09/11/2025 ismfrance.org  5min #295780

Pourquoi le chantage d'Israël sur l'aide humanitaire révèle faiblesse et peur

Adnan Hmidan, 8 novembre 2025.- L'exigence d'Israël que les organisations humanitaires le reconnaissent comme un « État juif » et renoncent au droit international avant d'acheminer de l'aide à Gaza n'est pas un acte de confiance, mais un aveu de peur. Aucune nation légitime ne conditionne son existence à l'aide alimentaire aux enfants.

Novembre 2025. Des Israéliens aident leur Etat à affamer les Palestiniens à Gaza en bloquant les quelques camions autorisés à entrer. ( source)

Un État sûr de sa légitimité n'a pas besoin d'être reconnu pour permettre à la nourriture ou aux médicaments de parvenir aux populations affamées. De même, un pays en paix avec lui-même n'oblige pas les travailleurs humanitaires à signer des engagements politiques avant de distribuer de l'aide. Ce qu'Israël fait aujourd'hui à Gaza n'est pas une démonstration de force, mais un aveu de faiblesse.

Depuis le fragile cessez-le-feu annoncé en octobre 2025, Israël a remplacé les bombardements par la bureaucratie, instaurant une nouvelle forme de châtiment collectif : le chantage humanitaire. Chaque camion, chaque cargaison de médicaments ou de matériel d'abri, passe désormais par un point de contrôle politique et fait l'objet d'un examen idéologique inédit dans les pratiques humanitaires modernes.

Parmi les exigences figurent la reconnaissance publique d'Israël comme « État juif » par les organisations humanitaires et leur renoncement à toute coopération avec la Cour pénale internationale (CPI) et la Cour internationale de Justice (CIJ). De fait, Israël contraint les organisations humanitaires à bafouer le droit international en échange d'un accès aux mourants.

Ce comportement n'est pas celui d'un État sûr de lui. Il est celui d'une puissance hantée par son passé, cherchant désespérément à transformer l'aide humanitaire en une forme d'absolution. Israël tente d'instrumentaliser l'aide humanitaire pour blanchir ses actes, forçant le monde à valider son idéologie en échange de pain, d'eau et de médicaments.

L'expression « État juif » n'est pas une expression neutre de l'identité nationale. C'est un projet d'exclusion, une construction ethnonationale qui contredit la réalité historique de la Palestine, une terre qui, pendant des siècles, a incarné la coexistence.

Avant que le sionisme ne cherche à imposer une domination démographique par le siège et l'expulsion, la Palestine était une société pluraliste : une majorité musulmane vivait dans la dignité et la paix aux côtés des communautés chrétienne et juive.

L'obsession d'Israël d'être reconnu comme un État ethniquement défini révèle une profonde angoisse. Un État sûr de son identité ne sollicite pas la validation du monde. Exiger une reconnaissance idéologique comme condition d'accès humanitaire n'est pas un acte de souveraineté, mais un acte d'insécurité.

Ces exigences se heurtent frontalement aux principes humanitaires les plus fondamentaux. La neutralité, l'indépendance et l'impartialité ne sont pas des valeurs facultatives ; elles constituent les fondements juridiques de l'action humanitaire. Le droit international humanitaire garantit une aide humanitaire sans entrave aux civils dans le besoin et interdit explicitement de conditionner cette aide à une allégeance politique ou idéologique.

Demander aux organisations humanitaires de renoncer à la CPI ou à la CIJ - de désavouer les instruments mêmes de responsabilisation - revient à transformer l'humanitaire en un test de loyauté, le privant ainsi de sa légalité et de sa finalité morale.

Un tel comportement témoigne d'une profonde peur institutionnelle : peur de la justice, peur d'être tenu pour responsable et peur du consensus international croissant selon lequel ce qui se déroule à Gaza n'est pas un « conflit », mais un acte prolongé de destruction génocidaire.

L'obsession d'Israël à faire taire toute mention de la CPI et de la CIJ trahit sa conscience de ne pas être à l'abri des poursuites. Plus il clame haut et fort qu'il est au-dessus des lois, plus il révèle clairement sa terreur à l'idée d'y être confronté.

Les souffrances de Gaza aujourd'hui ne se mesurent pas seulement en bombes, mais aussi en négationnisme systématique - médicaments refusés, abris retardés, nourriture rationnée par un contrôle politique. Israël tue désormais lentement, par la paperasserie et les procédures, habillant sa domination du langage de la « sécurité ».

Si un groupe de résistance palestinien retenait le corps d'un seul prisonnier israélien, l'indignation mondiale serait assourdissante. Pourtant, quand Israël prend en otage une population entière - la privant de nourriture, de médicaments et de dignité - le monde détourne le regard. Ce silence n'est pas de la neutralité ; c'est de la complicité.

Gaza ne demande pas la charité. Son peuple exige le droit de vivre librement, de reconstruire ses maisons sans humiliation ni conditions politiques préalables. Il ne s'agit pas d'aide humanitaire, mais de liberté, de justice et du droit à vivre sans contrainte.

La solution est simple : lever les conditions politiques à l'accès humanitaire ; ouvrir les points de passage pour une aide humanitaire durable et prévisible ; rétablir les évacuations médicales et l'approvisionnement en matériel essentiel ; et soutenir les enquêtes indépendantes sans intimidation. Toute autre mesure ne fait que ressasser la même rhétorique de la « sécurité » pour perpétuer l'oppression.

Ce que les dirigeants israéliens redoutent le plus aujourd'hui, ce n'est pas une défaite militaire, mais un examen moral : la confrontation avec le droit, les faits et la vérité. Le chantage qu'ils pratiquent sous couvert de « sécurité » est le signe d'une puissance coupable qui cherche à gagner du temps.

Israël ne fait pas étalage de sa force ; il révèle sa faiblesse. Un État sûr de sa légitimité ne craindrait pas les tribunaux et n'aurait pas besoin de contraindre le monde à reconnaître ce qu'il prétend être. Ceux qui craignent la vérité l'ont déjà avouée, et ceux qui exigent la reconnaissance de leur existence ont déjà révélé leur fragilité.

Article original en anglais sur  Middle East Monitor / Traduction MR

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