26/11/2025 legrandsoir.info  43min #297257

La Révolution chinoise a réalisé une synthèse entre les différentes forces sociales, toutes animées du même désir de construire une société plus juste et solidaire

Bruno GUIGUE

Normalien et énarque, chercheur en philosophie politique, Bruno Guigue a été haut fonctionnaire pendant près de vingt ans. Il s'est ensuite consacré à la recherche en sciences politiques et a publié dix ouvrages ainsi que de nombreux articles traduits en plusieurs langues. Il est aujourd'hui professeur invité à l'Université normale de la Chine du Sud (Canton) et chargé de cours à l'Institut Confucius de La Réunion. Il est considéré comme l'un des meilleurs spécialistes français de la Chine.

Dans son dernier livre, L'Odyssée chinoise, de Mao Zedong à Xi Jinping, il retrace l'expérience historique unique de la République populaire de Chine et analyse la stratégie mise en œuvre par les autorités pour sortir le pays du sous-développement et atteindre un indice de développement humain comparable à celui des nations les plus avancées. Première économie mondiale en parité de pouvoir d'achat, première puissance industrielle et commerciale, la Chine construit aujourd'hui des infrastructures dans près de 150 pays.

Dans ces conversations, Bruno Guigue retrace l'histoire de la Chine. Il revient sur la situation du pays avant la Révolution maoïste de 1949 et évoque le parcours de Mao Zedong ainsi que la naissance du Parti communiste chinois. Il explique en détail la conquête du pouvoir et les grandes étapes du processus révolutionnaire. Il précise les spécificités du socialisme chinois, rappelant que l'État détient le contrôle des trois grandes sources de capital. Il mentionne également la lutte contre la grande pauvreté, tout en soulignant l'existence d'inégalités, atténuées par un système de sécurité sociale très protecteur.

Bruno Guigue passe ensuite en revue diverses grandes questions : situation démographique, crise immobilière et protection de l'environnement. Il n'élude pas les sujets controversés, tels que la question de la démocratie, des élections, de la liberté d'expression, des droits de l'homme, des Ouïghours et des prisonniers politiques. Il aborde enfin le statut de « puissance pacifique » de la Chine, sa place sur la scène internationale, ses relations avec les États-Unis, le projet « une ceinture, une route », ses liens avec le Sud global et la question de Taïwan.


Salim Lamrani : Quelle était la réalité de la Chine avant la Révolution maoïste de 1949 ?

Bruno Guigue : Avant 1949, la Chine était un pays complètement dévasté par la guerre. Après l'effondrement de la dynastie Qing en 1911, une succession de péripéties secoue le pays : l'affrontement entre les seigneurs de la guerre, la tentative de Tchang Kaï-chek de fonder un État stable durant la fameuse « décennie de Nankin » de 1927 à 1937, la première guerre civile opposant nationalistes et communistes, la création d'un front uni à partir de 1937 pour mener la lutte commune contre les Japonais jusqu'en 1945, puis la reprise de la guerre civile entre communistes et nationalistes de 1946 à 1949, Tchang Kaï-chek ayant refusé le partage du pouvoir.

Durant la guerre contre le Japon, le Parti communiste avait gagné en influence, car il avait rallié à sa cause une partie des paysans pauvres. En 1945, la Chine reste un pays agraire où 90 % de la population vit dans les campagnes, dans une pauvreté extrême. Certains paysans en viennent même à vendre leur fille ou leur épouse, faute de pouvoir les nourrir. Près de 85 % des Chinois ne savent ni lire, ni écrire, ni compter, alors que la Chine est une civilisation plurimillénaire où l'écriture joue un rôle central. Toutes les infrastructures sont détruites. L'agriculture est en piteux état, manquant d'équipements, d'outillage et de semences. Quant à l'industrie, elle est réduite à néant.

En un mot, la situation de la Chine en 1949 est catastrophique. L'ONU, qui venait d'être fondée, estime que le revenu par habitant y est inférieur à celui de l'Afrique subsaharienne, et même inférieure à celui de l'Inde, devenue indépendante en 1947. La Chine est alors le pays le plus pauvre de la planète, et elle ne va renaître de ses cendres que grâce à la Révolution socialiste initiée par le Parti communiste chinois. Ce processus a été long et douloureux, marqué par un parcours sinueux vers la libération, dont Mao Zedong a pris la tête à partir de la fondation de PCC en 1921.

SL : Que sait-on de Mao Zedong ? Quel est son parcours personnel et politique avant la prise du pouvoir en 1949 ?

BG : Mao Zedong est issu d'une famille paysanne moyenne de la province du Hunan. Ses relations avec son père étaient complexes : ce dernier souhaitait qu'il reprenne l'exploitation agricole familiale, mais Mao aspirait à un autre avenir.

Il devient alors un militant révolutionnaire. Installé dans la capitale, il travaille comme aide-bibliothécaire à l'Université de Pékin. C'est là qu'il rencontre un grand intellectuel communiste, Li Dazhao, qui sera l'un des fondateurs du Parti communiste chinois.

Au sein du Parti, Mao Zedong se distingue par l'originalité de ses analyses sur la société chinoise. En 1927, il rédige un rapport célèbre sur la paysannerie du Hunan, dans lequel il démontre que ce sont les paysans, plongés dans une extrême pauvreté, qui constitueront la véritable force motrice de la révolution à venir, et non pas le prolétariat industriel, encore embryonnaire dans la Chine de l'époque. Sa stratégie révolutionnaire s'appuie donc sur cette masse paysanne, qu'il considère comme la classe révolutionnaire par excellence, en attente de la direction que doit lui offrir le Parti communiste pour prendre en main le destin du pays et l'orienter vers le socialisme.

La véritable révolution maoïste est ainsi une révolution au sein même du communisme chinois. Mao libère ce dernier du modèle rigide proposé par l'internationale communiste. Il ne s'oppose pas à Moscou, qui va lui apporter son soutien à partir de 1935, mais il s'affirme en proposant une voie adaptée à la réalité chinoise. Au départ, il peine à convaincre ses propres camarades qui considèrent la paysannerie comme une classe sociale arriérée, oubliant le rôle majeur joué par les paysans dans les insurrections populaires tout au long de l'histoire chinoise. Mao rappelle notamment que la grande dynastie Ming a été fondée par un homme issu de la paysannerie.

Il traduit ainsi, en termes marxistes, le rôle révolutionnaire des paysans, renouant avec une tradition ancienne d'insurrections millénaristes de l'époque impériale. Pour lui, la classe paysanne constitue la force motrice essentielle de la révolution prolétarienne.

SL : Dans quel contexte historique est fondé le Parti communiste chinois en 1921 ?

BG : Le Parti communiste chinois voit le jour dans la concession française de Shanghai, à une époque où une partie des grandes villes chinoises étaient contrôlées par les puissances occidentales, qui y avaient établi de véritables fiefs. Tout le centre de Shanghai relevait alors d'une juridiction internationale, dominée principalement par les Britanniques et les Français.

