par Dennis Kucinich
Discours prononcé lors de la conférence «Turning the Tide : 9/11 Justice in 2025» (Renverser la tendance : justice pour le 11 septembre en 2025).
Il est largement admis qu'Israël et les États-Unis sont de proches alliés. Ce qui est moins bien assimilé, c'est la nature de ce partenariat, avec ses revirements et ambiguïtés.
Concernant le 11 septembre, les États-Unis et Israël ont menti en associant de manière erronée et déterminée le motif, l'intention et l'exécution des actes terroristes à Saddam Hussein et à l'Irak.
Immédiatement après le 11 septembre, Netanyahou, alors en visite aux États-Unis, a été interviewé par la BBC sur sa vision de l'impact de l'attaque sur les relations américano-israéliennes.
«C'est très bien», a-t-il répondu. Puis il s'est repris : «Enfin, pas très bien, mais cela va susciter un élan de sympathie immédiat».
Le 12 septembre 2001, dans une interview à CNN, Netanyahou a déclaré :
«Il ne s'agit pas que de Ben Laden. Il ne s'agit pas des seuls réseaux. Il s'agit également des États qui les abritent et les soutiennent : l'Irak, l'Iran et les talibans en Afghanistan».
Quelques jours plus tard, le 16 septembre 2001, le vice-président Dick Cheney est apparu dans l'émission «Meet the Press» de la chaîne NBC et a affirmé :
«Nous avons également des preuves que Saddam Hussein a protégé des terroristes, y compris des membres d'Al-Qaïda».
Le 11 septembre 2002, lors du premier anniversaire des attentats, le président Bush a prononcé un discours à Ellis Island, à New York, qui a préparé le terrain pour associer l'Irak au 11 septembre.
Le lendemain, le 12 septembre 2002, Benjamin Netanyahou s'est présenté, à Washington, devant la commission parlementaire à laquelle je participais, avec l'intention évidente d'influencer le Congrès pour qu'il vote en faveur d'une guerre contre l'Irak en raison des événements du 11 septembre :
«Pensez-vous qu'il faille attendre que Saddam Hussein ait développé des armes nucléaires et qu'il les utilise pour prendre des mesures contre lui ? Et divers opposants, en particulier à l'étranger, pensent-ils qu'il faille établir un lien clair entre Saddam et le 11 septembre avant que nous soyons en droit d'empêcher un autre 11 septembre ?
«L'argument le plus convaincant en faveur d'une action préventive contre le régime de Saddam, à mon avis, n'étaient pas tant les paroles puissantes du président ce matin que la sauvagerie des terroristes eux-mêmes le 11 septembre», a déclaré Netanyahou.
Il a poursuivi en ces termes : «Il ne fait aucun doute que Saddam cherche à développer des armes nucléaires, qu'il y travaille et progresse dans cette voie. Si vous éliminez Saddam, je vous garantis que cela aura d'énormes répercussions positives sur la région... Après le 11 septembre, les États-Unis doivent agir de manière préventive contre tous les régimes terroristes».
Lors de cette audience au Congrès, j'ai demandé à Netanyahou :
«Quels autres pays voudriez-vous que nous bombardions ?»
Il a cité l'Iran et la Libye.
Quelques semaines plus tard, le 2 octobre 2002, j'ai commencé à distribuer personnellement à la Chambre des représentants, en tant que leader du mouvement contre la guerre, une note détaillée à des centaines de membres du Congrès. Ce document indiquait franchement et avec clarté que, sur la base de toutes les informations crédibles et disponibles, l'Irak n'avait rien à voir avec le 11 septembre et le rôle d'Al-Qaïda, que l'Irak n'avait ni l'intention ni la capacité d'attaquer les États-Unis, qu'il n'existait aucune preuve crédible que l'Irak possédait ou était sur le point d'utiliser des armes de destruction massive, et que les États-Unis s'apprêtaient à s'engager dans un abîme sanglant sur la base d'informations erronées, de désinformation et de mensonges éhontés.
Le 7 octobre 2002, le président Bush s'est exprimé à Cincinnati, déclarant :
«Nous avons appris que l'Irak a formé des membres d'Al-Qaïda à la fabrication de bombes, de poisons et de gaz mortels».
Le 10 octobre 2002, submergée par un flot incessant de déclarations patriotiques du gouvernement et de discours bellicistes des médias, la Chambre des représentants a voté par 296 voix contre 133 en faveur d'une guerre contre l'Irak. Le Sénat a suivi dès le lendemain.
