satisfaisante, et à plonger dans une perplexité qui permet de temporiser la réaction au crime qui est commit, par l'état, ou une structure de la dictature, que sont les entreprises.
Alors, la recherche de réponses vient de l'étude. Et un jour, très vite, le niveau de connaissance permet de largement rivaliser avec les supposées raisons d'agir stupidement des politiciens.
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Le sujet qui nous occupe ici est très simple et très clair. On peut lui donner un nom court pour qu'il ait une identité reconnaissable : le Up and down. Qu'est-ce que cela veut dire ? Il y a l'information qui va du haut vers le bas, et celle qui va du bas vers le haut.
L'information qui va du haut vers le bas est majoritaire. Elle consiste à se fier à ce qui est connu, même si c'est une connaissance réservée aux initiés, de cette connaissance résulte une façon d'organiser la réalité. C'est le chemin du connu vers le vécu. C'est le connu qui détermine ce qui doit être vécu. Le connu préempte sur le vécu. Le vécu se doit de correspondre au connu. Peu importe ce que pense le vécu, de toutes manières il doit s'y faire. Et après tout c'est comme cela que ça marche. On utilise l'argent, le principe du commerce, pour que d'autres ponctionnent de la valeur pour qu'ils puisse se sucrer au passage. C'est la règle. Ou alors on découvre des Aztèques et des Incas, et on leur dit comment ils doivent vivre, parce que sinon le connu serait perturbé. C'est pareil : le connu préempte sur la réalité.
L'information qui va du bas vers le haut est celle qui relate les besoins et la façon dont on peut y répondre, indépendamment des moyens d'accomplir cette satisfaction des besoins. Le plus souvent ce champ concerne les blocages, qui empêchent les choses d'être faites comme on aimerait qu'elles le soient. Il consiste à creuser les mécaniques et les règles, découvrir les lois et la science qui permet d'accomplir ce qui est requit. C'est la voie de l'humanité. Ce cheminement est extrêmement minoritaire dans notre monde. Il doit surmonter les obstacles de la raison piégée par le vide.
Ce concept de Up and down est particulièrement efficace en ce qui concerne la gnoséologie. Ici on parle de science, et de science de la connaissance. Cela s'applique au langage, aux croyances, et à la psychologie comportementale.
Pour partir d'un exemple trivial, il y a deux manières d'apprendre une langue : en partant de l'écrit vers l'oral, et de l'oral vers l'écrit. Y compris dans notre langue natale, ceux qui partent de l'écrit ont une très bonne orthographe, et peut-être du mal à entendre certains mots, quand ils ne savent pas les orthographier. Ceux qui partent de l'oral ont une meilleure écoute, bien que l'orthographe leur paraisse inutilement protocolaire. Mais elle ne l'est pas inutilement, l'écrit permet d'introduire des nuances de sens qui à leur tour permettent de véhiculer des idées profondes et exactes, ce qui n'est pas facile avec un langage qui utilise souvent les mêmes mots, ou sons, pour tant de significations totalement différentes. Une personne qui écoute les sons apprend bien plus vite les langues.
Ainsi le protocole a son intérêt, mais pas moins que l'expression, qui elle se dote en plus d'une prosodie, qui est tout un langage en soi.
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L'autre exemple est celui de l'apprentissage, et de ce qui différencie l'enseignant du savant. Un enseignant est hermétique à l'enseignement, mais le savant est avide d'apprendre. Pour recevoir un enseignement il faut oublier ce qu'on sait, et se mettre ne situation de croire sans esprit critique ce qui demande à être assimilé. C'est très difficile pour un savant d'écouter un enseignant. Il pose sans cesse des questions et se construit des tableaux d'ensemble sans cesse remodelés. On doit avoir assez confiance en l'enseignant pour que les connaissances qu'il nous inculquent s'emboitent plus tard les unes dans les autres afin de produire une compréhension véritable et globale. Mais le problème est que cette confiance est usurpée, et qu'à aucun moment ne se produit le déclic qui rend utile ou heureux le fait d'acquérir des connaissances strictes. On ne peut être heureux d'acquérir des connaissances que si elles rentrent dans un cadre qui est unitaire et complet. Le fait que les données acquises le soient par le biais des émotions rend l'apprentissage éminemment plus facile et rapide (c'est démontré).
C'est à dire qu'en partant d'un besoin, ancré dans la réalité, on a plaisir à acquérir des connaissances, mais en partant d'en haut, pour le plaisir d'avoir des connaissances dont on n'a pas usage, on a du mal à en établir le sens profond et philosophique, la logique, la structure, les contradictions et les parallèles, au point que des connaissances partielles ou même simplement stupides peuvent être acquises sans que cela ne soit interrogé. C'est ainsi qu'on a pu faire croire aux gens pendant un siècle que les vaccins étaient un facteur positif de la disparition de virus, alors que c'était surtout dû à l'hygiène. Et on ne parle même pas encore d'hygiène mentale.
