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 Trump propose Tony Blair pour assurer la transition à Gaza et Netanyahu annonce à l'Onu qu'Israël doit « finir le travail »

Le plan de Trump pour Gaza, un blanc-seing qui légitime l'asservissement de la Palestine

Le président américain Donald Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu après une conférence de presse à la Maison Blanche à Washington, DC, le 29 septembre 2025. Photo © JIM WATSON/AFP via Getty Images.

Par  Jeremy Scahill &  Jawa Ahmad, le 30 septembre 2025

Après son discours à la Maison Blanche, Netanyahu a déclaré qu'Israël ne se retirerait jamais de Gaza et a promis de reprendre le génocide si le Hamas ne désarmait pas.

Trois semaines après qu'Israël a tenté d'assassiner les principaux négociateurs du Hamas lors d'une série de frappes aériennes sur les bureaux du groupe à Doha, au Qatar, le président Donald Trump a salué l'annonce publique de son plan en 20 points de fin de guerre à Gaza comme "potentiellement l'un des plus grands jours de l'histoire de la civilisation". Ce plan a été élaboré en coordination avec le principal conseiller du Premier ministre Benjamin Netanyahu, Ron Dermer, et mené par l'envoyé spécial Steve Witkoff et le gendre de Trump, Jared Kushner. Plusieurs États arabes et musulmans y ont également contribué. Aucun responsable palestinien du Hamas ou d'une autre faction, y compris l'Autorité palestinienne reconnue internationalement, n'a été consulté lors de l'élaboration du plan.

La proposition, que Netanyahu a acceptée après avoir rencontré Trump à la Maison Blanche lundi, lie la livraison d'aide humanitaire et autres produits de première nécessité au retrait des forces israéliennes et à la démilitarisation de Gaza, et comprend plusieurs échappatoires permettant à Israël de reprendre le génocide. Elle imposerait également une autorité étrangère sur la bande de Gaza démilitarisée, soutenue par des troupes arabes et internationales, et permettrait à l'armée israélienne d'encercler indéfiniment l'enclave en maintenant des positions à l'intérieur du territoire de Gaza. Le plan exige que le Hamas libère tous les prisonniers israéliens détenus à Gaza avant que les prisonniers palestiniens ne soient libérés. Si la proposition comprend une série de concessions apparentes aux pays arabes et musulmans en échange de leur soutien, elle ne mentionne pas comment Israël peut être empêché de violer l'accord. Le plan mentionne également de manière vague une éventuelle "autodétermination et création d'un État" palestiniens après les "progrès du redéveloppement" de Gaza et la réforme de l'Autorité palestinienne.

"Si les deux parties acceptent cette proposition, la guerre prendra fin immédiatement", indique le texte publié lundi. "Les forces israéliennes se retireront jusqu'à la ligne 'convenue' afin de préparer la libération des otages. Pendant ce temps, toutes les opérations militaires, y compris les bombardements aériens et d'artillerie, seront suspendues, et les lignes de front resteront gelées jusqu'à ce que les conditions soient réunies pour un retrait complet par étapes".

Lors de son discours à la Maison Blanche, Netanyahu a confirmé accepter le cadre, mais a clairement indiqué qu'Israël se tient prêt à reprendre le génocide.

"Si le Hamas rejette votre plan, Monsieur le Président, ou s'il semble l'accepter mais fait tout pour le contrecarrer, alors Israël achèvera le travail tout seul", a-t-il déclaré. "Ça peut se faire facilement ou non, mais ça se fera. Nous préférons la manière facile, mais nous le ferons".

Trump a également souligné ce point. "Israël aura mon soutien total pour achever la destruction de la menace que représente le Hamas", a-t-il déclaré. "Mais j'espère que nous parviendrons à un accord de paix, et si le Hamas rejette cet accord... Bibi, vous aurez notre soutien total pour faire ce que vous aurez à faire. Tout le monde comprend que le résultat final doit être l'élimination de tout danger dans la région. Et ce danger est causé par le Hamas".

Mardi, Trump a réitéré ce point et a déclaré qu'il donne au Hamas

"trois ou quatre jours" pour répondre. "Nous attendons simplement la réponse du Hamas, et le Hamas va soit accepter, soit refuser, et s'il refuse, cela se terminera mal", a-t-il déclaré, ajoutant que si le Hamas rejette l'accord, "je laisserais [Israël] faire ce qu'il a à faire".

