23/10/2025 ssofidelis.substack.com  8min #294251

La Cour internationale de justice estime que les Israéliens ont enfreint la loi en affamant les Palestiniens de Gaza

"Le Palais de la Paix à La Haye, aux Pays-Bas, siège de la Cour internationale de justice". Domaine public. Via Wikimedia Commons.

Par  Juan Cole, le 23 octobre 2025

Ann Arbor - La  Cour internationale de justice, créée par l'ONU pour statuer sur les litiges entre nations, a rendu mercredi un avis consultatif qualifiant d'illégal le blocus israélien sur l'aide alimentaire et médicale dans la bande de Gaza occupée.

Cette conclusion relève pourtant du simple bon sens. On ne peut affamer des populations. C'est non seulement illégal, mais aussi le comble de l'immoralité et de la cruauté. Les criminels de guerre qui dirigent le gouvernement israélien estiment pouvoir agir à leur guise envers les Palestiniens, sous prétexte qu'ils sont palestiniens, que des millions d'entre eux seraient des terroristes, ou qu'il n'y aurait pas d'innocents parmi certaines populations. Tout être doté d'un cœur et d'un esprit ne peut qu'être en désaccord avec de telles pratiques. Malheureusement, l'humanité compte bon nombre de sans-cœur et de sans-cervelle, dont certains sont extrêmement puissants.

Alors que le droit international humanitaire est de plus en plus ouvertement bafoué - afin de le discréditer et de garantir l'impunité de ses violateurs -, la Cour a confirmé la IVè Convention de Genève de 1949 relative aux populations occupées, ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 (ci-après le "PIDESC"), un dispositif des Nations unies signé par Israël.

La Cour nous rappelle

qu'"en tant que puissance occupante, Israël est tenu de pourvoir aux besoins fondamentaux de la population locale, y compris aux approvisionnements indispensables à sa survie. Ces obligations sont énoncées aux articles 55 et 56 de la quatrième Convention de Genève".

Cette obligation est également implicite dans la Charte des Nations unies, dont Israël est signataire.

La Cour ajoute

qu'"Israël est non seulement tenu de satisfaire à l'obligation d'assurer l'approvisionnement fondamental de la population locale dans toute la mesure de ses moyens, mais qu'il a également le devoir de ne pas entraver l'accès à ces approvisionnements ou à des services de santé publique".

Au lieu de remplir ces obligations, le gouvernement israélien a provoqué une famine à Gaza en bloquant l'entrée des camions de vivres de l'ONU :

"Selon l'IPC, au 12 mai 2025, la moitié de la population de la bande de Gaza était confrontée à des niveaux d'insécurité alimentaire d'urgence, et près d'un demi-million de personnes à des niveaux catastrophiques".

Israël est également tenu de tout mettre en œuvre pour épargner les travailleurs humanitaires. Même lorsqu'un travailleur humanitaire participe à des activités de résistance, Israël ne peut le tuer que lorsqu'il est activement engagé dans des opérations militaires, et non lorsqu'il soigne un blessé. La CIJ note que, selon les Nations unies,

"entre le 7 octobre 2023 et le 20 août 2025, au moins 531 travailleurs humanitaires, dont 366 membres du personnel des Nations unies, ont été tués dans la bande de Gaza".

En d'autres termes, Israël a l'obligation "positive" de veiller à ce que la population occupée soit correctement approvisionnée et bénéficie de soins de santé. Il a également l'obligation "négative", lorsqu'il contrevient à son obligation "positive", de ne pas entraver l'acheminement de cette aide par l'ONU, l'UNRWA et d'autres agences humanitaires, afin de garantir que les Palestiniens ne souffrent pas de famine ou de privation de soins médicaux.

La Cour note que la Convention de Genève, tout comme la Charte des Nations unies, interdit l'expulsion forcée de populations civiles des territoires occupés.

Cependant, "selon certains observateurs, dont les Nations unies, l'armée israélienne a émis de nombreux ordres d'expulsion, forçant des centaines de milliers de personnes à se regrouper dans des zones surpeuplées et limitant la capacité des Nations unies à leur fournir les premiers secours dont elles ont un besoin urgent".

La Cour a confirmé le rôle confié par l'ONU à l'Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA) pour venir en aide aux réfugiés palestiniens. Elle cite un document de l'ONU selon lequel :

  • "Dans des conditions normales, l'UNRWA gère près de 400 écoles, plus de 65 dispensaires et un hôpital, et compte plus de 17 000 employés affectés au territoire palestinien occupé. En Cisjordanie, il gère 96 écoles et 43 établissements de santé. Dans la bande de Gaza, l'UNRWA était le principal fournisseur de services essentiels, scolarisant environ 300 000 enfants dans 288 écoles et deux centres de formation, fournissant des soins de santé à quelque 900 000 patients et apportant une aide d'urgence à environ 1,1 million de personnes. Selon l'ONU, l'UNRWA est indispensable pour fournir des services essentiels aux Palestiniens dans les territoires palestiniens occupés.

Les responsables israéliens ont affirmé que l'UNRWA serait largement infiltrée par le Hamas. La Cour n'a pas jugé ces allégations crédibles et a écrit :

"La Cour estime qu'Israël n'a pas étayé ses allégations selon lesquelles une part importante des employés de l'UNRWA 'seraient membres du Hamas ou d'autres factions terroristes'".

