02/09/2025 arretsurinfo.ch  12min #289191

Le Pérou et ses matières premières: De l'or inca au pillage mondial moderne - Partie 1

Par  Mauricio Herrera Kahn

Ce n'est pas l'or qui a détruit l'empire inca, mais la soif des hommes pour l'or. La cupidité d'une poignée d'Espagnols a transformé des temples en ruines et des villages en fosses.

L'EXTERMINATION ESPAGNOLE AU PÉROU

Les Espagnols ne sont pas venus pour découvrir quoi que ce soit, ils ne sont pas venus pour dialoguer, ils ne sont pas venus pour coexister, ils sont venus pour exterminer. Ils n'étaient pas des explorateurs, c'étaient des meurtriers arborant un drapeau. Ils n'étaient pas des civilisateurs, c'étaient des esclavagistes médiévaux envoyés par une monarchie en ruine. Ils n'ont pas apporté la science, ils ont apporté les chaînes. Ils n'ont pas apporté la culture, ils ont apporté la mort.

En 1532, Francisco Pizarro entra dans le Tahuantinsuyu (NdT : ensemble des territoires contrôlés par les incas, divisé en quatre parties), accompagné d'environ 168 hommes, 27 chevaux et un petit groupe d'arquebusiers et d'arbalétriers. Lorsqu'ils pénétrèrent dans le Tahuantinsuyu, plus de dix millions de personnes vivaient dans ce qui est aujourd'hui le Pérou. En moins d'un siècle, il n'en restait plus qu'un ou deux millions ; plus de huit ou neuf millions de personnes périrent. Ce fut l'un des génocides les plus vastes, les plus rapides et les plus silencieux de l'histoire.

Quechuas, Aymaras, Chancas, Huancas, Tallanes, Culles, Mochicas, Urus et Chachapoyas périrent. Hommes, femmes, enfants et érudits périrent. Ils moururent de la variole, certes, mais aussi de la torture, de l'esclavage, de la faim imposée, de la pendaison et du viol. Ils moururent en travaillant comme des animaux dans les mines d'or et d'argent. Ils moururent enchaînés, fouettés, crucifiés, jetés dans des ravins, enterrés vivants. Ils moururent parce qu'ils étaient indigènes et que les Espagnols ne les considéraient pas comme des êtres humains.

Les Espagnols violèrent, brûlèrent, pendirent, détruisirent des temples, volèrent des idoles, pillèrent des tombeaux, rasèrent des villages entiers. Ils brûlèrent des codex, assassinèrent la sagesse, mutilèrent des dieux. Ils imposèrent leur dieu au fil de l'épée. Ils transformèrent les corps en biens et la foi en châtiment ; il n'y avait aucune défense possible, aucune trêve. Chaque alliance avec les Espagnols se solda par une trahison, chaque promesse s'accompagna de coups de fouet, chaque messe signifia une croix brûlée dans les flammes.

Ce n'était pas une erreur, c'était un plan, c'était un système, c'était une extermination. Ce n'était pas l'œuvre d'un seul homme, c'était celle d'un empire sanguinaire, de soldats ignorants, illettrés, crasseux, sans foi ni loi et sans âme, qui traversèrent l'océan affamés et trouvèrent des corps à détruire. Ils fondirent les idoles d'or et les envoyèrent en Europe, mais laissèrent les épées ici, gravées dans les mémoires. Éliminant des familles entières, effaçant des langues, réduisant au silence les chants, anéantissant des visions du monde, ils transformèrent le Tahuantinsuyu en camp d'esclaves.

Tandis que l'or voyageait vers Séville, les morts s'accumulaient dans les Andes. Les encomiendas distribuaient les indigènes comme du bétail ; des centaines de milliers de personnes moururent à Potosí, Cajamarca et dans les tunnels de Huancavelica. Il n'existe pas de temple colonial qui ne soit bâti sur des ossements.

L'histoire officielle les appelle « conquistadors », nous les appelons des exterminateurs. L'histoire dit qu'ils ont « évangélisé », nous disons qu'ils ont écrasé. Il ne s'agissait pas d'une rencontre de cultures, mais de l'élimination brutale de l'une d'entre elles.

