
Par M. Reza Behnam, le 14 novembre 2025
Le vol des terres palestiniennes et la naissance d'Israël.
L'exploitation impérialiste de l'Asie occidentale, intensifiée après la Première Guerre mondiale, n'a jamais vraiment cessé. Les conséquences pour la région ont été désastreuses : guerres, conflits, écocide et, finalement, génocide. Leurs effets néfastes se sont gravement répercutés sur les populations et leurs terres.
Les Palestiniens sont parmi les plus touchés. Malgré les assauts des armées britannique, israélienne et américaine, ils ont résisté. Leur lutte a été exemplaire, leur courage inébranlable et leur quête des terres volées légendaire.
La Palestine doit rester au premier plan des préoccupations mondiales alors qu'Israël cherche à détourner l'attention du monde de ses exactions abominables dans les territoires occupés de Gaza et de Cisjordanie, ainsi que de ses ambitions expansionnistes au Liban et en Syrie.
L'histoire ne fournit pas seulement un contexte à l'actualité, elle a aussi le pouvoir de guérir, d'agir comme un antidote au mal et au poison qu'elle a engendrés.
En cette conjoncture historique cruciale, alors que les Palestiniens luttent pour leur survie, il est essentiel de revenir sur le document éminemment cynique qui a donné le coup d'envoi à l'aventure coloniale raciste et à l'héritage de violence dont Israël fait preuve avec un aplomb déconcertant.
Le calvaire de la nation palestinienne, la Nakba (la "catastrophe"), n'a pas débuté le 7 octobre 2023. Cette agonie, longue de 108 ans, a commencé le 2 novembre 1917 avec une déclaration politique habile et soigneusement formulée par le gouvernement britannique : la déclaration Balfour.
Bien que le Royaume-Uni n'ait eu aucun droit souverain sur ce territoire, le secrétaire d'État aux Affaires étrangères de l'époque, Arthur James Balfour, a fait savoir dans une lettre adressée au sioniste britannique Lord Walter Rothschild que le gouvernement britannique allait soutenir et faciliter la création d'un "foyer national juif" en Palestine.
Le plus frappant dans cette déclaration reste la présomption arrogante selon laquelle le gouvernement britannique se serait octroyé le droit de céder le territoire d'un peuple à un autre. Voici la tristement célèbre courte lettre :
Carte extraite d'un article du magazine TIME de 1929 intitulé " content.time.com" (L'islam contre Israël), même si, comme le montre clairement la carte, Israël n'existait pas encore en 1929. Image © TIME
La formulation de l' accord Balfour, un document colonial typique, laissait entendre que la population palestinienne majoritaire était dépourvue de nom, de droits et de voix. Elle y était désignée sous le nom de "communautés non juives" en place, tandis que la minorité juive était identifiée comme étant un "peuple".
La lettre était truffée d'ambiguïtés. Ses auteurs britanniques ont notamment éludé le terme "État", préférant l'expression plus obscure "création d'un foyer national". Dans le premier projet, les dirigeants sionistes ont insisté pour faire figurer l'expression "foyer national du peuple juif", afin d'impliquer une présumée présence antérieure et de garantir que l'ensemble de la Palestine serait exclusivement attribué au peuple juif.
L'expression "création d'un foyer en Palestine" ne désignait pas nécessairement l'ensemble du territoire. L'étendue du foyer national juif proposé n'a jamais été clairement définie.
Bien que la déclaration ait été rédigée au nom de son gouvernement, elle a été approuvée au préalable par les alliés de la Grande-Bretagne pendant la guerre, à savoir la France, l'Italie, le Vatican et les États-Unis, lui conférant ainsi une légitimité internationale.
Par ailleurs, le rôle des États-Unis dans l'élaboration de la déclaration doit être souligné. L'approbation préalable du document par le président Woodrow Wilson fut déterminante pour infléchir la position britannique.
En juin 1922, le 69è Congrès américain a adopté la résolution conjointe Lodge-Fish, favorable à la création d'un foyer pour les Juifs en Palestine. Cette résolution, dont le libellé était presque identique à celui de la déclaration Balfour, a été présentée par le représentant Hamilton Fish III (Républicain, État de New York) et le sénateur Henry Cabot Lodge (Républicain, Massachusetts), puis ratifiée le 21 septembre 1922 par le président Warren G. Harding.
En 1924, les États-Unis ont réaffirmé leur engagement en faveur des principes de la déclaration Balfour en signant la convention anglo-américaine. Ce traité était destiné à protéger les intérêts et les droits américains dans le cadre du mandat britannique sur la Palestine, approuvé par la Société des Nations nouvellement créée en 1920.
