11/11/2025 europalestine.com  4min #295915

Collège de France : toute honte bue

Les réactions outrées face aux pressions du ministre de l'enseignement supérieur, du lobby israélien, et à l'annulation du colloque « La Palestine et l'Europe «, co-organisé les 13 et 14 novembre par le Pr Henry Laurens, titulaire de la chaire Histoire du monde arabe du Collège de France, et par le Centre arabe de recherches et d'études politiques de Paris (CAREP), sont nombreuses, de la part d'universitaires de renom.

La réponse cinglante du Pr François Héran, sociologue, démographe et professeur honoraire au Collège de France, adressée à son administrateur, Thomas Römer, est emblématique.

« Cher Thomas,

En lisant ton message envoyé à la presse, je découvre que, loin d'être l'apanage du wokisme, la cancel culture peut aussi inspirer l'administration du Collège. Il fallait du courage pour donner des leçons d'objectivité et d'intégrité scientifique à Henry Laurens, qui compte seulement à son actif quelques dizaines d'ouvrages sur la question d'Orient et les affaires de Palestine. Notre collègue, à l'évidence, ne maîtrise pas les enjeux du débat dans un domaine aussi brûlant.

Il était bon de rappeler aussi qu'en la matière, les partis pris d'un hebdomadaire bien connu pour son traitement rigoureux des faits (Le Point a écrit : La Licra dénonce un événement « peu académique » et un cas « d'entrisme », NDLR) ont plus de légitimité qu'un professeur occupant sa chaire depuis vingt-deux ans. On se demande comment ce dernier a osé inviter à son colloque un ancien chef de la diplomatie de l'UE ou un ancien premier ministre, aux côtés d'intervenants capables d'exprimer un large éventail de savoirs et d'opinions, alors qu'il était si simple d'inviter uniquement des intervenants validés par la Licra.

Ton message me suggère qu'une révision du règlement intérieur du Collège s'impose de toute urgence :

  1. Les professeurs qui souhaitent traiter de questions d'actualité dans des colloques, des cours ou des séminaires risquant de donner lieu à controverses, devront désormais soumettre la liste des participants à l'autorisation de l'administrateur.
  2. Ils devront également s'assurer de l'assentiment du ministre de la Recherche. Si l'on objecte que la détention d'un doctorat d'informatique ne donne aucune légitimité à intervenir dans des questions de science politique ou d'orientalisme (selon le principe de la séparation des ordres posé en d'autres temps par Pascal), on rappellera dûment aux professeur-es qu'il n'y a pas de plus haute autorité qu'un tweet ministériel.
  3. Le recrutement des professeur-es sera désormais soumis au tribunal de l'opinion publique et médiatique, selon une procédure à déterminer.
  4. Le règlement intérieur proclamera dans son préambule que la notion d'« engagement », jadis inhérente au libre exercice de la recherche, est désormais désuète. Elle sera donc bannie du Collège. Il faudra effacer de la mémoire de notre institution toute référence aux grands intellectuels, littéraires ou scientifiques, qui se sont aventurés à sortir de la « neutralité » telle qu'elle est strictement définie dans ton message et dans celui du ministre. On veillera aussi à tenir compte de cet impératif dans la préparation du 500e anniversaire de la fondation du Collège.

Ces modifications du règlement contribueront, je n'en doute pas, à défendre le Collège. La fable se trompe : mieux vaut la prospérité du Chien que l'indépendance du Loup.

En te renouvelant, cher Thomas, mes meilleures salutations, »

In dubio pro libertate (Adage juridique latin : Dans le doute, pour la liberté)
François Héran**

Source :  blogs.mediapart.fr

Lire aussi cette réaction de Joseph Confavreux :  mediapart.fr

UNE PÉTITION A ÉGALEMENT ÉTÉ LANCÉE DEMANDANT LA DÉMISSION DU MINISTRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE

SOUS L'INTITULÉ : Atteinte aux libertés démocratiques : monsieur le Ministre vous devez démissionner :  docs.google.com

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