Le Hamas n'a reçu aucune information sur la proposition avant que Trump et Netanyahu ne la dévoilent à la Maison Blanche, a déclaré un haut responsable à Al Jazeera Mubasher.

"Pas un Palestinien n'a examiné ce plan, et ce qui a été rapporté... représente plutôt la vision israélienne, une approche conforme à celle que Netanyahu a toujours défendue, c'est-à-dire poursuivre la guerre et l'anéantissement. Ni plus, ni moins",

a déclaré Mahmoud Mardawi, haut responsable du Hamas, immédiatement après la conférence de presse de Trump et de Netanyahou.

"Négocier la fin de cette agression en échange de la fin du droit du peuple palestinien à un État et à ses droits sur sa terre, sa patrie et ses lieux saints, aucun Palestinien n'acceptera cela".

Mardawi a déclaré que le Hamas et les autres factions palestiniennes doivent étudier la proposition, ajoutant que

"la position officielle sera publiée après lecture de la proposition, puis après avoir énoncé notre position et apporté des modifications conformes à notre droit à l'autodétermination".

La dernière fois que les dirigeants du Hamas se sont réunis pour discuter d'une proposition américaine, le 9 septembre, Israël a tenté d'assassiner ses négociateurs.

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Qatar, Majed Al-Ansari, a déclaré mardi que l'Égypte et le Qatar ont remis le plan au Hamas et qu'ils tiendront une "réunion consultative" avec des responsables turcs. Al-Ansari a ajouté :

"Nous sommes optimistes quant au caractère exhaustif du plan de Trump, et la délégation du Hamas l'étudie de manière sérieuse. Nous poursuivrons les concertations".

Alors que Trump a salué son propre plan comme une occasion historique pour "une paix éternelle au Moyen-Orient", l'exclusion de tous les Palestiniens du processus s'inscrit dans la continuité de décennies de domination coloniale occidentale sur les décisions concernant l'avenir de la Palestine. Au cœur du plan de Trump se trouve un ultimatum à peine voilé adressé aux Palestiniens : s'incliner devant Israël, renoncer au droit à la résistance armée et accepter une soumission indéfinie à des acteurs étrangers.

"Ce plan est une tentative malveillante d'atteindre par la diplomatie ce que la guerre d'extermination n'a pu arracher sur le terrain",

a déclaré Sami Al-Arian, éminent universitaire et militant palestinien et directeur du Centre pour l'islam et les affaires mondiales à l'université Zaim d'Istanbul.

"Cela inclut la fin de la résistance, le retrait des armes, la libération des prisonniers [israéliens] sans retrait complet de Tsahal, le maintien du contrôle sécuritaire, politique et économique sur Gaza et l'imposition d'une tutelle internationale".

Il a déclaré que la proposition de Trump consiste à

"légitimer le discours israélien selon lequel le défi est d'ordre sécuritaire et lié aux besoins d'Israël en matière de défense, et non à la fin de l'occupation militaire, du génocide, du nettoyage ethnique, des crimes de guerre et de l'agression permanente".

Al-Arian a déclaré à Drop Site :

"Ce n'est pas une négociation. Il y a un plan américain. Il a été modifié par des points de vue israéliens et peut-être arabes. Il est ensuite présenté à la résistance comme à prendre ou à laisser".

Avant son annonce, l'administration Trump a diffusé un discours bien connu des médias complaisants, selon lequel elle aurait fait pression sur un Netanyahu réticent pour qu'il accepte l'accord. En réalité, les responsables israéliens ont été étroitement impliqués dans l'élaboration de la proposition jusqu'à la publication du texte par la Maison Blanche.

Dans une allocution vidéo en hébreu prononcée après son entretien avec Trump, Netanyahu a présenté le plan comme un coup de maître pour l'agenda d'Israël, affirmant qu'il confère une légitimité arabe et internationale à ses projets de génocide.

"Il s'agit d'une visite historique. Au lieu de nous isoler, c'est le Hamas qui va l'être. Désormais, le monde entier, y compris le monde arabe et musulman, fait pression sur le Hamas pour qu'il accepte les conditions que nous avons fixées avec le président Trump : la libération de tous nos otages, vivants ou morts, tandis que l'armée israélienne reste dans la majeure partie de la bande de Gaza", a-t-il déclaré. "Qui l'aurait cru ? Après tout, tout le monde ne cesse de répéter que l'armée israélienne doit se retirer... Pas question, cela n'arrivera pas".