Le 28 janvier 2003, lors de son discours sur l'état de l'Union, le président Bush a déclaré au Congrès :
«Des informations provenant de sources du renseignement indiquent que Saddam Hussein est en lien avec des organisations terroristes, notamment Al-Qaïda».
Le 5 février 2003, le secrétaire d'État américain Colin Powell a déclaré devant le Conseil de sécurité de l'ONU :
«L'Irak abrite aujourd'hui un réseau terroriste meurtrier dirigé par Abu Musab al-Zarqawi, un complice et collaborateur d'Oussama ben Laden et de ses lieutenants d'Al-Qaïda».
Le 18 février 2003, dans un éditorial publié dans le Wall Street Journal, il a affirmé :
«Si nous ne parvenons pas à endiguer l'alliance entre l'islam radical et les armes de destruction massive, le 11 septembre ne sera qu'un prélude».
Le 15 mars, dans une interview accordée au Jerusalem Post, il a précisé que «le renversement de Saddam Hussein est essentiel dans la guerre mondiale contre le terrorisme - c'est l'enseignement du 11 septembre».
Le 16 mars 2003, le vice-président Cheney a déclaré dans l'émission «Meet the Press» :
«Nous pensons que l'Irak entretient des relations avec Al-Qaïda depuis plusieurs années».
Le 18 mars 2003, le président Bush a fourni une justification légale pour attaquer l'Irak dans une lettre adressée au Congrès.
«J'ai conclu que la menace persistante de l'Irak et ses liens avec des organisations terroristes, notamment Al-Qaïda, requièrent une intervention».
Les 19 et 20 mars 2003, les États-Unis ont lancé l'opération «Shock and Awe» [Choc et effroi], une offensive militaire massive contre l'Irak.
Le 21 mars, le président a officiellement notifié au Congrès, en vertu de la résolution sur les pouvoirs de guerre, que les opérations de combat avaient commencé :
«J'ai également déterminé que le recours à la force armée contre l'Irak est conforme aux (...) actions menées contre les terroristes internationaux et les organisations terroristes, y compris ceux (...) qui ont contribué aux attaques terroristes du 11 septembre 2001».
Benjamin Netanyahou, ancien et futur dirigeant d'Israël, et le président George Bush ont chacun associé l'Irak au 11 septembre de manière synchrone, à des moments clés, chacun avec le même objectif, soit une orchestration meurtrière vers une guerre préméditée contre l'Irak que le 11 septembre a justifié à tort.
Si nous savons aujourd'hui que l'Irak n'avait rien à voir avec les attentats du 11 septembre, nous savons aussi qu'au moins un million d'Irakiens innocents ont perdu la vie à cause de cette guerre. Cinq mille de nos militaires courageux, hommes et femmes, ont perdu la vie dans ce conflit. Notre économie en a beaucoup souffert, avec un bilan de cinq mille milliards de dollars. Notre honneur national a été entaché. Et personne n'a jamais été tenu responsable. Plusieurs candidats à la présidence ont même ouvertement défendu leur vote en faveur de la guerre contre l'Irak. Les États-Unis ont été induits en erreur et entraînés dans une guerre fondée sur des mensonges concernant les attentats du 11 septembre. Malgré, ou peut-être à cause du rapport de la commission d'enquête sur ces attentats, de nombreuses questions restent sans réponse.
Au cours des huit années suivantes, j'ai fait plus de 300 présentations au Congrès, soulignant à maintes reprises les mensonges, les pertes en vies humaines et le coût de cette guerre, et ai appelé non seulement à y mettre fin, mais aussi à redéfinir la politique américaine dans la région. J'ai présenté un projet de loi visant à créer un ministère de la Paix au sein du cabinet afin de lancer une nouvelle initiative permettant de détourner les consciences du recours à la violence pour résoudre les conflits, et d'éviter ainsi les déchaînements meurtriers dans le pays et la guerre à l'étranger.
Le Premier ministre Netanyahou, malgré d'importantes déformations des faits, l'amalgame entre l'Irak et le 11 septembre ainsi qu'un soutien enthousiaste à une guerre américaine en Irak qui a coûté si cher en vies humaines et en argent, a néanmoins gagné en estime à Washington. Dépourvu de toute crédibilité en matière de sécurité nationale américaine, il a réussi, au cours des années suivantes, à obtenir d'importantes quantités d'armes américaines pour bombarder le Liban, la Syrie, le Yémen, Gaza, la Cisjordanie, et plus récemment le Qatar.
Les États-Unis ont servi les intérêts d'Israël en bombardant la Libye, en assassinant Kadhafi puis le général iranien Soleimani.