La déclaration Balfour est ainsi devenue un instrument redoutable entre les mains des sionistes européens pour convertir une religion en nation. Ils savaient parfaitement que l'appropriation et la colonisation d'une terre déjà peuplée ne pouvaient se faire que par la force. Inévitablement, leur vision idéalisée d'un État juif s'est révélée être une entité raciste et hors la loi.
La barbarie israélienne était inévitable. Cette barbarie s'est manifestée très tôt dans l'idéologie de Vladimir Ze'ev Jabotinsky (1880-1940), leader sioniste d'origine russe et fondateur du sionisme révisionniste. Idéologue fondateur du bloc politique de droite israélien, en particulier du Likoud, Jabotinsky affirmait que l'éthique et la conscience ne sauraient dicter la politique sioniste, et que les sionistes se devaient plutôt de reconnaître que l'extrémisme et la force sont indispensables à la création d'un État juif. D'où les stratégies génocidaires pratiquées par Israël depuis 78 ans : le déplacement massif et le nettoyage ethnique de millions de Palestiniens, que les forces d'occupation israéliennes ont qualifiés de " nettoyage" et de "tondre l'herbe".
Les fondateurs du sionisme savaient également qu'ils auraient besoin du soutien d'une puissance impériale pour atteindre leurs objectifs. Avec le déclin de la "perfide Albion" après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont hérité du rôle impérial et du soutien à la colonie sioniste. Depuis, le 10 Downing Street à Londres a essentiellement sous-traité sa politique étrangère à Washington, tandis qu'Israël n'a jamais été aussi proche de la Maison Blanche et du Congrès américain.
Il ne fait aucun doute que la déclaration de 67 mots a servi les intérêts de l'empire britannique, à l'instar de tous les accords et ententes américano-israéliens conclus au nom de la paix.
Le projet de l'administration Trump pour Gaza, inspiré par le monde des affaires, n'est qu'une nouvelle version de la déclaration Balfour, la dernière mouture d'un investissement impérialiste centenaire dans le projet colonial sioniste.
Les Gazaouis ont montré au monde entier ce que signifie le courage sous un régime d'occupation barbare. Leur résistance révèle également à quel point Israël a intégré la violence et le sentiment de supériorité qu'elle procure.
Tel-Aviv a eu recours au blocus, à la famine et aux bombardements de Gaza pour détruire la dignité et briser la résilience individuelle et collective du peuple palestinien, forçant les Gazaouis à négocier leur dignité pour rester en vie.
Les occupants israéliens ont volé aux Palestiniens leur terre, leur vie et leur liberté. Ils n'ont toutefois pas réussi à leur voler leur dignité, leur courage, leur fierté et leur résistance. Kafa Abu Harb, une veuve de 49 ans et mère de trois enfants vivant sous occupation militaire en Cisjordanie, l'a confirmé en ces termes : "Notre résistance est tout ce qui nous reste".
C'est cette résistance et cette force morale de la cause palestinienne qu'Israël, les États-Unis et leurs alliés considèrent comme une menace pour leur système de domination régionale et mondiale. Depuis le 7 octobre, le monde a été témoin de la férocité de la riposte et de la violence extrême employée pour maintenir ce contrôle. Les amoncellements de gravats sont le témoignage de leurs actes terroristes.
Mais malgré tous leurs efforts, Washington et Tel-Aviv ne peuvent faire taire la vérité. Le nationalisme palestinien ne peut être détruit par la force militaire, à moins que Washington et Tel-Aviv soient prêts à exterminer l'ensemble de la population.
Après un siècle d'indifférence, la lutte pour la libération des Palestiniens s'est mondialisée. Leur quête de justice et leur sens de la dignité sont désormais la cause de l'humanité tout entière.
Israël est né de la vanité impériale, de l'agression et de l'arrogance. Sa naissance a été officialisée à Londres et à Washington. À chaque transaction, chaque livraison d'armes meurtrières, ils cautionnent leur progéniture illégitime. Aujourd'hui, allons-nous continuer à tolérer un État ethnocide/génocidaire et la puissance mondiale qui le soutient ?
Les procès historiques de Nuremberg (1945-1946) contre les criminels de guerre nazis nous apportent peut-être un début de réponse. Créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par les puissances alliées, le Tribunal militaire international s'est réuni pour juger les auteurs de l'Holocauste et des crimes contre l'humanité et la paix. Les principes de ce tribunal ont ensuite constitué les bases du droit pénal international actuel.
La déclaration liminaire du procureur général du tribunal, Robert H. Jackson, alors juge à la Cour suprême des États-Unis, revêt aujourd'hui une importance particulière. Il y déclarait alors avec clairvoyance :
"Les crimes que nous cherchons à condamner et à punir ont été si bien planifiés, si pervers et si dévastateurs que la civilisation ne peut tolérer qu'on les ignore, car elle pourrait ne pas survivre à une récidive".
Traduit par Spirit of Free Speech