a rapidité et la candeur brejnévienne des votes du Congrès rejoint, dans l'affaire Epstein, les extraordinaires manœuvres à 180° du président Trump. Fait extraordinaire : les deux chambres ont voté l'une immédiatement après l'autre et les deux votes ont été acquis à l'unanimité (sauf 1 pour la Chambre, mais on s'abstiendra de chipoter).
« A la Chambre, la proposition de loi, adoptée à 427 voix pour et 1 contre, vise à ordonner au ministère de la Justice "de publier tous les documents et archives" en sa possession concernant le financier new-yorkais, mort en prison en 2019 avant son procès pour crimes sexuels» Les sénateurs ont utilisé pour leur "vote à l'unanimité" une procédure particulière pour que le texte soit automatiquement considéré comme adopté, sans débats et sans amendements, une fois qu'il est reçu de la Chambre..
» La proposition de loi est alors envoyée sur le bureau de Donald Trump pour promulgation, le président américain ayant affirmé qu'il signerait bien ce texte auquel il s'est longtemps opposé. »
Cette démonstration d'unité et d'unanimité ne trompera personne, sauf les divers zombies de nos élites qui croient obligés de croire encore à la vérité des votes. Celui-là, du Congrès unanime, ne tranche rien, ne promet rien de la moindre révélation décisive sur "toute la vérité, rien que la vérité", exacerbe les affrontements au lieu de les apaiser, et marque le début d'un véritable et grandiose ‘Epsteingate' érigé en crise nationale du Système. Le mystérieux et flegmatique Epstein, emporté par un suicide si bienvenu qu'il en noue les gorges d'émotion, observe avec son sourire effectivement énigmatique les dégâts que ses activités sont en train de causer et il gagne ainsi sa position centrale de deus ex machina par inadvertance, presque avec nonchalance, de la crise qui pourrait emporter l'américanisme.
Une victoire des proscrits
D'un point de vue très direct du vote lui-même, avec les consignes de Trump relevant de son virage à 180°, cette action législative est une victoire écrasante de quelques personnalités du groupe des artisans d'un MAGA pur et dur, et sans compromissions. Il s'agit du sénateur Ran Paul, fils de Ron et libertarien également pur et dur, du député Massie qui est l'initiateur de la loi, de la députée Taylor-Greene (MTG) dont on sait les accrochages avec Trump de samedi dernier, aboutissant à une quasi-rupture.
Comme ces trois-là, partisans de la première heure de Trump et certainement ses meilleurs soutiens, étaient bien entendu partisans de la loi et que Trump s'opposait à la loi en les vouant aux gémonies, puis céda totalement et sans la moindre honte, – presque avec la grâce de l'évidence, comme s'il eût dit : "Mais je suis d'accord depuis le début" – eh bien "ces trois-là" obtiennent une retentissante victoire ! Il faudra voir comment va évoluer leur situation par rapport à Trump, qui est obligé désormais de les ménager grandement, – ou bien de s'enfoncer dans une hostilité absurde par rapport à sa nouvelle position sur le vote, et qui lui coûterait encore plus de perte de popularité dans la foule-MAGA ?
Cette situation promet un avenir très incertains alors que dimanche, on annonçait déjà, chez les influenceurs démocrates anti-Trump, le passage en justice et l'arrestation imminente du président. Devant la complexité du système juridique américaniste multipliée par l'hyper-complicité de la situation politique, on écartera pour notre chef toute tentative de commentaire.
Vu d'en haut
Maintenant, prenons un peu de hauteur, tendons une oreille ici et là et voyons ce que pourrait développer l'irruption des dossiers Epstein sur la place publique.
• D'abord, que valent ces dossiers, du point de vue des révélations ? On serait paradoxalement tenté de répondre "pas grand'chose", notamment en raison du nombre de pièces qui sont "classifiées sécurité nationale", donc non accessibles au public. Alexander Mercouris exprime une appréciation assez courante dans les milieux indépendants et généralement alimentés par des sources sûres :
« Il y a eu déjà tellement de fuites de textes, de vidéos, de photos, de documents sur Epstein, qu'on peut évaluer que 80% du matériel qui sera rendu disponible au public sont déjà connues. »
• Quels sont les perdants et les gagnants : démocrates ou républicains ? On ne peut, on ne doit pas poser cette question dans ces termes tant les dossiers Epstein concernent sans aucun doute l'ensemble du Système, du DeepState, des élitesSystème, – c'est-à-dire des démocrates autant que des républicains.
• Trump y laissera-t-il au moins sa fonction ? C'est ce qu'il a semblé dans le brouhaha du weed-end dernier. Mais certaines voix discordantes ou mieux informées, observent que les dossiers Epstein ne sont pas si compromettants pour Trump. Ils avancent un argument indirect particulièrement acceptable : s'il y avait là-dedans de quoi dézinguer Trump, pourquoi les démocrates, qui tenaient par le fait de la présidence Biden tous ces documents qu'on s'apprête à dévoiler, ne les ont-ils pas rendus publics comme ils ont voté hier pour qu'on le fasse ? Mais hier, après la reculade de Trump, il était impensable de ne pas voter pour la diffusion des documents ; pourquoi pas entre 2021 et 2025 ? Certains jugent même que les démocrates craignent plus que les républicains les conséquences de cette affaire.