Les Espagnols l'ont fait et continuent de le faire, sous d'autres noms. Le sang des peuples autochtones survit, mais la dette reste impayée. Cette chronique n'oublie pas, ne pardonne pas, elle accuse.

1 - AVANT 1500

Un monde entier, avant l'extermination

Avant qu'un seul Espagnol ne pose le pied sur cette terre, un monde entier existait déjà. Ce n'était ni le néant, ni le désert, ni la barbarie. C'était le Tahuantinsuyu, un vaste et complexe empire ancien qui unissait la côte, les montagnes et la jungle, du sud actuel de la Colombie au centre du Chili. Un territoire de plus de deux millions de kilomètres carrés, où vivaient plus de dix millions de personnes, dont aucune n'avait besoin du roi d'Espagne pour survivre. Il y avait des routes pavées, une agriculture en terrasses, des canaux d'irrigation, des ouvrages hydrauliques, une architecture en pierre, des observatoires solaires, des lois de réciprocité, une organisation communautaire, une justice collective et une spiritualité sans croix ni enfer.

Cuzco était la capitale, mais pas une tyrannie. Chaque région avait ses sages, ses chefs, ses langues, ses tissages. Des Quechuas et des Aymaras dans les montagnes aux Chachapoyas des hautes terres amazoniennes, en passant par les Mochicas et les Chimu sur la côte, le Pérou préhispanique était une symphonie de cultures vivantes. Ce n'étaient pas des nomades désorganisés ; c'était un peuple doté d'un calendrier lunaire, de cartes célestes, de connaissances médicales, de technologies agricoles et de structures sociales plus avancées que celles de nombreuses villes européennes du XVe siècle.

Les enfants naissaient en communauté, les personnes âgées étaient respectées comme des sages, les femmes jouaient un rôle dans l'économie et la spiritualité. Les récoltes étaient stockées dans des tambos (maisons), les décisions étaient prises en conseils, et la terre appartenait à tous. Personne ne souffrait de la faim, car la logique était celle de la redistribution et non de l'accumulation.

Les peuples autochtones du Pérou n'étaient pas des sauvages ; c'étaient des civilisations aux mythologies complexes, à la céramique de haute qualité, aux textiles d'une précision millimétrique et aux sanctuaires sacrés comme Pachacámac, Sacsayhuamán et Chavín. Leurs langues étaient diverses : quechua, aymara, mochica, uru, culle, muchik, callahuaya et puquina. Leurs dieux n'appelaient pas à la guerre, mais à l'équilibre.

Ils ont commis des erreurs, oui. Ils ont eu des conflits, oui. Mais ils n'avaient pas besoin de navires, de bibles ou d'arquebuses pour exister. Avant 1500, le Pérou n'était pas une colonie ; c'était un continent intérieur, un espace vivant, autonome et épanouissant où les gens vivaient au contact du soleil, de l'eau et des montagnes.

Chiffres de l'extermination humaine - Avant 1500 :

  • Population estimée avant l'invasion espagnole : plus de 10 millions.
  • Principaux groupes ethniques : Quechua, Aymara, Chanca, Huanca, Tallan, Culle, Mochica, Uru, Chachapoya, Mochica-Chimú, entre autres.
  • Décès directs (guerres intertribales et famines antérieures) : pas de données précises, mais un équilibre démographique stable avant 1500.
  • Survie à la fin de la période : population intacte avant l'arrivée des Espagnols, estimée à plus de 10 millions.

Et tout cela fut détruit. Le Pérou préhispanique n'avait nul besoin de rois étrangers ni de contrats signés dans une autre langue, mais en 1532, des voiles blanches apparurent à l'horizon, annonçant avec elles la fin d'un monde. Dans la deuxième partie, le Tahuantinsuyu connaîtra son heure la plus sombre : le siècle d'or, d'argent et de mort qui remplit les navires et vida les villages.

Par  Mauricio Herrera Kahn - - Santiago du Chilli

Mauricio Herrera Kahn, ingénieur civil mécanicien diplômé de l'Universidad Técnica del Estado (UTE) en 1975, possède plus de 45 ans d'expérience dans l'ingénierie et le développement de projets miniers. Il a occupé des postes de directeur général, de directeur de projet et d'ingénieur en chef dans des entreprises nationales et internationales, où il a dirigé des études et l'exécution de projets dans le cadre de la modalité EPCM (ingénierie, approvisionnement et gestion de la construction).

