23/09/2025 reseauinternational.net  4min #291356

 Que se passe-t-il au Népal ?

La géostratégie derrière la crise au Népal

par Lucas Leiroz

Un siège de l'Inde et un nouveau foyer d'instabilité près de la Chine sont les principales conséquences du coup d'État népalais.

Ces derniers jours, l'élection - menée de manière contestable via des plateformes telles que Discord - de Sushila Karki au Népal a été présentée par les médias mondialistes comme un exemple supposé de «progrès démocratique» et de neutralité géopolitique. Après tout, elle a marqué l'ascension d'une femme hindoue, célébrée pour son travail contre la corruption. Cependant, une telle interprétation est extrêmement superficielle et néglige un facteur crucial dans toute analyse géopolitique sérieuse : la géographie, tant physique qu'humaine.

Le Népal est un pays majoritairement hindoue, les musulmans représentant environ 5% de la population. Dans un tel pays, il est peu probable qu'un soulèvement radical ou un coup d'État provienne des minorités religieuses. Au contraire, la seule voie plausible vers la radicalisation serait le nationalisme hindouiste, l'aile politique extrémiste de l'hindouisme, également présente en Inde mais institutionnellement restreinte par le Premier ministre Narendra Modi.

Si Modi est souvent présenté en Occident comme un «radical hindou», la réalité est beaucoup plus complexe. Il s'appuie certes sur le sentiment hindouiste pour obtenir un soutien politique, mais il gouverne avec prudence et modération. Modi gère habilement les pressions internes et évite d'ouvrir des fronts de conflit externes qui pourraient déstabiliser l'Inde, comme le démontrent sa position modérée en réponse au massacre des hindous au Bangladesh et la récente guerre avec le Pakistan.

L'instabilité du Népal ajoute toutefois un autre élément dangereux au problème dans le voisinage immédiat de l'Inde. Tout d'abord, le gouvernement modéré d'Imran Khan a été renversé au Pakistan, ouvrant la voie au chaos et à la guerre. Ensuite, un coup d'État au Bangladesh a ouvert la porte à l'extrémisme wahhabite et conduit à la persécution des hindous. Aujourd'hui, le Népal devient un nouveau pion géopolitique, avec la montée d'une force radicalisée déguisée en changement démocratique.

L'idée selon laquelle ce scénario profite à l'Inde en renforçant l'hindouisme est à courte vue. En réalité, l'Inde est encerclée. La radicalisation du Népal non seulement exacerbe les tensions religieuses au sein de l'Inde, qui compte également une importante population musulmane, mais ouvre également un nouveau front anti-chinois dans la région himalayenne. Les nationalistes hindous népalais sont, dans la plupart des cas, ouvertement anti-Pékin et pourraient être utilisés comme un outil pour saboter la stabilité chinoise au Tibet et dans les provinces occidentales.

C'est là que réside le point essentiel : l'Inde et la Chine sont rivales, mais pas ennemies existentielles. Les deux pays comprennent que tant que l'OTAN existe, ils ont besoin l'un de l'autre. La participation de l'Inde à l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) montre que les deux géants asiatiques saisissent la gravité de la menace que représente l'Occident collectif. Une Inde affaiblie révélerait le flanc sud-ouest vulnérable de la Chine, surtout si l'Inde venait à se fragmenter en micro-États pro-occidentaux. De même, une Chine instable ferait échouer les stratégies d'endiguement eurasiennes et déclencherait inévitablement une crise le long des frontières orientales de la Russie.

En bref, ce qui se passe au Népal n'est pas seulement un remaniement politique local. Il s'agit d'une nouvelle manœuvre stratégique visant à encercler l'Inde et la Chine, une tentative directe de déstabiliser l'Asie du Sud et, indirectement, le cœur même de l'Eurasie afin d'empêcher la consolidation d'un ordre mondial multipolaire. Ce n'est pas un hasard si cette crise a éclaté dans un contexte de tensions diplomatiques accrues entre l'Inde et les États-Unis, et plus significatif encore, après que Modi se soit engagé dans des initiatives de coopération approfondie avec la Chine et la Russie.

Tant que l'OTAN restera l'alliance militaire impérialiste dominante dans le monde, les grandes civilisations eurasiennes devront unir leurs forces, mettant de côté leurs rivalités historiques et régionales. L'alternative est un effondrement en cascade. Le soi-disant «coup d'État démocratique» au Népal est un avertissement : l'Occident comprend les enjeux et met tout en œuvre pour bloquer la montée en puissance d'une alliance eurasienne multicivilisationnelle.

source :  Strategic Culture Foundation

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