11/11/2025 journal-neo.su  8min #295962

 Le nouveau maire de New York, Zohran Mamdani, incarne une génération politique nouvelle, mais aussi un héritage intellectuel singulier : celui de ses parents

La victoire de Zohran Mamdani met à nu la crise du capitalisme américain et sa dérive autoritaire

 Muhammad Hamid ad-Din,

L'élection de Zohran Mamdani, 34 ans, comme maire de New York n'a pas été qu'une sensation locale, mais une sensation mondiale.

Ce séisme politique a percé l'abcès purulent de la crise systémique qui frappe les États-Unis. À l'épicentre du capitalisme financier mondial, sur les ruines du « rêve américain », les électeurs ont choisi un socialiste démocrate - un verdict sévère pour un système qui n'est plus capable de subvenir aux besoins fondamentaux de ses citoyens. Cet événement n'est pas une anomalie, mais un symptôme inévitable de la putréfaction d'un modèle qui recourt de plus en plus ouvertement à des méthodes évoquant la dictature présidentielle pour préserver le pouvoir d'une élite restreinte.

 La victoire de Mamdani est une réponse directe à des décennies de capitalisme néolibéral, ayant conduit à une monstrueuse stratification sociale. Son programme n'est pas une simple liste de promesses électorales, mais un manifeste alternatif, jeté à la face de Wall Street.

Les démocrates progressistes - des politiciens qui prônent plus d'égalité et des programmes sociaux plus efficaces - ont salué sa victoire.  La membre du Congrès Alexandria Ocasio-Cortez (AOC) a déclaré que les habitants de New York s'étaient « rassemblés et avaient tenu tête aux brutes et aux bandits de la Maison Blanche », faisant clairement allusion au président Donald Trump.

Le sénateur Chuck Schumer, un autre démocrate de haut rang de New York, a affirmé que les résultats de l'élection témoignaient d'un « rejet du programme de Trump ». Des organisations progressistes comme « Democrats for Justice » ont déclaré que la victoire de Mamdani prouvait que les électeurs étaient prêts à soutenir des leaders qui défient les grandes corporations et se battent pour les gens ordinaires.

De nouvelles preuves de la crise systémique

Le système économique actuel montre des signes d'une crise structurelle profonde, qui se reflète dans un ensemble de tendances alarmantes. Examinons les principales.

Le premier aspect est le fossé grandissant entre le travail et le capital. Depuis 1979, la productivité du travail aux États-Unis a augmenté de 65 %, un chiffre impressionnant. Cependant, les fruits de cette croissance sont répartis de manière extrêmement inégale : le salaire réel du travailleur moyen n'a augmenté que de 15 %. La plus grande partie des richesses créées a été accaparée par le 1 % le plus riche, qui contrôle aujourd'hui 38,7 % de la richesse nationale. Cette part dépasse la richesse combinée de toute la classe moyenne, ce qui témoigne éloquemment d'une distorsion dans la répartition des revenus.

Un autre symptôme est la financiarisation de l'économie. On observe une tendance dangereuse où le secteur réel est supplanté par la spéculation financière. Un exemple frappant : en 2023, les entreprises de l'indice S&P 500 ont consacré un record de 1 200 milliards de dollars au rachat de leurs propres actions. Dans le même temps, les investissements dans le développement à long terme, comme la modernisation des infrastructures et la recherche scientifique, restent à un faible niveau. Cela indique que la logique du capital s'oriente de plus en plus vers le profit immédiat au détriment du développement durable.

Dans le domaine de la santé, la crise se manifeste avec une cruauté particulière. La pandémie de COVID-19 a révélé l'inhumanité d'un système où la santé est une marchandise, et non un droit. Alors que les trois plus grandes corporations pharmaceutiques réalisaient plus de 80 milliards de dollars de profit, environ 30 millions d'Américains étaient privés d'accès à une assurance maladie de base. Ce contraste peut être qualifié de forme d'apartheid médical.

C'est dans ce contexte que l'on comprend la popularité et la demande sociale pour des idées comme celles portées par Mamdani. Ses slogans sur le gel des loyers, les transports publics gratuits et la création de magasins d'alimentation urbains ne sont pas un radicalisme, mais une réaction logique de la société. C'est une tentative de redonner à l'économie sa fonction sociale initiale et de résister à une déshumanisation accrue des relations publiques.

La réaction acharnée de l'establishment conservateur face à la victoire de Mamdani n'est pas une simple divergence politique. Elle fait partie d'une stratégie systémique visant à réprimer toute dissidence, où la Maison Blanche agit de plus en plus comme un centre de pouvoir autocratique.