Dans cette concession française, les dirigeants communistes parviennent à trouver un local et y fondent le Parti, en présence d'un représentant de l'Internationale communiste, qui joue un rôle essentiel en apportant un soutien idéologique et technique. Le nouveau Parti adhère naturellement à la Troisième Internationale.

En 1921, la Chine est profondément morcelée : les Seigneurs de la guerre se partagent le territoire et se livrent à des affrontements incessants pour le contrôle des provinces. Les militants chinois aspirent à la fois à la révolution sociale et la renaissance nationale. Ils décident alors de s'organiser et de mettre sur pied une formation capable de prendre en main les destinées du pays afin de le libérer d'une double tutelle : celle que Mao Zedong et le Parti qualifient de « semi-féodalisme », c'est-à-dire le système social oppressif reposant sur l'exploitation éhontée des masses paysannes par les propriétaires fonciers ; et celle de l'impérialisme, autrement dit la présence envahissante et autoritaire des puissances prédatrices, occidentales pour la plupart, mais également japonaise. Il faut rappeler que le Japon s'est emparé d'une partie de la Chine dès le traité de Shimonoseki, en 1895.

Cette double aspiration, sociale et nationale, constitue l'ADN du communisme chinois. C'est pourquoi Mao Zedong insiste sur la notion de « patriotisme communiste chinois » et souligne qu'il n'existe aucune opposition entre patriotisme et internationalisme.

SL : Comment se déroule la conquête du pouvoir ?

BG : Le parcours va être long, marqué par la célèbre Longue Marche d'octobre 1934 à octobre 1935. Les communistes chinois doivent se replier du Jiangxi vers le Shaanxi et accomplissent un périple gigantesque de plus de 10 000 kilomètres, au prix de pertes humaines considérables.

Cette Longue Marche devient la métaphore du cheminement du communisme chinois, de sa naissance en 1921 jusqu'à la victoire finale de 1949. À ses débuts, le Parti communiste chinois est une structure à mi-chemin entre un club d'intellectuels, un cercle littéraire et une société secrète. Il se transforme ensuite en un parti urbain encadrant des centaines de milliers d'ouvriers, notamment durant l'époque du Front uni avec le Guomindang, le parti nationaliste. Le Parti progresse alors dans les villes, surtout à Shanghai et à Guangzhou, mais reste à l'écart de la majorité de la société chinoise, qui est essentiellement rurale. Les marxistes chinois eux-mêmes se montrent réticents à l'idée que la masse paysanne puisse être la force motrice de la révolution.

C'est Mao Zedong qui les conduit sur cette voie, à la suite de la rupture brutale de Tchang-Kaï-chek avec les communistes en 1927. Contraints à se replier dans les campagnes, les communistes trouvent refuge dans les régions les plus reculées et déshéritées de la Chine. Ce déplacement va permettre de réaliser une synthèse entre la vieille tradition révolutionnaire des mouvements paysans millénaristes et le marxisme contemporain hérité de Marx, Engels et Lénine. Ce dernier joue d'ailleurs un rôle majeur dans la formation idéologique des communistes chinois. Pour Mao, Lénine avait compris que la révolution ne surviendrait pas nécessairement dans les pays les plus industrialisés, mais dans ceux dits « arriérés ».

Mao sublime en quelque sorte cette idée léniniste et en fait l'ABC du communisme chinois. Il perçoit que la Chine dispose d'une force révolutionnaire latente extraordinaire : les paysans, surexploités, portent en eux une longue tradition de lutte. Le Parti devient alors à la fois une force politique et une force militaire. Tels sont les deux enseignements majeurs du maoïsme : la révolution sera paysanne et elle sera militaire, car l'adversaire nationaliste est déterminé à écraser les communistes. Aux troupes de Tchang-Kai-chek s'ajoutent les Seigneurs de la guerre, tout aussi impitoyables. Mao comprend alors que le Parti doit se doter de sa propre armée.

Ainsi, le Parti évolue : d'un cercle intellectuel urbain organisant des ouvriers dans les années 1920, il se transforme en une force armée composée de milliers de paysans-soldats, encadrés par des intellectuels révolutionnaires et d'anciens officiers, comme Zhu De, qui joue un rôle décisif dans la formation de l'Armée populaire. C'est cette armée qui, en 1949, prend le contrôle du pays et assure la victoire communiste.

SL : Quelles sont les grandes étapes de la Révolution chinoise ?

BG : La phase de conquête du pouvoir s'étend de 1921 à 1949, au terme de multiples péripéties. En 1949, les communistes prennent le contrôle du pays grâce au ralliement des grandes masses paysannes pauvres, du prolétariat industriel, de nombreux d'intellectuels, d'une partie de la petite bourgeoisie et même d'une fraction de la bourgeoise « nationale », patriote et favorable à la renaissance de la Chine ainsi qu'à son développement économique.

À partir de 1949 s'ouvre un nouveau processus de transformation que Mao Zedong nomme « la Nouvelle démocratie ». Celui-ci associe toutes les classes sociales qui ne sont pas hostiles à la Révolution. Dans un premier temps, la politique reste relativement souple. Mais, dès 1953, le mouvement se radicalise avec le premier plan quinquennal (1953-1957) qui lance l'industrialisation et la collectivisation, tout en menant de vastes campagnes contre l'analphabétisme et les maladies. La Chine se redresse alors rapidement, avec une transformation profonde de la société et la disparition des aspects les plus cruels de l'ordre ancien qui opprimaient paysans et femmes.

Il est important de rappeler que les premiers écrits de Mao Zedong portent sur l'émancipation des femmes. Il est à l'origine de la première loi adoptée par la République populaire de Chine, en 1950, qui abolit le patriarcat, instaure l'égalité entre hommes et femmes, autorise la contraception et, dans certains cas, l'avortement. Cette loi interdit aussi les mariages arrangés, tarifés ou précoces, et ouvre la voie à une société plus égalitaire, tant du point de vue des classes sociales que des rapports de genre. Cette avancée a été considérable, et les femmes - quelles que soient leurs conditions - ont constitué un soutien décisif de la Révolution, conscientes qu'elle représentait le moteur de leur libération.

La Révolution chinoise a été ainsi le formidable élan d'une population pauvre et opprimée qui a brisé les chaînes de la servitude. Elle a pris conscience qu'une libération durable passait par le développement économique, à travers l'industrialisation et la réorganisation de l'agriculture. Cette réorganisation, menée sur une base collectiviste - car la petite propriété ne suffisait pas à stimuler la production -, se poursuit jusqu'à la fin des années 1970, lorsque Deng Xiaoping lance ses grandes réformes.

SL : Peut-on parler d'État socialiste en Chine aujourd'hui ?

BG : Selon sa constitution, la Chine est un État socialiste, dirigé par le prolétariat en alliance avec la paysannerie, et auquel s'ajoutent la petite bourgeoisie et la bourgeoisie nationale. Le drapeau chinois en reflète d'ailleurs l'esprit : le fond rouge symbolise à la fois la fête et la Révolution, tandis que les cinq étoiles rappellent la structure sociale. La plus grande représente le Parti communiste - avant-garde dirigeante de l'État et de la société - et les quatre plus petites figurent pour le prolétariat, la paysannerie, la petite bourgeoisie et la bourgeoisie nationale. Cette symbolique a été fixée en 1949, bien avant la décision de Deng Xiaoping, dans les années 1970, de réintroduire la bourgeoisie dans l'économie nationale afin de doter le pays des capitaux, technologies et compétences nécessaires à son développement.

