
Par R Qureshi, le 7 novembre 2025
Ces derniers temps, j'ai du mal à trouver les mots. Mais à quoi servent les mots lorsque une dépravation sans limites devient si ordinaire qu'elle n'est plus qu'un bruit de fond ?
À Gaza et en Cisjordanie, les Palestiniens subissent un génocide et un nettoyage ethnique. J'ai lu ces mots mille fois, et à force, je suis sonné.
Je repense sans cesse à une image impossible à chasser. Des images de vidéosurveillance provenant d'une ferme palestinienne dans les collines au sud d'Hébron.
Neuf colons israéliens masqués et armés de gourdins ont été filmés en train de pénétrer dans la cour de la famille Dramin et de battre à mort des agneaux à coups de gourdins dans une ferme appartenant à des Palestiniens.
Ils soulèvent les brebis et les jettent brutalement contre un mur.
Ils arrachent les yeux des agneaux et des brebis. Un agneau gît au sol, inerte.
Les autres tremblent, collés à leur mère, tentant en vain d'échapper à ce massacre. Des êtres sensibles, les innocents d'entre les innocents. Mais cela n'a pas suffi à les sauver.
Le fermier avait séparé sa maison en deux, installant d'un côté - qui n'était en fait qu'une cabane - ses bête, les moutons. Lui et sa famille dormaient dans l'autre partie pour être près des moutons.
Il explique à l'interviewer qu'il a élevé ces animaux depuis leur naissance. Ils sont comme ses propres enfants, ils sont donc proches de lui et de sa famille. Les attaques sont de plus en plus fréquentes. Il dit qu'ils n'arrivent plus à manger ni à dormir, traumatisés par ces atrocités.
Je pense aussi aux milliers d'otages palestiniens qu'Israël prévoit d'exécuter si la Knesset adopte ce nouveau projet de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs présumés d'attaques jugées terroristes. Je repense au Dr Hussam Abu Safiyeh, ce pédiatre respectable et respecté, actuellement torturé à la prison d'Ofer. Son crime ? Avoir soigné ses patients et informé le monde entier de la destruction de son hôpital. En vertu de la Convention de Genève, il est considéré comme un otage, détenu et torturé sans inculpation ni procès.
Haaretz rapporte qu'entre janvier 2024 et juillet 2025, 279 soldats israéliens ont tenté de se suicider, et 36 sont morts par suicide. Les traumatismes psychologiques rongent le système de l'intérieur.
Je suis tombé sur une vidéo d'un enseignant israélien. Meir Baruchin est professeur d'histoire et d'éducation civique à Tel Aviv.
Il a été licencié, arrêté et enfermé à l'isolement quatre jours parce qu'il a écrit sur les civils tués à Gaza.
Il a grandi en croyant au mythe sioniste d'"une terre sans peuple pour un peuple sans terre". Les Palestiniens étaient décrits comme malfaisants, dangereux, inutiles. Il n'en a jamais rencontré. Il n'a jamais entendu parler de la Nakba.
Après sa libération, lorsqu'il s'est remis à faire cours, certains élèves lui ont craché dessus. D'autres ont préféré quitter le cours. Mais au fil du temps, il constate un changement. De plus en plus d'élèves commencent à l'écouter.
"L'éducation", dit-il, "est une opportunité pour les Israéliens de prendre conscience de la souffrance des Palestiniens et de leur histoire. Grâce à l'éducation, nous pouvons écrire une nouvelle histoire où Palestiniens et Juifs vivent égaux et en toute dignité. Mais avant tout, Israël doit mettre fin à ce génocide".
Le rabbin Beck vit à Stamford Hill [quartier de Londres]. Il est né en Palestine. Sa famille a quitté le pays parce qu'elle refusait de vivre sous l'occupation israélienne.
"Je ne reviendrai qu'avec un passeport palestinien".
Il est juif palestinien. Sept générations dans ce pays. Le judaïsme est une foi, le sionisme est un nationalisme, dit-il. L'un est une loi éthique, l'autre est une rébellion contre Dieu.
"Le sionisme a privé le judaïsme de sa sainteté. Les sionistes l'ont doté d'une armée, d'un drapeau et d'un pouvoir. Ils ont pris notre Torah et l'ont remplacée par une arme. Ils ont pris la terre aux Palestiniens. Ils ont pris leur identité aux Juifs".
Le plus grand danger pour le judaïsme, dit-il, ne vient pas des chrétiens ou des musulmans, mais du sionisme lui-même, car il a réussi là où toutes les persécutions ont échoué.
Il a coupé les Juifs de leur propre éthique. Il dit que la Torah ordonne aux Juifs en exil de vivre en paix et dans la loyauté sur toute terre jusqu'à ce que Dieu mette fin à l'exil. Et non de s'emparer de terres par la force.
« Une rébellion contre le Tout-Puissant est vouée à l'échec. »
Il évoque la vie des Juifs dans les pays musulmans, en Iran, au Maroc, en Turquie, où les Juifs vivent toujours librement, même après des décennies d'occupation et de propagande.
"Prenez un billet d'avion pour l'Iran », dit-il. « Vous y découvrirez une vie juive étonnamment épanouie".
Il parle de Londres, des synagogues voisines des mosquées, des conseillers juifs et musulmans solidaires. Il raconte avoir participé à de grandes marches palestiniennes où la police l'a menacé de mort, et en être ressorti indemne, entouré de musulmans le remerciant pour son engagement à leurs côtés.
"Comment les gens peuvent-ils être aussi aveugles'", demande-t-il, "et croire au mensonge sioniste selon lequel musulmans et juifs sont ennemis ? La haine n'est pas une question de religion. La haine vient de l'occupation et du génocide".
J'entends la même voix. Un même courage éthique se dégage de tant de souffrances. Un enseignant et un rabbin, porteurs du même message : la foi sans morale n'est rien. L'éducation sans empathie non plus.
Et puis, il y a cette petite cabane dans les collines du sud d'Hébron, où des villages comme Masafer Yatta, At Tuwani et Susya sont soumis aux violences incessantes des colons. Le fermier palestinien assis dans le noir, veillant sur ses animaux. Un homme impuissant à protéger sa terre, mais qui préserve néanmoins la vie. Je songe sans cesse aux vertus du bien, à sa capacité à survivre même là où le Mal se déchaîne.
Une pluie battante s'abat sur Gaza, sur la Cisjordanie, sur toutes les consciences qui refusent de voir. Mais, au cœur de la tempête, des gens comme Meir, comme le rabbin Beck, comme le fermier palestinien poursuivent leur quête du bien.
Ils ne sont pas naïfs. Ils sont la preuve que la clarté morale n'est pas qu'un concept, mais une réalité.
Même aujourd'hui, alors que tout semble impossible, même s'il reste tant à accomplir en dépit des ténèbres, il ne faut pas céder à la haine. Continuez à témoigner, et soyez confiants : l'heure la plus sombre est celle qui précède l'aube.
Plus jamais ça, pour personne, et nulle part.
Traduit par Spirit of Free Speech