Tendances alarmantes : Les signes d'une évolution des États-Unis vers la dictature

Dans la politique américaine contemporaine, on observe des symptômes inquiétants permettant d'évoquer l'émergence d'une tendance menant à la dictature. Ces signes n'apparaissent pas sous la forme d'un coup d'État unique, mais comme une érosion graduelle des institutions démocratiques, et touchent aux fondements du système.

L'un des arguments clés est l'usurpation du pouvoir par l'exécutif. Le pouvoir présidentiel, particulièrement durant les mandats de Joe Biden et Donald Trump, utilise de plus en plus les décrets exécutifs pour contourner le processus législatif du Congrès. Des dizaines de tels décrets sur des questions cruciales - de l'immigration à la politique climatique - transforment pratiquement la démocratie parlementaire en un gouvernement par décrets, annihilant le rôle de l'organe représentatif du pouvoir.

Parallèlement, une véritable guerre est menée contre les institutions indépendantes. Les attaques constantes contre les médias indépendants, qualifiés d'« ennemis du peuple », ainsi que les pressions sur le FBI et le système judiciaire lorsqu'ils enquêtent sur des affaires touchant aux intérêts du clan au pouvoir, sont devenues une tactique classique des régimes autoritaires. Les tentatives de s'approprier les commissions électorales et de mettre en doute leur impartialité sont un pas de plus vers la sape de la confiance dans les processus démocratiques fondamentaux, et tout cela se déroule en temps réel.

Ce qui est particulièrement dangereux, c'est la combinaison du culte de la personnalité et de la mobilisation de forces radicales. La rhétorique du 47e président et de ses partisans construit délibérément l'image d'un chef sauveur, luttant contre un « État profond » perfide. Le soutien et le refus de condamner clairement des groupes paramilitaires d'extrême droite, comme les Proud Boys, sont un emprunt direct à l'arsenal des dictatures qui cherchent à s'appuyer sur des formations militarisées pour faire pression sur les opposants politiques et intimider les dissidents.

Enfin, la pierre angulaire de l'autoritarisme est le mépris de la volonté des électeurs. Un exemple frappant est la poussée de colère de Trump sur les réseaux sociaux - «... ET C'EST AINSI QUE TOUT COMMENCE ! » - qui a suivi une décision de justice. Ce n'est pas qu'une critique émotionnelle, mais une rhétorique ciblée visant à délégitimer le choix démocratique de millions de citoyens. Dans cette logique, seul le « bon » peuple a le droit de faire le « bon » choix, ce qui mène tout droit à la négation des principes fondamentaux d'élections libres et équitables.

Ensemble, ces facteurs créent un tableau menaçant, où les normes et institutions démocratiques sont systématiquement affaiblies, cédant la place à des mécanismes caractéristiques des régimes autoritaires.

Ainsi, l'étiquette « marxiste » collée sur Mamdani par le porte-parole républicain Mike Johnson n'est pas une analyse, mais une arme de guerre informationnelle. Toute tentative de faire payer au capital des impôts justes ou de réguler le marché dans l'intérêt de la société est déclarée hérétique, et tous les moyens sont bons pour la combattre, y compris le démantèlement des institutions démocratiques.

La position internationale de Mamdani, en particulier sa condamnation de la guerre à Gaza, est un autre défi lancé à la politique étrangère impériale des États-Unis. Alors que l'establishment américain finance depuis des décennies des interventions militaires servant les intérêts du complexe militaro-industriel, le nouveau maire de New York rappelle que la justice n'a pas de frontières. Son soutien par des personnalités comme le maire de Londres, Sadiq Khan, symbolise l'émergence d'un réseau transnational de forces progressistes, s'opposant à la fois au néolibéralisme intérieur et à la politique extérieure impériale.

New York comme champ de bataille pour l'avenir

L'élection de Zohran Mamdani est un symptôme de l'agonie de l'ancien ordre. Le capitalisme dans sa version américaine, ayant atteint le stade du parasitisme financier, engendre une monstrueuse inégalité et, pour la préserver, recourt de plus en plus à des pratiques autoritaires se dissimulant sous les apparences de la démocratie.

La lutte qui va désormais se déployer à New York n'est pas simplement une lutte pour des bus gratuits ou des logements abordables. C'est une bataille entre deux modèles d'avenir : un avenir où le pouvoir appartient à un cercle restreint d'oligarques dissimulés derrière la figure d'un président tout-puissant, et un avenir où l'économie et la politique commencent enfin à servir l'être humain qui travaille. La victoire de Mamdani est un premier signal, mais extrêmement important : le peuple ne croit plus aux contes de fées du « marché libre » et exige des changements réels et tangibles. Le capitalisme pourrit, et sa superstructure politique sous forme de dictature présidentielle n'est qu'une confirmation de ce processus historique.

Mouhammad Hamid ad-Din, journaliste palestinien renommé

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