Lors des précédentes négociations de cessez-le-feu, lorsque le Hamas a cherché à proposer des amendements ou même à clarifier la formulation des projets de texte, Israël et les États-Unis l'ont accusé à tort de rejeter la paix, puis ont intensifié leur offensive militaire sur Gaza. Israël a donné l'impression à l'opinion publique qu'il était prêt à accepter les projets d'accord, tout en obtenant  des  "garanties"  de la part de Trump et de son prédécesseur, Joe Biden, autorisant Israël à reprendre la guerre si l'accord ne sert plus ses intérêts.

"Ce n'est pas une négociation. Il y a un plan américain. Il a été modifié par des points de vue israéliens et peut-être arabes. Il est ensuite présenté à la résistance comme à prendre ou à laisser".

Après avoir signé l'accord de cessez-le-feu de janvier 2025, Israël l'a violé à plusieurs reprises, bombardant régulièrement Gaza et finissant par faire voler en éclats l'accord après la première des trois phases prévues. Netanyahu a clairement indiqué qu'il veut non seulement la capitulation du Hamas, mais aussi l'éradication de l'ensemble de la résistance palestinienne à Gaza.

"Ce qui a été annoncé lors de la conférence de presse entre Trump et Netanyahu est un accord américano-israélien, l'expression de la position globale d'Israël et une astuce pour poursuivre l'agression contre le peuple palestinien",

a déclaré Ziyad al-Nakhalah, secrétaire général du Jihad islamique palestinien, le deuxième groupe de résistance armée à Gaza, dans un communiqué.

"Israël tente d'imposer, par l'intermédiaire des États-Unis, ce qu'il n'a pas pu obtenir sur le plan militaire. Nous considérons donc l'annonce américano-israélienne comme le moyen d'embraser la région".

Pour mettre ce plan en œuvre, Trump a envoyé son gendre, Kushner, obtenir le soutien des pays arabes avant l'annonce. Kushner est souvent présenté par Trump comme le cerveau des accords dits "d'Abraham", censés "normaliser" les relations avec Israël. Kushner entretient de nombreuses relations commerciales dans les pays du Golfe et sa société d'investissement, Affinity Partners, est soutenue par des milliards de dollars provenant de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et du Qatar.

Trump s'est vanté d'avoir le soutien total de tous les grands pays arabes.

"Le niveau de soutien que j'ai reçu des pays du Moyen-Orient, des pays voisins d'Israël et des pays entourant Israël a été incroyable. Incroyable. Ils sont tous avec nous", a déclaré Trump, citant les dirigeants de l'Arabie saoudite, du Qatar et des Émirats arabes unis. "Ce sont ceux avec qui nous avons traité et qui se sont beaucoup impliqués dans ces négociations, en nous donnant des idées et en nous indiquant ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas accepter".

Le plan inclut plusieurs conditions exigées par les pays arabes, qui ont certainement été essentielles pour obtenir leur adhésion.

"Les conditions sont peut-être enfin réunies pour ouvrir une voie crédible vers l'autodétermination et la création d'un État palestinien, que nous reconnaissons comme l'aspiration du peuple palestinien",

indique le plan. Les pays arabes et musulmans ont également plaidé en faveur de l'inclusion d'une disposition stipulant qu'Israël cesse ses opérations militaires et "n'occupera ni n'annexera Gaza". Selon le plan,

"aucun Palestinien ne sera contraint de quitter Gaza et ceux qui souhaitent partir seront libres de le faire et de revenir. Nous les encouragerons à rester et leur offrirons la possibilité de construire une Gaza plus prospère".

Une version préliminaire du plan de Trump, divulguée plus tôt et rapportée par les médias israéliens, comprenait un engagement selon lequel Israël n'annexerait pas la Cisjordanie. Cette clause n'apparaît toutefois plus dans le texte distribué lundi par la Maison Blanche.

Néanmoins, les ministres des Affaires étrangères de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie, d'Arabie saoudite, du Qatar et d'Égypte ont publié une déclaration dans laquelle ils

"saluent le leadership du président Donald J. Trump et ses efforts sincères pour mettre fin à la guerre à Gaza, et affirment leur confiance en sa capacité à trouver une voie vers la paix".

Lors de son intervention sur Al Jazeera après l'annonce du plan, Mardawi a souligné à plusieurs reprises l'exclusion des Palestiniens de la rédaction du plan Trump.