L'année dernière, Netanyahou a prononcé un discours devant le Congrès au cours duquel il a reçu 55 standing ovations, une performance étonnante, alors qu'il appelait les États-Unis et Israël à s'unir contre l'Iran : «Lorsque nous sommes unis, nous gagnons et ils perdent», exhortant les États-Unis à attaquer l'Iran, ce qui s'est produit moins d'un an plus tard, avec des bombardements américains sur trois sites nucléaires iraniens. Nous avons soutenu Netanyahou et son pays en Irak, et nous avons perdu. Une deuxième attaque contre l'Iran se profile, qui pourrait bien déclencher la troisième guerre mondiale. Lorsque nous choisissons de nous associer à une agression illégale engageant Israël, nous nous mettons tous en danger.
Israël s'est souvent plaint de manquer de partenaires pour négocier la fin des conflits ou éviter de futures guerres. Cela ne risque pas d'arriver. Pour ceux qui s'intéressent aux négociations pacifiques, les réunions organisées par les États-Unis, censées aboutir à un accord avec l'Iran ou le Hamas au Qatar, se sont avérées être des pièges permettant à Israël de tuer les négociateurs.
Le Venezuela a été la cible d'une attaque contre un de ses bateaux dans les eaux internationales qui a fait 11 morts, non pas en raison d'un nouvel intérêt des États-Unis pour la lutte contre le trafic de drogue, mais probablement parce que le Venezuela ne soutient pas le génocide perpétré à Gaza par le gouvernement Netanyahou.
Les États-Unis ont également imposé des sanctions à la Cour pénale internationale et à Francesca Albanese, rapporteure spéciale des Nations unies pour les droits humains dans les territoires palestiniens, pour avoir dénoncé l'inhumanité d'Israël.
Nous avons oublié les enseignements du 11 septembre à propos de ceux en qui nous pouvons ou ne pouvons pas avoir confiance en matière de politique internationale, et cette erreur nous coûte cher, sur notre propre sol.
Notre droit, garanti par la Constitution en vertu du Premier Amendement, est menacé au niveau national. Le monde universitaire a été sanctionné pour avoir exprimé son désaccord à propos du génocide : des universités ont été condamnées à de lourdes amendes et des étudiants ont été expulsés. Cette répression a été menée au nom d'une définition restrictive de l'antisémitisme, afin de faire taire les protestations contre les politiques du gouvernement israélien qui consistent à voler des terres palestiniennes, à pratiquer un nettoyage ethnique, à provoquer la famine et à perpétrer un génocide, le tout avec l'approbation tacite et le financement des États-Unis d'Amérique.
Notre réalité sociale américaine a été redéfinie pour soutenir le génocide et les politiques d'une nation et de ses dirigeants entraînant le pays dans une série de conflits sanglants.
Les États-Unis peuvent protéger Israël grâce à leur droit de veto au Conseil de sécurité, mais ils ne peuvent le protéger des centaines de millions de personnes dans le monde qui ne sont pas dupes, qui savent reconnaître le mal quand elles le voient, et condamnent le meurtre pour ce qu'il est.
Si dire la vérité revient à être antisémite, il est temps de définir ce qu'est réellement l'antisémitisme. D'innombrables Gazaouis sont morts. Les Gazaouis meurent de faim. La réalité, c'est qu'un programme de nettoyage ethnique à grande échelle est en cours. Si nous permettons que cette terrible réalité soit dépeinte comme une simple manifestation d'antisémitisme motivée par des raisons politiques, c'est toute notre humanité qui est réduite à néant.
Six millions de juifs ont péri dans l'Holocauste. «Plus jamais ça» signifie «plus jamais ça» pour les juifs comme pour les Gazaouis. Israël ne survivra pas à la contradiction entre une histoire marquée par d'immenses souffrances et l'inhumanité infligée aux juifs par les nazis, et les accusations de crimes atroces qui ravivent les souvenirs de l'époque nazie.
Nous savons, comme l'indique l'Évangile selon Matthieu :
«Tout royaume divisé contre lui-même va à sa ruine, et toute ville ou maison divisée contre elle-même ne peut tenir».
Nous voudrions que l'ensemble des otages soient rendus à leurs familles. Nous devrions pleurer la mort de chaque Israélien innocent. Si nous devions pleurer la mort de chaque Palestinien innocent à Gaza, nous risquerions de nous noyer dans nos larmes. Mais la défaite de la vérité va au-delà du deuil. C'est le glas définitif de la République américaine.