La Révolution chinoise a ainsi réalisé une vaste synthèse entre les différentes forces sociales, toutes animées du même désir de construire une société plus juste et solidaire.

SL : La Chine a-t-elle éradiqué la grande pauvreté ?

BG : La Chine a lancé un vaste programme de lutte contre la pauvreté en 2002, sous Hu Jintao, renforcé ensuite par Xi Jinping à partir de 2013. En 2021, le pays a officiellement annoncé avoir éradiqué la grande pauvreté, une affirmation confirmée par l'ONU, le FMI et la Banque mondiale dans plusieurs rapports. Les Nations unies ont même salué cette réussite comme exemplaire, car très peu de pays qui ont réussi à éliminer la grande pauvreté en si peu de temps, et surtout à une échelle aussi vaste. De ce point de vue là, la Chine constitue un modèle.

Un aspect remarquable du socialisme chinois est sa capacité à mobiliser à la fois les acteurs publics et privés - dans le cadre d'une économie mixte - pour affronter les grands défis et trouver les solutions.

Aujourd'hui, chaque citoyen dispose des cinq grandes garanties : nourriture, vêtements, logement, éducation et santé. La misère, qui avait perduré pendant des millénaires et jusque dans les années 1970, a disparu dès la fin de la période maoïste. Il restait à régler le défi de la grande pauvreté, désormais surmonté.

La Chine affiche aujourd'hui un taux de propriété de l'habitation principale très élevé : 89 % en milieu urbain et 100 % en zone rurale. La réforme agraire a attribué à chaque famille paysanne un droit héréditaire d'usage de la terre. Seuls la Chine et le Vietnam ont appliqué un tel système. Tous les logements sont raccordés à l'électricité. Le taux d'équipement en climatisation réversible est passé de 30 % il y a dix ans à 70 % aujourd'hui. La surface habitable moyenne par habitant a été multipliée par trois en vingt ans. Ces données sont confirmées par l'ONU et la Banque mondiale.

La misère et les stigmates du sous-développement ont donc disparu : il n'y a pas de bidonvilles. Bien sûr, il existe encore des habitations vieillissantes en ville comme à la campagne, mais cela reste marginal. Le socialisme n'est pas un simple slogan : il s'incarne dans l'amélioration concrète des conditions de vie. Le salaire moyen urbain a doublé en dix ans et quadruplé en vingt ans, atteignant aujourd'hui environ 1 500 euros, avec un coût de la vie beaucoup plus bas que dans les pays occidentaux. Dans les campagnes, les conditions de vie diffèrent, mais les ruraux possèdent leur propre maison.

Globalement, le revenu disponible par habitant augmente de 5 % en moyenne chaque année, permettant même aux plus modestes d'améliorer progressivement leur niveau de vie.

En matière de transports, la Chine constitue un exemple frappant avec 48 000 kilomètres de lignes à grande vitesse. Un trajet de 600 kilomètres en TGV y coûte une vingtaine d'euros.

La priorité du pays reste de garantir des conditions de vie décentes à l'ensemble de la population. Certes, certaines catégories se sont considérablement enrichies et les inégalités se sont creusées, mais il n'y a plus de misère extrême. C'est là l'une des dimensions essentielles du socialisme chinois : l'amélioration constante et partagée des conditions de vie.

SL : Qu'en est-il des moyens de production ?

BG : L'État chinois contrôle les trois grandes concentrations de capital.

Il contrôle d'abord le capital foncier : c'est l'État, via les collectivités locales, qui attribue les parcelles destinées à l'agriculture, aux logements ou aux infrastructures. Mais il demeure le propriétaire ultime de la terre. Aucun acteur privé ne peut s'approprier la terre ni les richesses du sous-sol.

Ensuite, l'État contrôle le capital industriel. On compte environ 320 000 entreprises publiques en Chine, dont 97 mastodontes qui dominent les secteurs stratégiques : industrie lourde, énergie (pétrole, gaz, nucléaire), télécommunications, infrastructures, transports et armement. Ces secteurs-clés restent donc sous contrôle public. Globalement, au moins 55 % des actifs des entreprises en Chine appartiennent à l'État. Cela ne signifie pas que tout le monde est fonctionnaire : le pays compte 32 millions d'entreprises, dont seules 320 000 sont publiques. Mais ce sont elles qui occupent les positions stratégiques. L'essentiel de l'emploi est fourni par des indépendants et des salariés du secteur privé. Toutefois, c'est bien l'État qui détient les « hauteurs stratégiques de l'économie », pour reprendre une expression chère à Lénine, et qui oriente le développement grâce à la planification.

Enfin, l'État contrôle le capital financier, puisque 80 % du secteur bancaire est public. Les banques chinoises appartiennent à l'État, y compris celles qui opèrent à l'international, notamment dans le cadre des « Nouvelles routes de la soie », en octroyant des prêts.

La Chine apparaît ainsi comme un État socialiste qui combine deux dimensions : l'amélioration des conditions de vie de la population et le contrôle des principaux moyens de production.

Le socialisme, c'est aussi le progrès continu du niveau éducatif et culturel. L'OCDE a d'ailleurs classé le système éducatif chinois comme le meilleur du monde dans son enquête PISA en 2018. Les performances de la Chine en matière universitaire, de recherche et de technologie sont désormais incontestables. Aucun régime chinois, avant l'avènement du communisme, n'avait jamais donné à la population un tel accès à la culture, à la science et à l'innovation.

SL : Qu'en est-il des inégalités sociales ?

BG : Il existe effectivement des inégalités sociales en Chine. Sous le système maoïste, les entreprises d'État assuraient aux ouvriers ce qu'on appelait le « bol de riz en fer » : emploi à vie, logement quasi gratuit et services sociaux de base. Ce modèle a été démantelé avec l'introduction d'une économie mixte, dans laquelle l'État a conservé le contrôle des secteurs stratégiques, tandis que d'autres secteurs ont été confiés à l'initiative privée, coopérative ou mixte. L'économie chinoise est ainsi devenue très complexe, articulant plusieurs formes de propriété.

La privatisation de secteurs entiers a entraîné un enrichissement rapide pour certains et une perte de sécurité pour d'autres. Des fonctionnaires ont perdu l'emploi à vie et ont dû se reconvertir dans le privé. Dans les années 1990, ces changements ont provoqué de très fortes tensions sociales. Toutefois, la croissance exceptionnelle de l'époque a permis à la population de s'adapter, et le dynamisme économique a contribué à améliorer le niveau de vie général.

Aujourd'hui, la société chinoise est traversée par des contradictions : des ouvriers travaillent dur pour des salaires modestes, mais décents, tandis que d'autres vivent des revenus du capital. Le Parti communiste chinois a accepté cette montée des inégalités comme un prix à payer pour le développement, mais il s'efforce de contenir le risque de polarisation sociale. Son objectif est d'élever les rémunérations des couches populaires, notamment à travers une politique volontariste de hausse des salaires depuis une décennie.