"Comment un État arabe peut-il refuser au peuple palestinien, dans toute sa diversité politique, de participer aux négociations ?", a-t-il demandé, réfutant cet a priori. "Rien de ce qui a été proposé ne reconnaît les droits du peuple palestinien". Il a ajouté que le Hamas "examinera la proposition, en discutera avec les différentes factions, la modifiera et consultera tous les pays ayant rencontré Trump, afin de réexaminer leurs positions".

Abu Ali Hassan, membre du comité central du Front populaire de libération de la Palestine, a dénoncé le plan, estimant qu'il sert à couvrir la poursuite du programme plus général d'Israël.

"Trump a donné à l'État occupant suffisamment de temps pour atteindre ses objectifs, en vain. Ce plan est une intervention politique pour atteindre les objectifs militaires que la guerre n'a pas permis d'atteindre", a-t-il déclaré à l'agence de presse palestinienne Sanad. Selon lui, ce plan "n'est qu'une conspiration impliquant des acteurs internationaux et arabes cherchant à saper les droits du peuple palestinien et à briser sa résistance".

Le président américain Donald Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu après une conférence de presse à la Maison Blanche à Washington, DC, le 29 septembre 2025. Photo © JIM WATSON/AFP via Getty Images.

Privatisation & colonisation de Gaza

Le plan de paix de Trump est truffé d'ambiguïtés, de lacunes et de propositions offrant à Israël une multitude de possibilités pour reprendre son offensive génocidaire contre Gaza.

Selon ce plan, le Hamas devrait libérer tous les prisonniers israéliens détenus à Gaza dans les 72 heures suivant la conclusion d'un accord. On estime à 20 le nombre d'Israéliens encore en vie et à 28 le nombre de dépouilles dans la bande de Gaza. En échange, Israël libérerait 250 Palestiniens condamnés à perpétuité et 1 700 Palestiniens de Gaza capturés après le 7 octobre 2023, y compris toutes les femmes et tous les enfants. Selon le plan, les corps de 15 Palestiniens seraient rendus en échange de chaque dépouille d'Israélien retenue à Gaza.

Le plan prévoit la reprise des livraisons de vivres et autres produits de première nécessité à Gaza, dans des quantités conformes à l'accord de cessez-le-feu de janvier 2025, que l'État d'Israël a unilatéralement rompu.

"L'entrée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza se fera sans ingérence des deux parties, par l'intermédiaire des Nations unies et de ses agences, du Croissant-Rouge et d'autres institutions internationales qui ne sont en aucune façon associées à l'une ou l'autre des parties", précise le plan. Celui-ci ajoute que cela inclura "la réhabilitation des infrastructures (eau, électricité, égouts), des hôpitaux et des boulangeries, ainsi que l'entrée des équipements nécessaires pour déblayer les décombres et dégager les routes".

Le plan promet également que le checkpoint de Rafah, autrefois le seul passage entre Gaza et le monde extérieur hors contrôle israélien, sera ouvert dans les deux sens selon les règles établies dans l'accord de cessez-le-feu de janvier. Cependant, une carte des retraits israéliens proposés permettrait aux forces israéliennes de rester déployées dans le sud de Gaza, y compris le long du couloir de Philadelphie qui longe la frontière avec l'Égypte, jusqu'à ce qu'une force internationale réponde aux normes approuvées par Trump.

Trump rencontre Netanyahu à la Maison Blanche. Photo © Avi Ohayon (GPO)/Handout/Anadolu via Getty Images.

Les cartes du retrait progressif proposé par Israël sont conformes à celles  proposées par Israël en juillet - et rejetées par le Hamas - avec la condition supplémentaire que tout retrait des troupes israéliennes sera lié au désarmement vérifié des groupes de résistance palestiniens. Le plan prévoit que les forces israéliennes "céderont progressivement le territoire occupé de Gaza" à une force de sécurité internationale, mais que les troupes israéliennes maintiendront

"une présence dans le périmètre de sécurité, qui restera en place jusqu'à ce que Gaza soit correctement protégée contre toute menace terroriste potentielle".

"Réactiver l'aide humanitaire est vital, car la famine et la malnutrition font des ravages", a déclaré M. Al-Arian. "Mais je pense que les points les plus épineux seront le désarmement et le retrait israélien. Ce sont les deux éléments qui feront ou non échouer l'accord".

Le plan proposé par Trump stipule également que si le Hamas "retarde ou rejette cette proposition", l'aide ne sera distribuée que dans les zones sous contrôle israélien ou dans celles qui seront confiées à la force internationale après le désarmement des Palestiniens dans la région.