Cet article est aussi disponible en:  Espagnol
Traduction, Evelyn Tischer

Ce n'est pas l'or qui a détruit l'empire inca, mais la soif des hommes pour l'or. La cupidité d'une poignée d'Espagnols a transformé des temples en ruines et des villages en fosses.

L'EXTERMINATION ESPAGNOLE AU PÉROU

Les Espagnols ne sont pas venus pour découvrir quoi que ce soit, ils ne sont pas venus pour dialoguer, ils ne sont pas venus pour coexister, ils sont venus pour exterminer. Ils n'étaient pas des explorateurs, c'étaient des meurtriers arborant un drapeau. Ils n'étaient pas des civilisateurs, c'étaient des esclavagistes médiévaux envoyés par une monarchie en ruine. Ils n'ont pas apporté la science, ils ont apporté les chaînes. Ils n'ont pas apporté la culture, ils ont apporté la mort.

En 1532, Francisco Pizarro entra dans le Tahuantinsuyu (NdT : ensemble des territoires contrôlés par les incas, divisé en quatre parties), accompagné d'environ 168 hommes, 27 chevaux et un petit groupe d'arquebusiers et d'arbalétriers. Lorsqu'ils pénétrèrent dans le Tahuantinsuyu, plus de dix millions de personnes vivaient dans ce qui est aujourd'hui le Pérou. En moins d'un siècle, il n'en restait plus qu'un ou deux millions ; plus de huit ou neuf millions de personnes périrent. Ce fut l'un des génocides les plus vastes, les plus rapides et les plus silencieux de l'histoire.

Quechuas, Aymaras, Chancas, Huancas, Tallanes, Culles, Mochicas, Urus et Chachapoyas périrent. Hommes, femmes, enfants et érudits périrent. Ils moururent de la variole, certes, mais aussi de la torture, de l'esclavage, de la faim imposée, de la pendaison et du viol. Ils moururent en travaillant comme des animaux dans les mines d'or et d'argent. Ils moururent enchaînés, fouettés, crucifiés, jetés dans des ravins, enterrés vivants. Ils moururent parce qu'ils étaient indigènes et que les Espagnols ne les considéraient pas comme des êtres humains.

Les Espagnols violèrent, brûlèrent, pendirent, détruisirent des temples, volèrent des idoles, pillèrent des tombeaux, rasèrent des villages entiers. Ils brûlèrent des codex, assassinèrent la sagesse, mutilèrent des dieux. Ils imposèrent leur dieu au fil de l'épée. Ils transformèrent les corps en biens et la foi en châtiment ; il n'y avait aucune défense possible, aucune trêve. Chaque alliance avec les Espagnols se solda par une trahison, chaque promesse s'accompagna de coups de fouet, chaque messe signifia une croix brûlée dans les flammes.

Ce n'était pas une erreur, c'était un plan, c'était un système, c'était une extermination. Ce n'était pas l'œuvre d'un seul homme, c'était celle d'un empire sanguinaire, de soldats ignorants, illettrés, crasseux, sans foi ni loi et sans âme, qui traversèrent l'océan affamés et trouvèrent des corps à détruire. Ils fondirent les idoles d'or et les envoyèrent en Europe, mais laissèrent les épées ici, gravées dans les mémoires. Éliminant des familles entières, effaçant des langues, réduisant au silence les chants, anéantissant des visions du monde, ils transformèrent le Tahuantinsuyu en camp d'esclaves.

Tandis que l'or voyageait vers Séville, les morts s'accumulaient dans les Andes. Les encomiendas distribuaient les indigènes comme du bétail ; des centaines de milliers de personnes moururent à Potosí, Cajamarca et dans les tunnels de Huancavelica. Il n'existe pas de temple colonial qui ne soit bâti sur des ossements.

L'histoire officielle les appelle « conquistadors », nous les appelons des exterminateurs. L'histoire dit qu'ils ont « évangélisé », nous disons qu'ils ont écrasé. Il ne s'agissait pas d'une rencontre de cultures, mais de l'élimination brutale de l'une d'entre elles.