Les personnes formées à subir la connaissance n'apprennent plus rien par elles-mêmes, tandis que les personnes formées à chercher à comprendre les choses, ne cessent de les remettre en question.
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Les personnes les plus horribles que nous rencontrons sont celles qui bâtissent des raisonnements sur des mots-creux. Elles ne peuvent franchir la barrière des apparences et n'accède à la réalité que par le biais de stéréotypes. Ces stéréotypes déclenche chez elles des réactions programmées, et en se croyant plus fortes que tout le monde elles essaient de faire des combinaisons et des réactions chimiques entre des stéréotypes. Sans doute pour accentuer un dégoût ou d'autres fois pour décrédibiliser un concept. On les voit sur Tiktok : "Que pensez-vous des Stéréotypes 1 qui sont des Stéréotypes 2 ?". On les voit dans la presse, et très souvent par mégarde au détour d'une réflexion qui se perd.
Le fait est que bâtir une logique avec, non pas des briques mais des objets, c'est à dire, non pas des fonctionnements mais des jugements, issus du remplissage du vide par des présupposés, ne conduit qu'à assommer, écraser, culpabiliser et dominer des gens de façon massive et statistique. Et c'est impossible de répondre à cela sans changer de façon de penser. Ce sont comme des exercices puériles d'une psychologie attardée qui tente de prouver sa propre inanité. (Ce que fait cette remarque)
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Les exercices à faire sur la valeur Up and down d'une connaissance concernent la plupart des mots et des idées courantes. À chaque fois il faut se demander ce que signifie vraiment, conceptuellement, le mot qu'on est en train d'employer. Et là on touche à la linguistique.
Les bureaux parisiens - ou qui se croient parisiens pour bien faire - sont contaminés jusqu'au plus haut degrés d'un vocabulaire aussi inapproprié qu'obscur, tels que "optimiser", "reconsidérer", "recentrer", etc. (je ne suis pas coutumier de ce vocabulaire). Ce sont des ellipses qui ont pour vocation d'éluder de façon grotesque des actions qui sont pourtant crues et brutales ; comme si cela les autorisait à accomplir ces méfaits.
Les mots perdent leur sens originel, ou souvent sont aussi dilués dans une signification de moindre importance. Si on utilise des mots grandiloquents pour des choses banales, tels que "maîtrise", "ingénierie", (etc.) ne laissant plus de place pour ce qui est vraiment remarquable. Et au contraire, dans l'actu, on érode le sens de mots véritablement critiques, pour en faire des mots communs, ce qui a pour effet, évidemment, de ne plus pouvoir nommer les phénomènes véritablement critiques. Ainsi en va-t-il de "propagande", qui est un crime d'une extrême gravité, utilisé dans l'expression "propagande électorale", pour dire "publicité".
On a même des stages d'une semaine qui s'appellent des "cursus", et qui produisent des "diplômes". On dit que les mots sont glissants et que c'est un trait des langues vivantes, mais là ils sont un peu trop glissants, dans la mesure où on n'ose jamais dire les choses correctement et exactement comme elles le sont en réalité. Il y a toujours une espèce de honte, ou de besoin de frimer dont on déleste la responsabilité de l'utilisateur final puisque c'est la communauté dans son ensemble qui a décidé d'employer ce vocabulaire.
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Ne pas appeler les choses par leur nom n'est pas anecdotique. C'est rigoureusement satanique. Le sens de ce mot appartient à ce qui n'est pas correctement définit et qui, dès lors qu'il n'est pas correctement défini, peut agir dans l'ombre et générer des symptômes dont on n'arrive pas à isoler la cause première. Il en résulte un fatalisme devant cet échec perpétuel et un abandon de tout espoir d'y parvenir.
Dans cette société de con-sommation (/jeu de mots) énormément de place est réservée aux noms propres, qui s'approprient une parcelle du terrain des mots de concepts. Ainsi on dit Coca-Cola au lieu de eau sucré colorée et gazéifiée au Co2, un gaz neutre et sans effet sur la météo, faut-il préciser. Le Ketchup c'est du jus de tomate sucrée. Quelles tomates, quel sucre ? En voilà une question.
Les mots qui en supplantent d'autres dissimulent merveilleusement la nature profonde de ces choses. On dit Chewing Gum et non plastique à mâcher. Rouge à lèvres et non graisse de cul de cochon coloré avec des produits chimiques. On dit Bonbon et non graisse de cul de cochon coloré aux produits chimiques avec du sucre.
C'est comme dans Matrix, quand la réalité faite de données réelles apparaît sous forme de lignes de code et qu'on voit la réalité comme elle est. C'est un exercice qu'il faut faire avec tout. Ce que sont les choses en réalité ne sont pas ce qu'elles paraissent. C'est la paresse qui a remplacé la réalité par des illusions mirobolantes, portées par la prosodie des musiques publicitaires et des cravates des politiciens. Mais en réalité ce sont des choses horribles.