Le plan prévoit également des conditions que le Hamas a explicitement qualifiées de "lignes rouges", notamment celle de priver les Palestiniens de leur droit à la résistance armée contre l'occupation israélienne.

"Toutes les infrastructures militaires, de nature terroriste ou offensive, y compris les tunnels et les sites de production d'armes, seront détruites et ne pourront être rétablies", est-il stipulé. "Un processus de démilitarisation de Gaza sera mis en œuvre sous la supervision d'observateurs indépendants. Il comprendra la mise hors service définitive des armes grâce à un processus de démantèlement convenu, ainsi qu'un programme de reconversion et de réintégration financé par la communauté internationale, le tout sous la supervision des observateurs indépendants".

Mardawi, un responsable du Hamas, a déclaré que les États-Unis et Israël orchestrent une campagne de propagande présentant le droit des Palestiniens à se défendre comme une justification de la guerre génocidaire menée par Israël.

"Confisquer ces armes sans perspective, sans feuille de route, sans mesures menant à la création d'un État palestinien reconnu par le monde entier, c'est tenter d'enterrer le consensus international - à l'exception des États-Unis et d'Israël - sur la reconnaissance du droit du peuple palestinien à créer son propre État", a-t-il déclaré à Al Jazeera. "Cette dynamique diplomatique et politique internationale - en particulier de la part de l'Europe, qui a soutenu, encouragé et fourni toutes sortes d'aide à l'État occupant -, cette reconnaissance du droit du peuple palestinien à fonder son État sur sa terre natale, est en train de s'effondrer".

Le plan Trump prévoit que les États-Unis collaboreront avec leurs partenaires arabes et internationaux pour créer

"une force internationale de stabilisation (ISF) temporaire à déployer immédiatement à Gaza" afin d'établir "le contrôle et la stabilité". Outre assurer la sécurité à Gaza, le plan prévoit que l'ISF "collaborera avec Israël et l'Égypte pour aider à sécuriser les zones frontalières, en collaboration avec les forces de police palestiniennes nouvellement formées".

Le concept présenté dans le plan est le suivant : au fur et à mesure que l'ISF prendrait le contrôle des zones occupées par Israël, les forces israéliennes s'en retireraient. Toutefois, ce plan repose essentiellement sur le désarmement des factions palestiniennes dans les zones dont l'armée israélienne accepterait de se retirer. Il précise que le retrait israélien serait

"basé sur des critères, des étapes et des délais liés à la démilitarisation, dans le but de sécuriser Gaza afin qu'elle ne représente plus une menace pour Israël, l'Égypte ou ses concitoyens".

"Toutes les factions palestiniennes émettront sans doute d'énormes réserves et ne rendront pas les armes", a déclaré Al-Arian. "Les gens ont le droit de se défendre, en particulier lorsqu'ils sont confrontés à un ennemi qui ne respecte aucune loi, ni le droit international, ni le droit humanitaire".

Lundi à la Maison Blanche, Trump a affirmé avoir obtenu l'engagement des pays arabes et musulmans

"de démilitariser Gaza, et ce au plus vite. Il faut neutraliser les capacités militaires du Hamas et de toutes les autres organisations terroristes. Agissez immédiatement. Nous comptons sur les pays que j'ai cités et sur d'autres pour traiter avec le Hamas".

Al-Arian s'est dit sceptique quant à savoir si Israël accepterait réellement le déploiement d'une force étrangère, en particulier arabe. Mais même si cela devait se produire, il pense que cela aurait peu de chances d'atteindre le prétendu objectif de désarmer les factions de la résistance palestinienne.

"Ils ne laisseront pas de troupes arabes et internationales combattre la résistance. La résistance ne rendra pas les armes de son propre chef", a-t-il déclaré. "Ce qui pousse les Israéliens à dire : 'Si cela ne se produit pas, nous ne partirons pas'. On se retrouve donc avec un conflit gelé qui pourrait en fait dégénérer en nouvel épisode de génocide. Mais cette fois, les Américains diront : 'Nous avons essayé, nous avons échoué'. Et les Israéliens auront alors les mains libres pour reprendre leur génocide".