De 1990 à 2005, les inégalités ont explosé en Chine. Depuis, elles tendent à diminuer, grâce à l'éradication de la grande pauvreté, à l'augmentation continue des salaires et à la lutte acharnée contre la corruption. Tous ceux qui s'étaient enrichis illégalement en détournant l'appareil d'État ont été lourdement sanctionnés. Sous Xi Jinping, le Parti est intraitable avec ceux qui se servent au lieu de servir le peuple.

SL : Y a-t-il un système de sécurité sociale en Chine ?

BG : À l'époque de Mao Zedong, il existait un système extrêmement protecteur, mais adapté à une économie relativement pauvre dans une société assez frugale. C'était le fameux système du « bol de riz en fer ». Pour simplifier, on était soit ouvrier dans une entreprise d'État en ville - avec logement gratuit, entre autres avantages - soit membre d'une commune populaire à la campagne où l'on travaillait pour la collectivité, tout en ayant la possibilité de cultiver un lopin individuel. Il s'agissait d'un système égalitaire et frugal, dans lequel il n'y avait pas de laissés-pour-compte : tout le monde était pauvre, mais chacun disposait du nécessaire.

À terme, le maintien de ce système aurait conduit à une stagnation du pays, notamment sur le plan scientifique et technologique. Deng Xiaoping voulait conjurer ce risque en lançant, à partir de 1978, son grand train de réformes accompagné d'une certaine ouverture. Dans ce contexte, les systèmes de protection existants - couverture maladie, assurance retraite - ont été démantelés. Cela a naturellement provoqué des troubles dans la société chinoise, car un tel changement est toujours difficile. La phase de transition, correspondant globalement aux années 1990, a été assez pénible, même si elle s'est accompagnée d'un fort taux de croissance qui en atténuait partiellement les effets immédiats.

À partir des années 2000, le système s'est stabilisé sous la forme d'une économie mixte, avec un puissant secteur public, un vaste secteur privé, un secteur coopératif et la prédominance de l'exploitation familiale dans l'agriculture. Il a donc fallu repenser complètement le système de protection sociale, d'autant plus que l'aspiration à une vie meilleure entraînait, comme ailleurs, une hausse des dépenses de santé. En outre, le vieillissement de la population créait de nouveaux besoins en matière de retraites.

Pour répondre à ces défis, depuis les années 2000, la Chine a achevé la mise en place d'un système de protection sociale désormais complet, couvrant aussi bien la maladie - 95 % des Chinois sont couverts - que la retraite - environ 90 % de la population, en ville comme à la campagne. En règle générale, on constate dans les campagnes un certain retard pour certains indicateurs, mais la Chine est aujourd'hui majoritairement urbaine, avec 66 % de la population vivant en ville, contre seulement 20 % dans les années 1980.

De nos jours, l'assurance maladie de base couvre l'ensemble de la population. Le nombre de lits d'hôpitaux a été multiplié par quatre en vingt ans, alors que la population n'a que très peu augmenté sur cette période. La part des dépenses de santé dans le PIB a fortement progressé, avec la construction de nombreux centres de santé en complément des grands hôpitaux publics. La médecine de ville - le médecin de quartier, tel qu'on le connaît en France - existe peu en Chine, sauf pour la médecine traditionnelle. Pour la biomédecine, la population se tourne vers ces centres, publics ou privés.

Les progrès de la Chine dans le domaine de la santé, amorcés par les médecins aux pieds nus dans les années 1960 dans des conditions rudimentaires, ont été extrêmement rapides. Aujourd'hui, l'espérance de vie dépasse 78 ans. Depuis 2020, les Chinois vivent même plus longtemps, en moyenne, que les Américains, notamment en raison d'une gestion plus efficace de la crise du Covid. L'état sanitaire de la population s'est considérablement amélioré en Chine.

SL : La presse occidentale a beaucoup parlé de la crise immobilière. Quelle est la situation aujourd'hui ?

BG : Cette crise est désormais dépassée, car depuis cinq ans, on observe une stabilisation du secteur immobilière.

Revenons en arrière pour comprendre. La Chine fonctionnait autrefois avec une économie administrée sous l'autorité de l'État et du Parti : dans les villes, les entreprises d'État fournissaient le logement, et dans les campagnes, les communes populaires assuraient ce même rôle. Dans ce cadre collectiviste et égalitaire, chacun avait un toit, dans un contexte de frugalité largement partagée.

Par la suite, le pays est passé à une économie mixte plus moderne, plus développée et plus riche, mais aussi plus inégalitaire. Le niveau de vie n'a cessé de s'élever et le marché a été libéralisé : les gens pouvaient donc acheter un logement. Cela a entraîné un véritable boom de l'immobilier, stimulé par une demande très forte : les revenus augmentaient d'environ 10 % par an et l'immobilier apparaissait comme l'investissement le plus sûr. En Chine, il faut rappeler qu'acquérir un logement est souvent un préalable au mariage.

Beaucoup de ménages de la classe moyenne - soit près de 400 millions de personnes - ont alors acheté un deuxième, voire un troisième logement dans l'espoir de réaliser une plus-value à la revente. Cette spéculation a logiquement entraîné une flambée des prix. Mais, dans tout système de marché, la hausse finit par buter sur la loi de l'offre et de la demande. L'excès d'offre a provoqué l'arrêt de nombreux projets et l'émergence de quartiers fantômes dans certaines grandes agglomérations. De leur côté, les particuliers ont découvert qu'ils s'enrichiraient moins que prévu, les prix ayant commencé à baisser.

Le gouvernement est alors intervenu avec une série de mesures destinées à stabiliser les prix et à assainir le secteur, notamment en sanctionnant les acteurs peu scrupuleux comme le groupe Evergrande - principal promoteur privé du pays - dont les dirigeants ont été emprisonnés. Les actifs de ces groupes ont été repris par les collectivités qui les ont utilisés pour développer l'offre de logements. Une politique de soutien aux particuliers a également permis d'éviter que les ménages ayant investi ne perdent leur habitation.

Ainsi, contrairement aux États-Unis lors de la crise des subprimes, où des milliers de familles ont été expulsées et contraintes de vivre dans leur voiture, faute de pouvoir rembourser les prêts, la Chine a évité un tel drame. L'État est intervenu pour protéger la population. Aujourd'hui, la crise immobilière en Chine appartient donc au passé.

SL : La Chine est, entre autres, connue pour sa population nombreuse. Quelle est aujourd'hui la situation démographique du pays ?

BG : La Chine a longtemps été le pays le plus peuplé de la planète, mais elle a cédé la première place à l'Inde en 2022. Les Chinois sont aujourd'hui 1,409 milliard, et depuis quelques années la population stagne. C'est logique : la Chine a désormais achevé sa transition démographique.