L'UNRWA comptait 17 000 employés à Gaza, et la Cour ne peut exclure que certains d'entre eux se soient rendus coupables d'actes répréhensibles. Toutefois, elle estime que l'ONU et l'UNRWA ont enquêté sur toutes les accusations crédibles et que la neutralité de l'organisation ne fait aucun doute.

Le gouvernement israélien, dirigé par le Likoud, lance toutefois des accusations de "terrorisme" sans fournir la moindre preuve, presque aussi arbitrairement qu'il lance ses accusations d'"antisémitisme". En réalité, tous ceux qui osent s'opposer au Likoud sont calomniés par ces deux adjectifs. Mais cette propagande extrémiste israélienne ne tient pas la route aux yeux des juristes avertis qui rendent leurs jugements non pas sous l'emprise de la peur, du clanisme ou de l'émotion, mais après avoir examiné les preuves en toute impartialité.

La CIJ n'a pas clairement affirmé que les responsables du Likoud ont pour intention d'affamer les Palestiniens de Gaza, mais elle l'a sous-entendu. L'UNRWA faisait obstacle à ce projet génocidaire. Ils ont donc calomnié et interdit l'UNRWA.

La Cour a souligné qu'aucune autre organisation n'a l'envergure ni les compétences de l'UNRWA pour venir en aide aux Palestiniens de Gaza. Elle admet toutefois qu'il est permis à Israël, en tant que puissance occupante, d'assurer les soins et le bien-être des Palestiniens sous son occupation en recourant à d'autres organisations. La Cour souligne toutefois qu'Israël n'a en réalité mis en place aucun mécanisme de ce type et que la "Fondation humanitaire de Gaza", aujourd'hui dissoute, était inefficace et ne saurait en aucun cas remplacer l'UNRWA. Les Israéliens se sont si peu souciés de l'aide alimentaire que l'été dernier, l'ONU a conclu qu'ils ont délibérément favorisé une famine à Gaza.

La Cour a finalement donné raison au secrétaire général de l'ONU, António Manuel de Oliveira Guterres, qui a déclaré

qu'"il n'existe actuellement aucune alternative réaliste à l'UNRWA susceptible de fournir de manière adéquate les services et l'aide dont les réfugiés palestiniens ont besoin".

Israël ne peut non plus empêcher d'autres organisations humanitaires d'intervenir (comme il l'a fait) :

"L'article 59 de la IVè Convention de Genève fait référence à l'aide fournie par 'les États ou par des organisations humanitaires impartiales'. Ainsi, tant que la population reste insuffisamment approvisionnée et qu'Israël ne met pas en place un système d'aide humanitaire conforme à ses obligations en vertu du droit international humanitaire, il est tenu, en vertu de cet article, d'accepter et de faciliter les programmes d'aide fournis par des États tiers ou des organisations humanitaires impartiales, telles que le CICR".

Enfin, la Cour a estimé être compétente pour statuer sur la question de Gaza, avoir l'autorité de rendre cet avis consultatif et s'en être acquittée.

Elle estime à l'unanimité qu'Israël a le devoir :

"de veiller à assurer à la population du territoire palestinien occupé l'accès aux besoins essentiels à la vie quotidienne, notamment à la nourriture, à l'eau, aux vêtements, à la literie, à un abri, au combustible, aux équipements et services médicaux".

Elle estime également qu'Israël a l'obligation de laisser l'UNRWA accomplir sa mission à Gaza.

Sur les 11 juges, seule la chrétienne ougandaise Julia Sebutinde, sioniste et chrétienne, a exprimé son désaccord sur ce point.

De plus, Israël est tenu de cesser de détruire les hôpitaux, de tuer ou d'enlever des médecins (ce point a obtenu un vote unanime).

Les Israéliens doivent également mettre fin aux expulsions massives de Palestiniens (décision unanime).

En substance, la CIJ a estimé que l'ensemble des opérations militaires menées par Israël contre Gaza sont illégales.

Il est honteux que le département d'État américain, sous la direction de Marco Rubio, ait dénoncé l'avis consultatif de la CIJ. Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis se sont imposés comme un acteur majeur dans l'élaboration du droit international humanitaire, dans l'espoir de prévenir un autre conflit mondial. Quelque 64 millions de personnes ont été tuées pendant ce conflit, soit presque toute la population actuelle du Royaume-Uni ou de la France. Aujourd'hui, les États-Unis détruisent le socle juridique qu'ils ont contribué à bâtir. Et cela finira par se retourner contre tous.

Traduit par  Spirit of Free Speech

*  Juan Cole est le fondateur et rédacteur en chef d'Informed Comment. Il est professeur d'histoire à l'université du Michigan, où il occupe la chaire Richard P. Mitchell. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont  Muhammad: Prophet of Peace amid the Clash of Empires (Mahomet : prophète de paix au milieu du choc des empires) et  The Rubaiyat of Omar Khayyam (Les Rubaiyat d'Omar Khayyam). Suivez-le sur Twitter à l'adresse  @jricole ou sur la  page Facebook d'Informed Comment.

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newsnet 2025-10-23 #15208

c'est pas possible d'avoir des titres aussi débiles.
"pensent que".