Le Hamas a déclaré à plusieurs reprises qu'il céderait le pouvoir à Gaza à un comité technocratique indépendant composé de Palestiniens. À plusieurs reprises, le Hamas a proposé d'inclure cette clause dans les précédentes propositions de cessez-le-feu, mais les États-Unis et Israël l'ont à chaque fois supprimée. Le plan Trump stipule que

"le Hamas et les autres factions acceptent de ne jouer aucun rôle dans la gouvernance de Gaza, que ce soit directement, indirectement ou sous quelque forme que ce soit".

Il ne précise pas quelles factions sont concernées.

Si le plan Trump stipule que

"Gaza sera gouvernée dans le cadre d'une gouvernance transitoire temporaire par un comité palestinien technocratique et apolitique",

il exige qu'elle soit supervisée par une autre entité nouvellement créée, qui serait dirigée par Trump et gérée, selon certaines informations, par l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair. Le document fait référence à la potentielle future implication de l'Autorité palestinienne, mais ne donne aucun calendrier.

Hossam Badran, membre du bureau politique du Hamas, a dénoncé le rôle de Blair, un belliciste notoire qui, depuis qu'il a quitté ses fonctions, a passé son temps à tirer profit de son influence auprès de dictateurs et de despotes.

"Je pourrais appeler Tony Blair 'le frère du diable'. Il n'a rien apporté de bon à la cause palestinienne, aux Arabes ou aux musulmans. Son implication criminelle et dévastatrice dans la guerre en Irak, où il a joué un rôle de premier plan, tant sur le plan théorique que pratique, n'est plus à prouver", a déclaré Badran à Al Jazeera Mubasher dimanche. "Tony Blair n'est pas le bienvenu dans la cause palestinienne et tout plan associé à cet individu est de mauvais augure pour le peuple palestinien".

Après avoir démissionné de son poste de Premier ministre britannique, Blair a occupé la fonction d'envoyé officiel au Moyen-Orient pour le Quartet - composé des États-Unis, de l'ONU, de l'UE et de la Russie - de 2007 à 2015, et a été vivement contesté pour ses piètres prestations.

Al-Arian a fait remarquer que, bien que le Hamas accepte de ne pas siéger dans un organe de gouvernement provisoire pour Gaza, Israël et Trump semblent vouloir priver les Palestiniens de leur droit de choisir démocratiquement leurs dirigeants.

"À terme, une forme de transition démocratique devra être mise en place, avec des élections démocratiques permettant aux Gazaouis de se gouverner eux-mêmes", a-t-il ajouté. "Je ne crois pas qu'un seul Palestinien accepte d'être gouverné par une puissance étrangère. Cette mentalité impérialiste et colonialiste est inacceptable pour tous les Palestiniens".

Le plan de Trump prévoit la mise en place d'un

"plan de développement économique" géré par un "groupe d'experts à l'origine de certaines des villes les plus prospères du Moyen-Orient".

Ces propos concordent avec les éloges adressés par Trump aux dirigeants des pays du Golfe lors de sa visite au Qatar, en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, en mai. Bien que Trump n'ait pas mentionné sa menace souvent proférée de transformer Gaza en une "Riviera du Moyen-Orient" gérée par les États-Unis, le plan suggère qu'il voit de belles opportunités d'investissement privé dans les décombres de Gaza.

Lors de la conférence de presse, lundi, Trump s'est adressé à David M. Friedman, le stratège en chef de Netanyahu, assis au premier rang, dans une digression décousue qualifiant Gaza de "plus beau site immobilier de la région" et présentant une version historiquement inexacte selon laquelle Israël l'aurait "donnée" aux Palestiniens en 2005.

"Ils ont dit : 'Prenez-la. C'est notre contribution à la paix'. Mais cela n'a pas fonctionné. Cela n'a pas fonctionné. Tout le contraire de la paix", a déclaré Trump. "Ils se sont retirés, ils leur ont laissé le champ libre. Et je n'ai jamais oublié cela, car j'ai pensé : 'Ce n'est pas un bon deal pour un professionnel de l'immobilier'. Ils ont renoncé à l'océan, vous voyez ? Ron, ils ont renoncé à l'océan. Ils ont dit : 'Voulez-vous un accord ?' Et cela n'a jamais fonctionné. Ils ont été très généreux, en fait. Ils ont renoncé à la plus belle partie du Moyen-Orient. Ils ont dit : 'Tout ce que nous voulons maintenant, c'est la paix'. Cette demande n'a pas été honorée".