On en connaît les étapes. Tout d'abord, une forte baisse de la mortalité combinée à une natalité élevée a entraîné une croissance rapide de la population chinoise sous le régime socialiste. Avec Mao Zedong, la population chinoise a doublé tandis que l'espérance de vie progressait de 36 ans : en 1950, elle n'était que de 36 ans ; à la mort de Mao en 1976, elle atteignait 64 ans ; aujourd'hui, elle dépasse 78 ans. La chute de la mortalité a ainsi favorisé le doublement, voire le triplement de la population, qui s'est stabilisée autour de 1,4 milliard d'habitants.

La politique de contrôle des naissances, mise en place en 1978 et maintenue jusqu'en 2015, a permis à la Chine d'éviter, selon les démographes, environ 400 millions de naissances supplémentaires. Cette politique a toutefois été douloureuse pour certaines familles qui auraient souhaité avoir plusieurs enfants. Les minorités ethniques en ont été exemptées : la population ouïghoure, par exemple, a quadruplé depuis la fondation de la République populaire de Chine, et doublé depuis l'instauration de cette politique.

Aujourd'hui, la mortalité reste très faible grâce au système de santé, mais la natalité est également très faible, en raison de l'élévation du niveau de vie, de l'allongement des études, de la forte participation des femmes au travail et de l'urbanisation accélérée. Comme ailleurs, la natalité s'effondre dès qu'un certain niveau de développement est atteint. L'indice de fécondité n'est que de 1,18 en Chine, à comparer avec 1,21 au Japon et 0,72 en Corée du Sud.

En résumé, la Chine rejoint désormais le modèle des pays d'Asie orientale très développés, mais beaucoup moins peuplés, qui avaient vingt ans d'avance pour des raisons historiques. Cette évolution se traduit par le vieillissement rapide de la population, source d'inquiétude. Aujourd'hui, les autorités locales encouragent activement la natalité : certaines villes offrent même des avantages matériels pour la naissance d'un enfant.

SL : Évoquons à présent la principale préoccupation de notre temps : la protection de la planète. Comment la Chine relève-t-elle le défi environnemental ?

BG : La Chine a mené, au cours des trente dernières années, une politique d'industrialisation accélérée, parfois au détriment de certains équilibres écologiques. Elle a manqué le train de l'industrialisation au xixe siècle - dont avaient profité les puissances occidentales - car l'empire Qing, affaibli, avait été fragilisé par les interventions étrangères. Pourtant, au xviiie siècle, la Chine figurait parmi les principales puissances économiques du monde.

Aujourd'hui, la Chine est le premier émetteur de gaz à effet de serre. C'est logique : elle est devenue la première puissance industrielle, représentant 20 % du PIB mondial et 18 % de la population. Mais si l'on raisonne en émissions par habitant, la Chine se situe derrière les États-Unis, le Canada, l'Allemagne, l'Arabie Saoudite et plusieurs autres pays riches. Il faut donc relativiser les responsabilités : la Chine pollue beaucoup, certes, mais depuis une période récente, alors que les pays occidentaux émettent depuis deux siècles. L'impact historique cumulé de la Chine reste donc inférieur, ce qui ne l'exonère évidemment pas de sa responsabilité présente et future.

Depuis une dizaine d'années, la Chine mène une politique volontariste, notamment après l'« apocalypse atmosphérique » qui a frappé Pékin en 2013. En 2015, Xi Jinping a créé une inspection centrale chargée de contrôler les industries polluantes. Les inspections sont sévères, les sanctions très lourdes, et le système chinois se montre particulièrement strict. Des mesures draconiennes ont été prises contre toutes les formes de pollution réductibles : air, sols, eaux. Par exemple, dans ce pays riche en fleuves et en lacs, 90 % des eaux sont aujourd'hui considérées comme saines. Des efforts colossaux ont été également menés pour améliorer la qualité de l'air.

La politique énergétique constitue un autre axe majeur. En 2023, la Chine est devenue le premier investisseur mondial dans les énergies renouvelables, concentrant 66 % des investissements mondiaux. Elle est le numéro un dans la production de batteries électriques, de panneaux solaires et d'éoliennes. Le pays abrite d'immenses parcs de panneaux solaires et éoliens, dont certains dans le désert, capables d'alimenter des villes entières de plusieurs centaines de milliers habitants. La Chine est également leader mondial dans l'hydroélectricité, avec le barrage des Trois Georges sur le Yangzi, déjà le plus grand du monde, et un projet plus ambitieux dans l'Himalaya.

Ce vaste programme de transition énergétique mobilise à la fois le secteur public et le secteur privé. L'objectif est clair : réduire progressivement la dépendance aux énergies fossiles et accélérer le basculement vers les énergies vertes.

En somme, la Chine fait partie du problème, mais elle constitue aussi une grande partie de la solution, ce qui n'est pas forcément le cas des États-Unis. L'Europe, plus sensible à ces enjeux, pourrait d'ailleurs développer un partenariat avec la Chine sur cette question, où il n'existe pas de véritable rivalité.

Enfin, concernant le nucléaire, l'Europe reste marquée par une sensibilité antinucléaire qui empêche parfois de voir la réalité en face. Or le nucléaire moderne - avec les réacteurs de troisième et quatrième génération, et bientôt ceux de cinquième génération utilisant lithium et hydrogène - représente un secteur d'avenir. Les centrales à charbon doivent être remplacées par des centrales nucléaires, ce que la Chine entreprend, contrairement par exemple à l'Allemagne. Pékin ambitionne de devenir la première puissance mondiale de nucléaire civil.

SL : Parlons de politique à présent. La Chine suscite régulièrement des controverses en Occident. Pourriez-vous nous dire comment fonctionne le système électoral chinois ?

BG : Le système électoral chinois fonctionne à plusieurs niveaux : villes, cantons, districts, provinces et, enfin, le niveau national, avec des assemblées populaires élues. Ces assemblées sont des organes délibératifs qui traitent les affaires relevant de leur compétence territoriale.

La Chine compte environ trois millions d'élus, pour 98 millions de membres du Parti communiste. Parmi ces élus, une proportion significative n'appartient pas au Parti. Depuis 1949, huit autres partis siègent à l'Assemblée populaire nationale. Leur influence reste limitée, mais ils jouent un rôle et permettent d'exprimer des voix alternatives.

Au niveau local, les candidats sont proposés directement par la population : si dix personnes soutiennent un candidat, celui-ci peut se présenter aux élections au suffrage universel direct. Les conditions sont simples : posséder la nationalité chinoise et avoir un casier judiciaire vierge. Aux niveaux supérieurs, les élections se déroulent au suffrage universel indirect : ce sont les élus de la base qui élisent ceux des échelons suivants. Dans tous les cas, le vote se fait à bulletin secret.

Aux niveaux intermédiaires et supérieurs, le rôle du Parti devient plus central, afin de garantir que les élus respectent les grandes orientations politiques. Ce n'est pas un système de compétition pour le pouvoir, comme dans les démocraties libérales et pluralistes occidentales. En Chine, il n'y a pas de partis qui s'affrontent par campagnes médiatiques et financements bancaires. Les médias ne jouent aucun rôle dans le processus électoral.

