25/10/2025 ssofidelis.substack.com  13min #294389

 Venezuela : Le véritable objectif du Commandement Sud sur les côtes vénézuéliennes

Marco Rubio, promoteur du chaos au Venezuela

Capture d'écran d'une vidéo publiée par Donald Trump sur Truth Social le 15 septembre 2025 annonçant une frappe américaine contre un navire soupçonné de transporter de la drogue.

Par  Ryan Grim, Saagar Enjeti & Jack Poulson, le 24 octobre 2025

Selon les services du renseignement américains, très peu, voire aucun trafic de fentanyl ne provient du Venezuela.

Les services du renseignement américains ont estimé que très peu, voire aucun trafic de fentanyl vers les États-Unis ne provient du Venezuela, malgré les récentes déclarations de l'administration Trump, a déclaré à Drop Site un haut responsable américain directement au fait du dossier.

Le responsable a fait remarquer que bon nombre des bateaux visés par les frappes de l'administration Trump ne disposent même pas de la capacité en essence ou en puissance moteur nécessaire pour atteindre les eaux américaines,  contredisant fortement les affirmations du secrétaire à la Défense Pete Hegseth. Cette affirmation est corroborée par les récentes déclarations du sénateur Rand Paul, Républicain du Kentucky, qui a également souligné que le fentanyl n'est pas produit au Venezuela.

Malgré l'absence de renseignements reliant le Venezuela à la production de fentanyl, l'administration Trump a fait du trafic de drogue vénézuélien présumé le casus belli de sa campagne visant à renverser le gouvernement de Nicolas Maduro. Jeudi, le président Donald Trump a évoqué une éventuelle opération terrestre, affirmant lors d'une conférence de presse que les "drogues maritimes" entrant dans le pays représentent "5 % de moins qu'il y a un an. Elles arrivent donc désormais par voie terrestre". "La prochaine étape sera terrestre", a-t-il déclaré, indiquant qu'il était prêt à contourner l'approbation du Congrès. Vendredi, les États-Unis ont annoncé l'envoi d'un porte-avions en Amérique latine, marquant une nouvelle escalade.

Deux sources proches des discussions à la Maison Blanche soulignent que le secrétaire d'État Marco Rubio, partisan de longue date d'un changement de régime au Venezuela, a été le moteur de la posture militaire et rhétorique agressive envers le régime Maduro.

Le secrétaire Rubio, également responsable des vestiges de l'Agence américaine pour le développement international, a donc réaffecté des millions de dollars précédemment alloués à des mesures "pro-démocratiques" au Venezuela et dans les pays voisins, dans une tentative à peine dissimulée de préparer la région à la guerre.

Au cours des premiers mois de l'administration, Rubio a avancé plusieurs arguments en faveur d'un changement de régime au Venezuela, principalement basés sur les droits de l'homme et les préoccupations électorales, qui n'ont cependant pas convaincu Trump. Après avoir pris ses fonctions au Conseil national de sécurité au printemps, Marco Rubio a présenté un nouvel argument à Trump : Maduro serait un narcotrafiquant terroriste, selon une  mise en accusation de 2020 par le ministère de la Justice sous la première administration Trump pour trafic présumé de cocaïne.

Le responsable a souligné que l'aversion personnelle de Trump pour la drogue et sa promesse électorale de mobiliser l'armée américaine contre les cartels de la drogue mexicains ont été les arguments décisifs, poussant Trump à donner son feu vert aux récentes frappes. Trump n'ayant toujours pas mené d'opérations contre les cartels mexicains, jugées politiquement inattaquables, Rubio a habilement détourné son attention vers Maduro. La perpective d'accéder aux vastes ressources pétrolières du Venezuela a été la cerise sur le gâteau.

Un récent événement a pourtant menacé de faire dérailler la campagne de Rubio., lorsque Maduro a  proposé de céder ces ressources pétrolières aux États-Unis en échange d'une cessation des hostilités. Trump  a évoqué cette offre lors d'une récente apparition publique, déclarant que Maduro

"a tout proposé. Vous savez pourquoi ? Parce qu'il ne veut pas se frotter aux États-Unis".

Selon les sources, Trump aurait rejeté l'offre après avoir écouté les arguments de Rubio avançant que le meilleur moyen de sécuriser les réserves pétrolières du Venezuela était de provoquer un changement de régime et de conclure des accords plus avantageux avec un nouveau gouvernement. Une récente évaluation du gouvernement américain sur les exportations pétrolières vénézuéliennes vers la Chine a révélé que celles-ci s'élevent à près d'un demi-million de barils par jour, soit bien moins que la capacité totale de production du pays. Trump exclut toutefois cette option à court terme.

La CIA et le département d'État n'ont pas répondu à nos appels à commenter ces informations.

