30/09/2025 ssofidelis.substack.com  4min #292070

 Israël a commencé à effacer la ville de Gaza, dans un silence international inquiétant

Le choc sourd d'une maison qui chavire — je pars, renonçant à moi-même

Par Malak Radwan pour  Quds News Network, le 21 septembre 2025

Démonter sa maison, c'est une violence faite à l'âme. La semaine dernière, je me suis infligé ce traumatisme. J'ai démonté mes meubles, un par un, ôtant chaque vis et désassemblant chaque planche, avec l'impression de dissoudre mon propre corps. J'ai plié ma vie en carrés de tissu bien rangés, une géométrie pathétique de l'effacement. À chaque goutte de sueur et à chaque inspiration courte et saccadée, je tremblais, pas à cause de l'effort, mais de l'ampleur même de l'opération. La maison elle-même s'est alourdie d'un silence qui ne ressemblait pas à la paix, mais à une accusation. Ces murs qui jadis abritaient la fragile trame de mon rire, mes projets et le murmure paisible des nuits tardives passées à travailler, se dressent désormais comme les témoins muets de leur abandon. Pièce par pièce, j'ai vidé ce que j'avais bâti, peint et entretenu, jusqu'à ce que l'écho de mes pas soit le seul vestige, un fantôme hantant déjà l'espace qu'il s'apprêtait à quitter.

Puis, le son lourd et strident de l'horloge du déplacement a retenti. Nous, congrégation d'apatrides, avons attendu des jours et des jours, espérant secrètement qu'un quelconque véhicule vienne nous chercher. Lorsqu'ils sont arrivés, ils ont exigé une rançon exorbitante pour un trajet qui n'était autrefois qu'un simple trajet quotidien de vingt minutes pour dix shekels. C'était un exode à prix d'or, un coût inenvisageable pour la plupart d'entre nous, et bien au-delà de nos moyens. La route avait changé. Le même bitume, foulé en janvier 2025 par une foule de gens rentrant chez eux, voit désormais transiter un tsunami de fugitifs.

Je me souviens bien de cette marche de janvier. Après un an et demi d'exil, un cessez-le-feu a été annoncé, tel un mince filet d'espoir. Les gens ont marché jusqu'à la ville de Gaza, soit sept kilomètres plus au sud, pieds nus sur la terre, le cœur empli de la joie du retour, sans sentir la fatigue du chemin. La route était alors source de joie. Sa poussière même semblait bénie. Aujourd'hui, cette même route porte les stigmates d'un pèlerinage inversé. Elle n'est plus le témoin du retour au pays, mais de l'exil. Plus de joie, mais l'écrasante souffrance du chagrin. Notre voyage vers le sud a duré huit heures, lente progression au cœur d'un cauchemar de chaos et de désespoir. La route marque les kilomètres, mais l'âme l'érosion de l'espoir.

Comment peut-on faire entrer une vie dans un seul sac ? Quel calcul impossible. Et pour ceux qui y parviennent, qui ont réduit leur existence à un sac sur le dos, qu'est-ce qui les attend ? Ils n'ont ni argent, ni tente, ni parcelle de terre où monter un abri temporaire. Leur destination n'est pas un camp, mais la rue. Leur plafond se résumera au ciel impassible, leur lit au bitume insensible.

Je ne sais pas si je reverrai un jour les murs de ma maison. Et l'incertitude est la blessure la plus terrible. Et si, par un miracle du destin, on me permettait de revenir, que se passerait-il ? Après un second abandon, ces murs me reconnaîtront-ils encore ? Le toit voudra-t-il encore abriter une âme si facilement expulsée, un esprit si amèrement meurtri ? Ou bien la clé tournera-t-elle dans la serrure pour ouvrir une porte sur une maison étrangère, dont le souvenir aura été effacé par la poussière de l'abandon ?

Je hais ce monde. Je hais son silence policé, son regard distant et clinique. Je hais cette façon qu'il a d'observer cette déchéance de loin, comme s'il assistait à l'une de ces pièces de théâtre fascinantes et tragiques avant de changer de chaîne. Ce chagrin n'a rien d'une catastrophe naturelle. Il nous est infligé par l'homme, issu de l'indifférence et entretenu par le silence. Et dans l'immensité du silence du monde, on n'entend que l'écho de notre propre destruction : le fracas sourd et terrible d'une maison qui s'effondre, et le rythme monotone et las des pas sur une route sans issue.

Traduit par  Spirit of Free Speech

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