Les Espagnols l'ont fait et continuent de le faire, sous d'autres noms. Le sang des peuples autochtones survit, mais la dette reste impayée. Cette chronique n'oublie pas, ne pardonne pas, elle accuse.

1 - AVANT 1500

Un monde entier, avant l'extermination

Avant qu'un seul Espagnol ne pose le pied sur cette terre, un monde entier existait déjà. Ce n'était ni le néant, ni le désert, ni la barbarie. C'était le Tahuantinsuyu, un vaste et complexe empire ancien qui unissait la côte, les montagnes et la jungle, du sud actuel de la Colombie au centre du Chili. Un territoire de plus de deux millions de kilomètres carrés, où vivaient plus de dix millions de personnes, dont aucune n'avait besoin du roi d'Espagne pour survivre. Il y avait des routes pavées, une agriculture en terrasses, des canaux d'irrigation, des ouvrages hydrauliques, une architecture en pierre, des observatoires solaires, des lois de réciprocité, une organisation communautaire, une justice collective et une spiritualité sans croix ni enfer.

Cuzco était la capitale, mais pas une tyrannie. Chaque région avait ses sages, ses chefs, ses langues, ses tissages. Des Quechuas et des Aymaras dans les montagnes aux Chachapoyas des hautes terres amazoniennes, en passant par les Mochicas et les Chimu sur la côte, le Pérou préhispanique était une symphonie de cultures vivantes. Ce n'étaient pas des nomades désorganisés ; c'était un peuple doté d'un calendrier lunaire, de cartes célestes, de connaissances médicales, de technologies agricoles et de structures sociales plus avancées que celles de nombreuses villes européennes du XVe siècle.

Les enfants naissaient en communauté, les personnes âgées étaient respectées comme des sages, les femmes jouaient un rôle dans l'économie et la spiritualité. Les récoltes étaient stockées dans des tambos (maisons), les décisions étaient prises en conseils, et la terre appartenait à tous. Personne ne souffrait de la faim, car la logique était celle de la redistribution et non de l'accumulation.

Les peuples autochtones du Pérou n'étaient pas des sauvages ; c'étaient des civilisations aux mythologies complexes, à la céramique de haute qualité, aux textiles d'une précision millimétrique et aux sanctuaires sacrés comme Pachacámac, Sacsayhuamán et Chavín. Leurs langues étaient diverses : quechua, aymara, mochica, uru, culle, muchik, callahuaya et puquina. Leurs dieux n'appelaient pas à la guerre, mais à l'équilibre.

Ils ont commis des erreurs, oui. Ils ont eu des conflits, oui. Mais ils n'avaient pas besoin de navires, de bibles ou d'arquebuses pour exister. Avant 1500, le Pérou n'était pas une colonie ; c'était un continent intérieur, un espace vivant, autonome et épanouissant où les gens vivaient au contact du soleil, de l'eau et des montagnes.

Chiffres de l'extermination humaine - Avant 1500 :

  • Population estimée avant l'invasion espagnole : plus de 10 millions.
  • Principaux groupes ethniques : Quechua, Aymara, Chanca, Huanca, Tallan, Culle, Mochica, Uru, Chachapoya, Mochica-Chimú, entre autres.
  • Décès directs (guerres intertribales et famines antérieures) : pas de données précises, mais un équilibre démographique stable avant 1500.
  • Survie à la fin de la période : population intacte avant l'arrivée des Espagnols, estimée à plus de 10 millions.

Et tout cela fut détruit. Le Pérou préhispanique n'avait nul besoin de rois étrangers ni de contrats signés dans une autre langue, mais en 1532, des voiles blanches apparurent à l'horizon, annonçant avec elles la fin d'un monde. Dans la deuxième partie, le Tahuantinsuyu connaîtra son heure la plus sombre : le siècle d'or, d'argent et de mort qui remplit les navires et vida les villages.

Par  Mauricio Herrera Kahn - - Santiago du Chilli

Cet article est aussi disponible en:  Espagnol
Traduction, Evelyn Tischer

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