La politique étrangère sous Trump est désormais sous l'emprise d'un groupe connu au sein de l'administration sous le nom de "Gang of Five", selon certaines sources. Ce groupe est composé de Marco Rubio, Stephen Miller, le chef de cabinet adjoint, Susie Wiles, chef de cabinet de Trump, Steve Witkoff, l'envoyé spécial de Trump, et le vice-président J.D. Vance. Le secrétaire à la Guerre Pete Hegseth, pour se rendre indispensable à l'administration, a appliqué avec zèle la stratégie de Rubio, attaquant régulièrement des bateaux qu'il accuse sans preuve de transporter de la drogue et brûlant vifs les passagers. Jeudi, assis aux côtés de Trump, Hegseth a promis une guerre sans fin contre la drogue.

"Notre génération a consacré deux décennies à traquer Al-Qaïda et Daech. Comme l'a dit le président, il s'agit ici de Daech, l'Al-Qaïda de l'hémisphère occidental... notre message à ces organisations terroristes étrangères : nous vous traiterons comme nous avons traité Al-Qaïda... Nous vous tuerons".

Des navires de guerre en Colombie

La façon dont Rubio utilise exactement les fonds "pro-démocratie" de l'USAID, ni la provenance de ces fonds, ne sont clairement mentionnés dans les divulgations fédérales. Toutefois, une série de contrats passés dans les pays voisins indique une intensification des préparatifs militaires en Colombie.

Une grande partie de la  résistance soutenue par les États-Unis contre Maduro, y compris la désastreuse  opération Gideon, une  tentative de coup d'État en mai 2020, a été basée en Colombie et en Guyane. Fin septembre, le service chargé de l'application des lois internationales du département d'État américain a signé un contrat de  deux ans, d'un montant de 4,8 millions de dollars, pour la création d'un "stand de tir virtuel colombien" avec la société  VirTra, Inc., basée en Arizona. Deux ventes militaires à l'étranger ont également été réalisées par l'intermédiaire des garde-côtes américains : 1,73 million de dollars pour un nombre non divulgué de  bateaux de 6 mètres, signé le 12 septembre, et  3,8 millions de dollars pour huit "unités de combat fluviaux" de 7m50, signé quatre jours plus tard. La succursale d'Arlington du cabinet de conseil international Deloitte a également obtenu un contrat de trois ans d'un montant de  3 millions de dollars avec le Bureau des ressources énergétiques du département d'État américain pour des services en Colombie le 30 septembre, après des années de  pratique de "conseil" dans le domaine minier dans la région.

Si ces contrats indiquent que des millions de dollars sont investis en Colombie, cette vague de financement pourrait désormais être compromise par la  récente condamnation par le président Gustavo Petro d'une frappe aérienne américaine meurtrière menée le 15 septembre contre un bateau de pêche dans les eaux colombiennes.

Le 3 octobre, la vice-présidente de Maduro, Delcy Rodriguez, a accusé Exxon de financer une attaque militaire dans la région. Cette accusation survient moins de deux semaines après que la compagnie pétrolière texane  a annoncé une expansion de 6,8 milliards de dollars de ses activités en Guyane, qui est en conflit frontalier de longue date avec le Venezuela concernant la  région d'Essequibo.

"La Guyane a ouvert ses portes à l'envahisseur américain et à l'agression militaire contre notre pays", a déclaré Mme Rodriguez, avant d'ajouter qu'Exxon "finance le gouvernement guyanais"

pour cette opération. (En revanche, le gouvernement Maduro entretient depuis longtemps des  relations amicales avec Chevron, concurrent d'Exxon basé dans la région de Houston, à la tête de près d'un quart de la production pétrolière du pays).

La CIA a également cherché à s'implanter dans les médias. L'ancien chef de l'agence de la CIA à Paris, Dale Bendler, récemment  mis en cause, s'est enregistré rétroactivement en tant qu'agent étranger pour Armando Capriles, qu'il a qualifié de PDG de Cadena Capriles, ancienne dénomination de la société mère du très populaire quotidien vénézuélien Ultimas Noticias. Il a tenté de recruter Capriles comme agent d'une "OGA" (autre agence gouvernementale) en échange d'une certaine clémence vis-à-vis des sanctions américaines, en 2019. On ignore s'il a pu le recruter.