Les Chinois parlent de « démocratie populaire », et Xi Jinping a ajouté le qualificatif « intégrale », pour souligner que les élections existent à tous les niveaux et que les propositions des élus sont prises en compte. Mais ce système électoral s'inscrit dans le cadre d'un parti unique, un parti-État, représentant l'ensemble de la société et administrant chaque niveau territorial avec l'Assemblée populaire et les exécutifs locaux, régionaux et provinciaux.

Le Parti communiste est à la fois un vivier de cadres et un mécanisme méritocratique de sélection : ceux qui se distinguent aux échelons intermédiaires peuvent gravir les échelons supérieurs. Xi Jinping, par exemple, avant de devenir président de la République et secrétaire général du Comité central, a suivi ce parcours étape par étape. Il a aussi connu, durant la Révolution culturelle, huit années de rééducation dans un village reculé.

En résumé, il s'agit d'un système à la fois bureaucratique et méritocratique, dans lequel le Parti communiste constitue l'ossature de l'État et administre la société selon les orientations définies par l'Assemblée populaire nationale et le Congrès du Parti.

SL : Comment s'explique le monopartisme en Chine ? Peut-on parler de démocratie avec un parti unique ?

BG : La théorie habermassienne définit la démocratie comme un espace public où les différentes opinions peuvent s'exprimer librement et concourir à l'élection de ceux qui sont jugés les plus favorables à l'intérêt du peuple. C'est l'une des théories démocratiques occidentales les plus élaborées.

Si l'on identifie la démocratie exclusivement à ce modèle - qui reste un mythe - alors non, la Chine n'est pas une démocratie. Ce système n'existe réellement que dans l'imaginaire des philosophes qui l'ont conçu, des politiciens qui font semblant d'y croire et des électeurs qui y croient de moins en moins. Et même en admettant qu'il ait existé à certaines périodes de l'histoire, peut-on affirmer qu'il s'agit de la seule forme de démocratie possible ?

Les Chinois ont une réponse claire : ils reconnaissent le modèle occidental, mais estiment qu'il n'est pas adapté à leur histoire. Ils lui préfèrent un autre système, qu'ils qualifient « démocratie populaire intégrale », qu'ils jugent plus en phase avec leurs réalités nationales.

Le Parti communiste chinois se perçoit comme investi d'une mission historique. Après trente ans de lutte pour le pouvoir, il a mis en place un système qui, aujourd'hui, a fait ses preuves par ses résultats. Les Chinois, dans leur immense majorité, n'aspirent pas à un changement de système. En Chine, on peut modifier les politiques publiques en fonction de l'intérêt général, sans pour autant remettre en cause la structure du pouvoir.

En Occident, les systèmes politiques sont dominés par des oligarchies ou ploutocraties libérales. On peut y changer de gouvernement, mais très rarement de politique. Le véritable pouvoir est entre les mains des élites économiques et financières, qui fixent les limites du jeu politique. En France, on dit souvent que si Jean-Luc Mélenchon arrivait le pouvoir, l'économie serait aussitôt fragilisée par les retraits de capitaux et la pression des marchés financiers, réduisant immédiatement sa marge de manœuvre.

En Chine, le vrai pouvoir est politique. Faire de la politique signifie rejoindre le Parti communiste pour participer à l'effort collectif. En France, le vrai pouvoir est économico-financier : peu importe le président élu, la politique économique suit toujours la même trajectoire. La démocratie occidentale se résume souvent au slogan de Margaret Thatcher : There is no alternative.

En Chine, il n'y a certes pas d'alternative au système du parti unique. En revanche, il existe de véritables alternatives dans l'élaboration des politiques. Sous Xi Jinping, par exemple, on a vu des choix forts : l'éradication de la grande pauvreté, une lutte systématique contre la corruption, et la mise au pas des grands groupes privés, sommés d'investir dans la haute technologie pour l'intérêt national et de rester en dehors du champ politique. Le Parti communiste est l'unique détenteur du pouvoir politique en Chine.

SL : Peut-on exprimer librement une opinion hétérodoxe en Chine ?

BG : Tout dépend de ce que l'on entend par opinion hétérodoxe. Il faut rappeler que la liberté d'expression connaît des limites, y compris dans les démocraties occidentales. Encore faut-il avoir accès aux moyens d'expression.

Toutes proportions gardées, c'est à peu près pareil en Chine. On peut exprimer des opinions dissidentes sur les réseaux sociaux, parfois de manière très critique, même si l'État exerce une surveillance et un contrôle. Mais c'est aussi le cas dans nos démocraties occidentales. En pratique, il existe une certaine liberté de ton.

Dans les médias, la situation est différente. L'idée que la démocratie se résume à la confrontation parfois brutale d'opinions et à une compétition pour le pouvoir n'a pas cours en Chine. Le débat public n'a pas pour but de conquérir le pouvoir, mais d'approfondir la connaissance partagée. La civilisation chinoise, plurimillénaire, valorise le savoir et le mérite. On n'y organise pas de débats tels qu'en France, où chacun s'exprime sur tout, sans nécessairement être spécialiste. Le bavardage médiatique, la polémique permanente, la foire d'empoigne électorale, les controverses inutiles et les échanges verbaux violents n'intéressent pas les Chinois. Cela ne fait pas partie de leur culture : ils trouvent même cela grotesque. Tout comme ils n'aiment pas le trouble à l'ordre public et sont très soucieux de la sécurité, ils n'apprécient pas le désordre dans les médias.

Cela dit, il existe bel et bien des opinions divergentes en Chine. Sur le plan intellectuel et idéologique, plusieurs courants coexistent.

Les néo-confucéens, très actifs dans les milieux universitaires, politiques et médiatiques, prônent un retour aux valeurs traditionnelles : esprit familial, piété filiale, principes confucéens en général. Ils souhaitent que ce corpus serve de socle moral partagé, sans dimension religieuse transcendante.

Les libéraux sont très influents dans certains milieux économiques et politiques. Ils militent pour une plus grande liberté des marchés, davantage de privatisations et une ouverture vers un modèle proche des oligarchies occidentales. Ce courant a eu une forte influence en Chine au début des années 2000, après le mandat de Jiang Zemin, mais il n'est pas dominant aujourd'hui. Sous Xi Jinping, le secteur privé garde un rôle, mais sous la conduite d'un État fort qui fixe la direction.

Les nationalistes souhaitent une reprise en main de Taïwan et une plus fermeté face aux provocations des États-Unis en mer de Chine. Ils défendent une ligne dure, axée sur la souveraineté et la puissance.

La nouvelle gauche a été très influente dans les années 1990-2000. Elle s'opposait aux privatisations massives, au démantèlement de la protection sociale maoïste, à la montée des inégalités et à la précarité des travailleurs migrants. Elle a plaidé pour un retour aux fondamentaux du socialisme et pour des réformes sociales. Ce courant a en partie accompli sa mission historique puisqu'elle a gagné la bataille idéologique. Toutes les évolutions importantes de ces dernières années vont dans son sens : généralisation de la protection sociale, loi du travail de 2008 plus favorable, lutte contre la pauvreté et contre la corruption.