Pourquoi ne sommes-nous pas autorisés, nous, Américains, fiers de notre liberté de pensée, de notre liberté d'expression et de notre liberté journalistique, à poser des questions sur la relation apparemment destructrice et symbiotique entre les États-Unis et Israël ? Pourquoi ne pouvons-nous pas poser de questions sur la manipulation stratégique permanente ? Sur les milliards qui servent à financer des tueries de masse ? Pourquoi ne pouvons-nous pas aborder la question de l'influence indue que les intérêts israéliens exercent sur notre propre gouvernement ?
Pourquoi ne pouvons-nous pas nous interroger sur la pertinence de laisser les dirigeants d'une nation de dix millions d'habitants influencer les décisions les plus sensibles en matière de sécurité nationale de notre pays de 350 millions d'habitants ?
Il est grand temps que les États-Unis affirment leur souveraineté durement acquise, non pas par une rhétorique belliqueuse et des illusions de domination mondiale, mais en examinant de manière approfondie les prémices non seulement des relations américano-israéliennes, mais aussi de l'ensemble de nos interventions à l'étranger.
Je ne pense pas que le peuple américain soutienne le vol des maisons de qui que ce soit. Je ne pense pas que les Américains d'aujourd'hui soutiennent le vol des terres d'autrui. Je ne pense pas que les Américains souhaitent affamer des populations, assassiner des enfants ou voir leurs impôts financer un génocide.
Nous avons de sérieuses divergences politiques en Amérique que des éléments extérieurs ont exploitées. La polarisation et la partisanerie nous font perdre de vue ce qui nous unit. Nous devons nous souvenir, en ces temps difficiles, de ce qui nous aide à rester unis. Ce qui nous unit en tant que peuple, c'est d'abord une certaine décence, le désir de faire ce qui est juste, de voir nos familles et nos communautés prospérer, la croyance en la bonté et en Dieu, ainsi que l'espoir de réaliser ce que nous appelions autrefois le rêve américain : un foyer, la santé, l'éducation, des emplois, des salaires décents, la sécurité de la retraite.
Mais nous ne pourrons atteindre ces objectifs que si nous nous affirmons en tant que nation libre et indépendante, sans amis ni ennemis permanents, et avec pour seuls engagement et responsabilité suprême les intérêts sociaux et économiques durables du peuple américain.
Alors que nous nous efforçons d'atteindre cet objectif, souvenons-nous de ceux qui nous ont induits en erreur et poussés à entrer en guerre contre l'Irak après le 11 septembre, et faisons preuve d'une grande prudence.
Nous ne devons pas craindre de poser les questions essentielles qui ont suivi les événements du 11 septembre 2001, il y a vingt-quatre ans.
Tout ce qu'on nous a dit à propos du 11 septembre, et qui a contribué à nous inciter à attaquer l'Irak, s'est avéré mensonger. Nous avons donc clairement le droit et le devoir de chercher des réponses aux questions fondamentales concernant la planification, l'exécution et les répercussions matérielles du 11 septembre, ainsi que les conséquences structurelles de l'impact des avions sur le World Trade Center.
Il me semble que nous avons la capacité d'apprendre la vérité sur le 11 septembre, sur les motivations et les intérêts satisfaits, sur des phénomènes tels que l'effondrement du bâtiment 7 à New York, sur les mensonges qui nous ont entraînés, maintenus en guerre et la perpétuent aujourd'hui, ainsi que sur les mensonges qui alimentent aujourd'hui encore une mentalité collective belliciste si omniprésente qu'une ville américaine est menacée par notre propre gouvernement de... guerre !
Les questions sérieuses et sans réponse ne disparaîtront pas. La conspiration, s'il y en a eu une, ciblait la vérité et le peuple américain.
Poursuivons notre quête infinie de vérité. N'ayons pas peur de tirer des conclusions qui ébranlent les fondements de ce pays, car la vérité est la voie de la réconciliation nationale et un moyen de panser nos blessures.
Jamais la quête de la vérité n'a autant compté dans l'histoire moderne des États-Unis. Il s'agit de sauver la vérité enfouie dans les recoins les plus sombres de notre société, de la confronter à nos peurs les plus secrètes et de libérer une nation fatiguée d'entendre les mensonges d'individus haut placés aux motivations douteuses. La Bible dit : «Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira».
Marchons donc sans crainte dans le brouillard de la désinformation, de la mésinformation, des renseignements falsifiés et des manipulations psychologiques. Avançons sans crainte sur cette voie obscure.
source : The Kucinich Report via Spirit of Free Speech