• Mais on peut retourner la question : si l'on admet qu'effectivement Trump a moins à craindre, par exemple que les démocrates qui ont gardé les dossiers au frigidaire pendant quatre ans, pourquoi Trump qui ne pense qu'à anéantir les démocrates, a-t-il résisté jusqu'au bout à la publication des dossiers, qu'il a finalement acceptée parce qu'il voyait, – quasiment en temps réel avec l'incident MTG, – sa popularité s'effondrer chez les MAGA ?
C'est sans doute, pour l'instant, le plus grand mystère de cette affaire. Il y a déjà eu de nombreux commentateurs qui acceptent et reprennent à leur compte l'hypothèse qu'Israël/Netanyahou "tient" suffisamment Trump, ou est suffisamment son complice, pour qu'il ne balance pas Epstein. Parce que, – dans cette hypothèse purement complotiste, c'est-à-dire intéressante et à suivre – Epstein travaillerait dès l'origine pour le Mossad avec des fonctions particulièrement importantes, y compris de diplomatie secrète plus ou moins favorisée par des documents compromettants.
Tout cela fait du grain à moudre...
Perspectives de ‘Epseingate'
Et maintenant, voyons ce que l'avenir pourrait réserver à la principale vedette de cette extraordinaire pièce politique, c'est-à-dire le mouvement MAGA, ou, si l'on veut, un nouveau MAGA au-delà de MAGA. Mercouris et Christoforou ont donné hier un de leur dialogue les plus réussis.
• Leurs observations va dans un sens qui nous séduit : Trump a tort de présenter MAGA comme sa chose et d'affirmer qu'il est toujours soutenu par lui, – parce que MAGA a dépassé Trump, bien au-delà de Trump ; et même, plus encore, MAGA n'est pas né du fait de Trump bien que l'acronyme soit de son service de communication...(Selon nous, c'est la foule du MAGA en devenir qui a fabriqué Trump :
« Cela ne plaide pas pour l'habileté de Trump mais qui a jamais demandé à Trump d'être habile, lui qui fut choisi par ses électeurs, en 2016, pour qu'il soit "un cocktail Molotov lancé à la figure du système". »)
Après ce petit a parte sur les horreurs et erreurs originelles de Trump, écoutons Mercouris-Christoforou nous annoncer une alliance de type populiste et antiSystème :
Mercouris : « Trump, de par sa personnalité et ses compétences politiques, qui sont indéniables, a contribué à ce phénomène [MAGA], mais je pense qu'il se trompe complètement s'il croit l'avoir imaginé seul.» Avant lui, il y avait le mouvement Tea Party, par exemple, aux États-Unis. Ce mouvement, qui s'est développé et a évolué, a intégré de nouvelles idées et une nouvelle façon de penser. Il y a eu ensuite l'effet radicalisant de la guerre en Irak et des guerres sans fin. Même Occupy Wall Street, mouvement de gauche, a probablement eu une certaine influence. Aucun individu ne peut, à lui seul, engendrer un mouvement politique de l'ampleur de celui qu'est devenu MAGA. Je pense que Trump se fait des illusions s'il croit que tout lui est dû. »
Christoforou : « Je suis d'accord avec vous. Je pense même que MAGA est pratiquement terminé. Nous avons évolué vers un système plus… gauche-droite. Peu importe désormais d'être de gauche ou de droite. Je pense qu'il existe des courants des deux bords qui prônent clairement "L'Amérique d'abord". Les intérêts de l'Amérique et des Américains d'abord, que ce soit à gauche ou à droite, il y a beaucoup de voix qui le disent. Exactement. Et ce qu'il aurait pu faire, bien sûr, c'est unifier tous ces différents courants. Il a peut-être réussi, temporairement, à le faire. On aurait pu croire qu'il allait le faire, mais bien sûr, il ne l'a pas fait. Il a fait le contraire. »
Mercouris : « Il a pris la direction opposée. Exactement. Il est devenu plus néoconservateur que tout le reste. »
Christoforou : « Exactement. Exactement... Plus proche de l'État profond. »
Mercouris : « Exactement. Oui. Exactement. »
• Plus encore, et cette fois dit sur un ton prophétique dans le chef de Mercouris, l'observation des deux compères sur le fait que l'affaire Epstein ne fait que commencer, qu'elle sera terrible, et que « quelque chose de très sombre, de très sinistre et de vraiment affreux nous attend » si nous parvenons à son terme... Nous parlons d'un ton prophétique car tout se passe comme si Mercouris, qui juge que cet ‘Epsteingate' tiendra cinq à dix ans s'il le faut, de rebondissements en drames divers, en dénonciations, en traîtrises, en coups de Jarnac et pseudo-coup d'État, – qu'il tiendra jusqu'au bout pour déboucher sur la fin de l'Amérique, sinon pour précipiter la fin de l'Amérique.
Christoforou : « D'accord. On verra où tout cela nous mènera. Je pense que nous n'en sommes qu'au début. Nous n'en sommes qu'au début. »Mercouris : « Nous n'en sommes absolument qu'au début. Et pour répéter, comme je l'ai dit, il faut savoir que c'est ce que beaucoup de gens pensent. C'est ce que pense Robert Barnes, et il se pourrait bien que ce soit vrai. Euh…
» En fait, je pense que c'est pire que ça. Je crois que ce que nous allons découvrir, si jamais nous arrivons au bout de ce labyrinthe, c'est quelque chose de très sombre, de très sinistre et de vraiment affreux qui nous attend. Et ça dépasse largement le cadre d'un seul gouvernement. Voilà. »
Mis en ligne le 19 novembre 2025 à 18H40