En Chine, même les puissants - cadres du Parti ou entrepreneurs privés - n'échappent pas à la loi pénale. Le pays est l'un des rares où des milliardaires ont été emprisonnés, voire exécutés en 2021. L'État impose son autorité et personne n'est au-dessus de la loi.

Comme l'a dit un auteur chinois, le socialisme a sauvé la Chine sous Mao Zedong, et aujourd'hui, la Chine a sauvé le socialisme comme idée porteuse d'espoir.

SL : Qu'en est-il de la situation des droits de l'homme en Chine ?

BG : Les organisations internationales de défense des droits de l'homme, comme Amnesty International ou Human Rights Watch, publient régulièrement des rapports sur cette question. Elles recensent effectivement certaines violations, par exemple, des condamnations pénales avec de la prison ferme pour troubles à l'ordre public.

Il faut toutefois remettre ces réalités en perspective en les comparant à ce qui se passe ailleurs, y compris dans les pays occidentaux. En France, lors du mouvement des « gilets jaunes », de nombreuses personnes sans casier judiciaire ont également été condamnées à de la prison ferme. Certaines ont perdu la vie ou ont été mutilées lors d'interventions des forces de l'ordre. Si l'on adopte une approche comparative, l'idée selon laquelle la répression en Chine serait singulièrement effroyable ne résiste pas longtemps à l'examen des faits.

Les Chinois rappellent par ailleurs que les droits de l'homme ne se résument pas à la liberté d'expression. Pour eux, le premier droit fondamental est le droit à une vie décente, auquel s'ajoute le respect de la souveraineté nationale. Sur ces deux points, ils considèrent que leur pays est en avance sur beaucoup d'autres nations.

Il existe bien sûr des limites à la liberté d'expression en Chine, mais cela vaut partout dans le monde. Les critères sont simplement différents. En Chine, il est interdit d'appeler à la destitution du président, à la remise en cause du modèle politique, à l'insurrection contre le pouvoir ou à la sécession des minorités ethniques.

SL : En Occident, on parle souvent de la situation des Ouïghours et des discriminations dont ils seraient victimes. Quel est votre regard sur le sujet ?

BG : Le Xinjiang compte environ de 26 millions d'habitants, dont 12 millions de Ouïghours. Cette région connaît depuis longtemps un courant nationaliste à tendance séparatiste. Il s'était déjà manifesté à la fin du xixe siècle, suscitant une répression par l'empire Qing. Les convulsions de la Chine post-impériale à partir de 1911 ont favorisé la renaissance de ce mouvement. Il s'est ensuite essoufflé jusqu'à la fin des années 1990.

Grâce aux politiques menées par Pékin, la population ouïghoure est passée de 3 à 12 millions de personnes en quelques décennies. Mais cette croissance démographique a également nourri des velléités séparatistes, alimentées par un espoir de libération.

La déferlante islamiste qui a traversé le Moyen-Orient et l'Asie centrale n'a pas épargné le Xinjiang, voisin frontalier du Pakistan et de l'Afghanistan. Des combattants passés par l'Afghanistan y ont transité, et cette mouvance est entrée en action en 2009 avec les émeutes d'Urumchi, où des centaines de séparatistes ouïghours d'obédience djihadiste ont attaqué et massacré des civils de l'ethnie Han. Il y a eu 191 morts. Par la suite, les attentats se sont multipliés jusqu'à celui de la gare de Kunming, où 31 passagers ont été massacrés à l'arme blanche.

Face à ce terrorisme séparatiste et djihadiste ouïghour, l'État chinois a réagi avec fermeté pour éviter un scénario comparable à celui de la Syrie. La police militaire a démantelé les cellules terroristes et les tribunaux ont condamné environ 30 000 personnes à des peines allant de simples amendes à de lourdes peines de prison. Parmi elles, 13 000 ont été incarcérées. Ces peines variaient selon la gravité des faits : la propagande n'était pas sanctionnée comme les activités terroristes. Des centres d'internement ont aussi accueilli des individus considérés comme terroristes ou apprentis terroristes.

Cette politique a été largement soutenue par l'opinion publique chinoise, y compris une grande partie de la population ouïghoure, notamment face au Parti Islamique du Turkestan, branche ouïghoure d'Al-Qaeda.

À côté de la répression, un volet préventif a été mis en place. Pékin a créé des centres de formation professionnelle et de rééducation semi-fermés où les jeunes suivaient des programmes de plusieurs mois avec des permissions régulières. La presse occidentale les a qualifiés de « camps de concentration », après que Mike Pompeo, secrétaire d'État sous l'administration Trump, a accusé la Chine de mener une « politique génocidaire ». Il s'agit d'une rhétorique complètement absurde : ces centres ont aujourd'hui fermé après avoir rempli leur objectif de déradicalisation.

Aujourd'hui, le Xinjiang a retrouvé sa tranquillité. Les musulmans y pratiquement librement leur religion : on y compte 23 000 mosquées sur un total de 35 000 dans toute la Chine, des vols relient la région à La Mecque pour le pèlerinage, et les restaurants halal y sont nombreux. La Chine n'a jamais eu de problème avec l'islam en tant que religion, mais avec des organisations radicales téléguidées de l'étranger, comme Al-Qaeda, née sous l'impulsion de la CIA, qui a soutenu la création du Parti islamique du Turkestan pour déstabiliser la région. Cette stratégie avait été formulée par Zbigniew Brzezinski, qui voyait dans la « ceinture verte » musulmane au sud de la Russie et de la Chine un point faible où diffuser l'idéologie wahhabite et djihadiste pour affaiblir ces puissances.

SL : Y a-t-il des prisonniers politiques en Chine ?

BG : Tout dépend ce que l'on appelle prisonniers politiques. Si l'on désigne par là des personnes condamnées par la justice chinoise pour trouble grave à l'ordre public ou pour menace contre la sécurité nationale, alors la réponse est oui.

On cite souvent l'exemple de Liu Xiaobo, intellectuel chinois, mentionné dans les rapports d'Amnesty International comme prisonnier politique. On peut regretter qu'un intellectuel ait été emprisonné pour ses écrits, mais il faut rappeler la teneur de certains de ses propos. Il affirmait que les Chinois étaient des « sous-hommes » et que, pour devenir des « hommes », il faudrait que les Occidentaux recolonisent la Chine pendant trois siècles. Il a également écrit que la Chine devait être divisée en vingt pays car elle était ingérable. Il a soutenu la guerre contre l'Irak et salué l'intervention militaire étasunienne en Corée, affirmant que la Chine s'était alors retrouvée « dans le mauvais camp ». Or, il faut se souvenir que 300 000 soldats chinois qui ont perdu la vie durant la guerre Corée.

Malgré ces prises de position, il a reçu le Prix Nobel de la Paix. Mais pour l'État chinois, extrêmement attaché à sa souveraineté nationale, de tels propos étaient intolérables. Peu d'États souverains accepteraient de laisser passer ce type de déclarations sans réagir.

SL : Évoquons à présent la place de la Chine dans le monde. La Chine est-elle une puissance pacifique ?