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Notes pour les cas d'actu courants :
- Le terme "dermatose contagieuse" qui a justifié l'assassinat de milliers d'individus bovins, a suffit aux policiers pour croire que la maladie était "vraiment contagieuse" alors que la contagion vient des moustiques, d'un animal malade vers un autre qui est sain. Mais cela, ils ne le savent pas et ne se voient pas l'expliquer à leur hiérarchie. Eux, ils croient bien faire, puisque c'est "contagieux".
- Le terme "terroriste" est employé à-tout-va dans le clan sioniste, en parlant des journalistes assassinés et des enfants qui portent des sacs de farines dans lesquels ils soupçonnent que se cachent des armes, alors que c'est eux-mêmes qui les ont distribués. Tout ce qui fait peur au tortionnaire est "terroriste" car il est terrorisé y compris par son ombre. Et il a raison d'avoir peur ; sauf qu'il ne perçoit pas distinctement de quoi il doit avoir peur.
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Là où on veut en venir au final, avec le concept de Up and down, est toutes les fois où on se fait leurrer par la définition officielle d'un mot appliqué à une situation qui ne mérite certainement pas cette appellation. Mais cela n'est pas interrogé, et le mot est utilisé comme un stimuli, un déclencheur d'une réaction programmée ; ou du moins le mot est employé en espérant et en s'attendant à ce qu'il soit le déclencheur d'une réaction programmée. Le propre de la dictature est de s'étonner que les gens ne réagissent pas "normalement" aux réactions programmées et attendues. Ceci est l'ascendance de la définition sur la réalité.
Il se passe la même chose, quand une "fête", une "célébration", une "récompense", une "tradition" est invoquée depuis les instances hiérarchiques et imposée aux peuples. Ce ne sont pas eux qui désirent "fêter" quelque chose qu'ils aiment, de sorte à s'organiser rationnellement et amoureusement pour cela. Ce ne sont pas eux qui "célèbrent" spontanément un anniversaire ou qui "récompensent" une action qui les rend fiers. Non, tout cela leur est imposé, et surtout le plus grave est que tout cela leur est soustrait. C'est comme "forcer quelqu'un à partir poliment", cela lui ôte l'honneur de penser à le faire. Le fait d'être forcé change radicalement le sens de l'action qui est commise. Et ce changement brutal, ce renversement, n'est ni notifié ni reconnu. Pourtant il est subi comme une humiliation. Et c'est aussi cela le propre des dictatures, même hallucinées, c'est d'humilier les gens en leur reprochant quasiment de ne pas avoir pensé par eux-mêmes à se soumettre.
Quand on conceptualise la réalité, qu'on fait usage de ses méninges, qu'on en parle et qu'on fait émuler de nouvelles idées, de nouvelles déterminations et de nouvelles décisions, ceci est le travail des peuples, un travail véritable. C'est le seul moment où le terme de "civilisation" prend son sens. Hormis ce moment de travail en réunion, avec l'approbation de tous et le désir de faire le bien pour tous, il n'y a point de civilisation.
Et pas seulement pour les grands moments, mais pour chaque idée, chaque mot qu'on emploie, chaque remarque qu'on peut faire pour décrire la réalité, il s'agit de se donner la peine, et le temps, de décoder la réalité, la conceptualiser, et la décrire avec des mots qui soient opérationnels et fonctionnels. Il s'agit de prendre le contre-exemple des trolls (et des bots) qui pullulent sur les réseaux sociaux - rendus vindicatifs par les mots qu'ils emploient improprement - en cherchant la mécanique, le fonctionnement, l'articulation, la réalité conceptuelle du sujet qui est abordé, afin de pouvoir le faire en paix, avec soi-même, et ainsi de propager la paix.
La paix réside dans les mots qu'on emploie. En plus, cerise sur le gâteau, à une époque où tout est interdit, les gros-mots, les mots-valises, les mots-accusateurs, les sous-entendus (dont la dictature véhicule la peur qu'ils soient mal interprétés par eux-mêmes), il n'y a pas d'autre remède que de s'exprimer avec des concepts clairs, logiques, indubitables.
Un concept, c'est une logique, une mécanique, un squelette sur lequel se greffent des objets simples, afin d'en former des complexes, et d'en comprendre le fonctionnement, la construction et les évolutions possibles et compatibles. Le concept est ce qui résulte d'une profonde réflexion sur les choses et leur nature. Lorsqu'il apparaît, tout est plus clair. Et le concept dont relève l'absence de capacité à conceptualiser correctement la réalité, est l'état hypnotique de celui qui prétend avoir tout compris mieux que les autres.