Les registres des marchés publics mettent également en évidence les activités de longue date des opérations spéciales américaines dans la région. La société texane Madison Springfield, Inc. (MSI), spécialisée dans la guerre de l'information, a mené une enquête d'un an, d'un montant de  458 915 dollars, intitulée "Guyana Ghost Men assessment" pour le compte du Commandement des opérations spéciales de l'armée américaine, à partir de septembre 2021. Avant la fin de cette enquête, MSI a été  discrètement rachetée par Premise Data, une société de collecte de renseignements basée à San Francisco, qui a elle-même été gratifiée d'un contrat de sous-traitance de l'USAID d'un montant de 498 701 dollars de l'USAID pour de la collecte d'informations au Venezuela 35 jours avant la tentative de coup d'État manquée de l'opération Gideon, selon des  informations rendues publiques. Suite à la faillite financière de Premise, les deux sociétés ont été  rachetées en août par Culmen International, une société de sous-traitance spécialisée dans les opérations spéciales basée à Alexandrie.

"Promouvoir la démocratie"

Le gouvernement américain tente depuis des décennies de renverser le gouvernement socialiste du Venezuela, notamment par l'intermédiaire du Bureau des initiatives de transition (OTI) de l'USAID, selon un câble diplomatique américain  divulgué en 2006 et largement commenté. Le câble détaillait la stratégie en cinq points de l'OTI pour s'opposer au prédécesseur de Maduro, Hugo Chavez :

"1) Renforcer les institutions démocratiques, 2) Infiltrer la base politique de Chavez, 3) Diviser le chavisme, 4) Protéger les intérêts commerciaux vitaux des États-Unis et 5) Isoler Chavez sur la scène internationale".

Le National Endowment for Democracy (NED), bras quasi officiel de l'action politique internationale des États-Unis, a pour mission délicate de financer des organisations à but non lucratif et des journalistes afin de servir les objectifs de la politique étrangère américaine tout en permettant aux bénéficiaires de continuer à revendiquer leur indépendance. La première administration du président Trump aurait même  émis des réserves sur une campagne secrète de "promotion de la démocratie" menée par la CIA contre le président vénézuélien Nicolas Maduro en 2019, qui aurait été "difficile à démarquer" de ses homologues officiels.

Avant sa tentative ratée d'évincer Maduro, le NED a vanté son soutien à un rapport primé sur le président vénézuélien, intitulé "Petrofraude", réalisé par l'organisation Connectas basée à Bogota, ainsi qu'à une campagne sur les réseaux sociaux en faveur de l'opposition à Maduro,  #SetThemFree. (Fondée en 2012 en tant que sous-programme de la bourse d'études de Harvard, Connectas a  clairement divulgué son financement par le NED depuis au moins 2013, mais se montre moins transparent sur les  88 000 dollars reçus du Bureau des affaires internationales relatives aux stupéfiants et à l'application de la loi du département d'État américain, qui travaille en étroite collaboration avec les agences de police internationales, notamment pour pratiquer les écoutes téléphoniques.)

À l'approche de la troisième investiture de Maduro, le NED a de nouveau  publiquement souligné sa collaboration avec Connectas, saluant la campagne  "Operation Retweet" de ce média qui diffuse anonymement des articles critiques à l'aide d'avatars alimentés par l'IA. Le NED a également indiqué avoir

"rapidement déployé un plan d'urgence en trois volets : soutenir les organisateurs politiques pour mobiliser les réseaux locaux, fournir une aide d'urgence (notamment en matière de relogement, de mise à l'abri et de services médicaux et psychologiques) aux personnes en danger, et aider les principaux groupes de la société civile proposant une aide juridique, technique et humanitaire aux prisonniers politiques et à leurs familles".

Pendant des années, le département d'État américain et l'USAID, aujourd'hui dissoute, ont fait disparaître des registres publics les noms des bénéficiaires de fonds d'action politique dans les zones sensibles, invoquant un engagement à prévenir tout potentiel préjudice. Le NED a lui-même supprimé rétroactivement des millions de dollars de subventions en Ukraine en 2022, puis a mis fin au principe de transparence par défaut concernant les bénéficiaires de subventions grâce à une nouvelle politique de  "devoir de précaution" en avril 2025.

La nouvelle administration Trump a  supprimé la plupart des programmes d'action politique de l'USAID dès ses premiers mois au pouvoir, seuls quelques programmes anticommunistes à Cuba ayant été  partiellement épargnés. Une  liste publiée par Politico divulguant les coupes dans les programmes d'aide a révélé que les suppressions "America First" concernaient notamment l'arrêt d'une  subvention de 6,2 millions de dollars à l'organisation Partners of the Americas, Inc., qui s'était engagée à « assurer une transition en douceur du système de la distribution alimentaire contrôlé par le gouvernement Maduro vers un système alimentaire basé sur l'économie de marché d'un nouveau gouvernement vénézuélien ». Le programme de soutien alimentaire de Maduro, appelé Comités locaux d'approvisionnement et de production (CLAP), a été  durement frappé par les sanctions américaines pendant le premier mandat de Trump, et l'un de ses dirigeants a été arrêté puis  expédié à Miami.

Traduit par  Spirit of Free Speech

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