"Quelle que soit la décision à prendre, Trump fait appel à quelqu'un en coulisses, que ce soit ses enfants, son gendre ou ses amis, pour intervenir", a poursuivi Al-Arian. "Il y voit donc de gros profits potentiels, et c'est la raison pour laquelle il a fait appel à Tony Blair : afin de contrôler l'argent et ce qui se passe à Gaza".

Alors que Trump et Netanyahou s'apprêtent à imposer leur plan à Gaza, le Hamas et le Jihad islamique palestinien détiennent toujours près de 50 prisonniers israéliens, vivants ou morts. Le Hamas sait que c'est l'unique atout dont il dispose pour toute négociation.

"La seule chose que le Hamas peut vraiment refuser, c'est la remise des prisonniers", selon Al-Arian. "Le Hamas ne tient pas à se faire dépouiller de cet atout et se retrouver pris dans une autre guerre sans aucun pouvoir de négociation".

Si Netanyahu et Trump tentent de les récupérer militairement, il est certain que beaucoup d'entre eux, sinon tous, seront tués. La branche armée du Hamas, les Brigades Qassam, a déjà lancé plusieurs avertissements à Israël contre de telles tentatives.

Le plan Trump stipule qu'"une fois tous les otages libérés, les membres du Hamas qui s'engagent à coexister pacifiquement et à rendre les armes bénéficieront d'une amnistie. Les membres du Hamas qui souhaitent quitter Gaza se verront offrir un passage sûr vers les pays d'accueil".

Cette clause présente le Hamas comme un petit groupe de combattants étrangers plutôt que comme un mouvement politique ayant remporté des élections démocratiques, gouverné Gaza pendant deux décennies et bénéficiant toujours d'un important soutien dans les sondages publics à travers la Palestine.

Bien que la proposition de Trump réponde à certaines des revendications de la résistance palestinienne, comme la reprise de l'approvisionnement en produits de première nécessité et en aide humanitaire, l'échange de prisonniers ou encore un plan de retrait des forces d'occupation, il favorise largement Israël.

Mais Al-Arian a précisé que ces conditions ne justifient pas les pièges que recèle le texte du plan de paix.

"Même en atteignant la première phase du plan, nous ne pourrions pas obtenir ce que nous voulons. L'issue du processus dépendra principalement d'autres dynamiques, mais surtout de l'administration Trump, résolument sioniste. Je n'ai donc pas beaucoup d'espoir que cet accord se réalise.

"Tout cela se soldera par un regain de violence pour établir le Grand Israël, mais aussi par une intensification de la résistance. En d'autres termes, l'instabilité va perdurer".

La Maison Blanche a publié lundi une carte montrant les retraits proposés des troupes israéliennes dans le cadre du plan de Trump pour Gaza.

Ruiner les négociations

Certaines dispositions de ce plan semblent s'inspirer des 13 points d'un plan rédigé par les États-Unis et Israël, que le Hamas a acceptés le 18 août. Israël n'a jamais officiellement répondu à sa validation par le Hamas, que les États-Unis ont présenté publiquement comme l'accord qui allait mettre fin à la guerre. Israël finalisait alors les préparatifs d'une invasion terrestre à grande échelle de la ville de Gaza, pour en expulser un million de Palestiniens. Le 20 août, soit deux jours après les  importantes concessions du Hamas et la validation du plan Witkoff, Israël a poursuivi son invasion de la ville de Gaza.

Alors qu'Israël intensifiait ses frappes aériennes et ses opérations terrestres à Gaza, Trump  a pompeusement annoncé, le 3 septembre, faire une offre de la dernière chance au Hamas. Les États-Unis ont remis au Hamas, par l'intermédiaire de médiateurs qataris, un  document de 100 mots exigeant la libération inconditionnelle de tous les prisonniers israéliens, vivants ou morts, à Gaza, en échange d'un cessez-le-feu de 60 jours et d'un vague engagement à mettre fin à la guerre. Tout cela, alors que le Hamas avait déjà accepté ce que Trump qualifiait également d'accord de la dernière chance. Pendant que les États-Unis engageaient des négociations secrètes avec le Hamas, prétendant vouloir conclure un accord, le chef d'état-major de l'armée israélienne, Eyal Zamir, a publiquement menacé d'assassiner les dirigeants du Hamas en dehors de Gaza s'ils ne se rendaient pas.

Alors que les responsables du Hamas étaient rassemblés à Doha le 9 septembre pour discuter de la réponse à apporter au document d'une page rédigé par Trump et aux messages reçus par l'intermédiaire de médiateurs, Israël a lancé ce qu'il a appelé l'opération "Jour du jugement", bombardant les bureaux du Hamas et la résidence qatarie de son chef politique et négociateur, Khalil Al-Hayya. Si l'attaque n'a pas réussi à tuer les dirigeants du Hamas, elle a coûté la vie au fils d'Al-Hayya, à quatre membres du personnel administratif du mouvement et à un agent de sécurité qatari. L'attaque a également blessé la femme d'Al-Hayya, sa bru et certains de ses petits-enfants.

Le Qatar abrite le Commandement central américain, la principale installation militaire stratégique des États-Unis dans la région. Israël a pu mener ses attaques sans rencontrer de résistance des systèmes de défense aérienne fournis par les États-Unis au Qatar, soulevant ainsi de sérieuses questions quant au degré d'implication de l'Amérique dans cette frappe. Si l'administration Trump affirme avoir été alertée par Israël peu avant les frappes aériennes et avoir tenté d'avertir le dirigeant qatari, cet argument défie le bon sens. Aucun pays au monde ne dispose d'un dispositif militaire et du renseignement plus conséquent dans la région que les États-Unis.

Qu'il s'agisse d'un plan israélien ou d'un coup monté américano-israélien, la série d'événements, notamment le sabotage, parrainé par les États-Unis, d'un nouvel accord de cessez-le-feu, a mené à plusieurs semaines de tueries aveugles, de déplacements forcés et de destructions massives dans le nord de Gaza.

Le 15 septembre, les dirigeants arabes se sont réunis en sommet d'urgence à Doha pour discuter du bombardement du Qatar par Israël. Ils se sont finalement contentés de publier un communiqué ferme, refusant toutefois de prendre des mesures militaires en réponse à l'attaque israélienne. Trump a dit ne pas être ravi du bombardement israélien du Qatar et a affirmé que cela ne se reproduirait pas. Cependant, selon deux sources diplomatiques arabes citées par Drop Site, le secrétaire d'État Marco Rubio aurait déclaré lors de sa récente visite à Doha que les États-Unis ne s'engageraient pas tant que le Hamas resterait actif au Qatar. Un porte-parole du département d'État a refusé de confirmer ou d'infirmer les informations de ces deux sources à Drop Site.

Lors de son entretien avec Trump, lundi, Netanyahu a présenté ses excuses à l'émir du Qatar lors d'un appel téléphonique depuis la Maison Blanche, et a promis de ne plus violer la souveraineté de l'émirat. Mais ces excuses portaient uniquement sur le meurtre du garde de sécurité qatari et non sur le bombardement du bureau du Hamas en vue de tuer son équipe de négociateurs, alors que le Qatar servait de médiateur à la demande des États-Unis.

Lundi, le ministère qatari des Affaires étrangères a publié une déclaration dans laquelle il accepte les excuses de Netanyahu et annonce la reprise de ses efforts de médiation pour soutenir le plan de Trump. Depuis la tentative d'assassinat par Israël des dirigeants extérieurs du Hamas, plusieurs hauts responsables du groupe sont détenus dans des maisons sécurisées au Qatar, avec un accès limité aux communications. Bien que le maintien des contacts avec les commandants sur le terrain à Gaza en ait été compliqué, des sources ont déclaré à Drop Site qu'ils ont mis au point des méthodes alternatives.

Alors que le Hamas et d'autres groupes palestiniens débattent de leur réponse au plan Trump, la décision finale ne reviendra pas à ceux qui siègent à Doha, mais à ceux qui opèrent à Gaza.

"Ils soumettront leur proposition aux dirigeants en exil qui l'étudieront et prendront telle ou telle décision. Ces décisions feront également l'objet d'une consultation avec les responsables sur le terrain, à Gaza. Et ce sont leurs décisions qui prévaudront. Ce sont eux qui contrôlent les prisonniers israéliens", a souligné M. Al-Arian. "Peu importe ce que disent les gens hors de Gaza. Ce n'est qu'une prise de position et ils espèrent qu'elle sera acceptée par les habitants de Gaza. Et ce sont les dirigeants sur le terrain à Gaza qui devront trancher. Mais je pense que, dans l'ensemble, le Hamas et la résistance ont fait preuve d'une discipline remarquable et ont prouvé leur capacité à communiquer et à faire preuve d'unité".

Traduit par  Spirit of Free Speech

 ssofidelis.substack.com