BG : La Chine n'a mené aucune guerre depuis 1979. La dernière en date a été le conflit frontalier avec le Vietnam, ce dernier étant intervenu pour mettre fin aux massacres des Khmers Rouges, que Pékin soutenait alors. Dans un contexte de transition politique, les dirigeants chinois avaient voulu montrer leur force en lançant une offensive à la frontière vietnamienne. Mais ils se sont heurtés à la 92e division vietnamienne, aguerrie par ses victoires contre les Français puis contre les Américains. C'était clairement une mauvaise idée.

Depuis, la doctrine chinoise s'oppose à toute forme de guerre. Pékin refuse de projeter sa puissance par la voie militaire. La Chine ne possède qu'une seule base militaire à l'étranger, à Djibouti, contre 800 pour les États-Unis.

La position officielle de la Chine reste le règlement pacifique des conflits. C'est la ligne qu'elle défend sur le conflit russo-ukrainien, sur le conflit israélo-palestinien, ou encore dans les tensions entre l'Iran et les États-Unis.

SL : Quel est l'état actuel des relations entre Chine et les États-Unis ? Une guerre est-elle possible entre les deux pays ?

BG : Un conflit est toujours possible, mais il reste peu probable. La Chine est une puissance nucléaire depuis 1964. Pour les États-Unis, également puissance nucléaire, affronter la Chine reviendrait à courir le risque d'une destruction mutuelle. C'est le principe même de l'équilibre de la terreur.

Les Chinois n'ont aucune intention de faire la guerre aux États-Unis. Le seul scénario plausible d'affrontement militaire limité concernerait Taïwan, si l'île proclamait son indépendance. Pékin considère cela comme un casus belli. Dans une telle hypothèse, la Chine imposerait probablement un blocus, auquel les États-Unis tenteraient de s'opposer. À Taïwan même, il existe deux camps : les indépendantistes, actuellement au pouvoir, et les partisans du dialogue avec Pékin.

La confrontation entre la Chine et les États-Unis se joue davantage sur le terrain économique. Et, sur ce plan, les Chinois ont déjà pris l'avantage.

SL : Parlez-nous justement du projet « Une ceinture, une route ».

BG : C'est un projet de partenariat mondial déjà concrétisé à une grande échelle. Lancé par Xi Jinping en 2013, il a mobilisé un budget d'environ 1 000 milliards de dollars pour financer 14 000 projets, dont un tiers sont réalisés ou en cours de réalisation. Il s'agit d'infrastructures civiles : parcs industriels, lignes ferroviaires, centrales électriques, stades, hôpitaux, autoroutes, ports.

Ces infrastructures permettent à la fois de développer les échanges commerciaux et de doter les pays en développement des équipements nécessaires à leur industrialisation. Pékin souhaite voir progresser ces pays, car ils deviennent des partenaires plus intéressants que s'ils restent à la traîne.

C'est un partenariat gagnant-gagnant : la Chine bénéficie de partenaires plus solides avec lesquels elle intensifie son commerce, et les pays concernés profitent d'un développement accéléré. C'est donc un projet de co-développement à l'échelle mondiale.

Le modèle est plus attractif que ceux proposés par les Occidentaux. Les prêts sont accordés par les banques publiques chinoises, à des taux avantageux, car elles n'ont pas d'actionnaires privés à rémunérer et s'inscrivent dans une logique de long terme. Les travaux sont réalisés par des entreprises chinoises, publiques et privées, en partenariat avec les entreprises locales, ce qui génère des emplois et favorise les transferts de technologie.

Ces partenariats dépassent les clivages géopolitiques. En Amérique latine, par exemple, la Chine collabore aussi bien avec le Venezuela, qu'avec la Colombie ou le Chili. En Europe, 14 pays participent également au projet.

En moins de dix ans, Pékin est ainsi parvenu à bâtir un vaste partenariat planétaire fondé sur des infrastructures civiles, dans l'intérêt du plus grand nombre, et bien sûr du sien. Contrairement aux États-Unis ou au Fonds monétaire international, qui conditionnent leur aide à des politiques d'austérité et aux préceptes du consensus de Washington, à savoir privatisations, libéralisation à outrance, démantèlement de l'État providence, etc., la Chine propose une coopération sans contrepartie politique. Elle ne s'immisce pas dans la politique intérieure. C'est ce qui explique le succès du projet.

SL : Quelles sont les relations de la Chine avec le Sud global ?

BG : La Chine est d'abord liée au Sud global par son projet de partenariat mondial, à travers « Une ceinture, une route ». Mais elle a aussi tissé un réseau avec le Sud grâce aux BRICS, qui regroupent aujourd'hui 11 pays et comptent une dizaine de candidats. L'adhésion nécessite l'accord de tous les membres, ce qui entraîne parfois des vetos.

Les BRICS ne sont pas une alliance politique, économique ou militaire, mais une plateforme d'échanges informelle. Leur intérêt commun est de poursuivre leur développement selon leurs propres voies, sans exclusive ni ingérence dans les choix des autres membres. Il s'agit d'une coalition montante des nations souveraines qui coopèrent de plus en plus et qui, souvent, dédollarisent leurs échanges bilatéraux : c'est le cas entre la Chine et la Russie, ou entre la Chine et le Brésil. Plus les BRICS accueilleront de membres, plus le commerce mondial se libérera de la dépendance au dollar.

La Chine a également parrainé la Nouvelle Banque de Développement des BRICS (NDB), présidée aujourd'hui par l'ancienne présidente du Brésil, Dilma Roussef. Cette institution est appelée à devenir un bailleur de fonds majeur des projets de la nouvelle version de « Une ceinture, une route ».

Pékin met aussi l'accent sur les télécommunications, avec l'installation de la 5G sur tout le continent africain. À terme, elle construira des centrales nucléaires dans plusieurs pays du Sud. Un projet de ce type avait d'ailleurs été conclu avec l'Argentine, avant d'être gelé par le nouveau président Javier Milei. La technologie nucléaire chinoise est en passe de s'imposer à l'échelle mondiale pour deux raisons : elle est aussi performante que celle des Occidentaux, mais à un coût inférieur. Il en va de même pour les énergies renouvelables, grâce à la puissance financière, l'expertise technologique et la capacité de production considérables de la Chine.

En résumé, la Chine est en train de devenir le principal bailleur de fonds du co-développement d'une grande partie du monde, dans une logique pacifique et au service d'une prospérité partagée.

SL : Dernière question de ce passionnant entretien : pourquoi la Chine revendique-t-elle Taïwan ?

BG : Taïwan fait partie de la Chine. Pékin n'a donc pas besoin de « revendiquer » ce territoire : il est chinois. Revendiquer ce qui vous appartient est légitime. Taïwan est une province de la Chine, et ce depuis longtemps. Historiquement, l'île a été pleinement intégrée à l'Empire Qing au milieu du xviiie siècle, après avoir déjà appartenu à la Chine auparavant. Elle a été ensuite arrachée par le Japon à travers le traité inégal de Shimonoseki en 1895.

Plus tard, lorsque Tchang-Kaï-chek s'y est réfugié après la guerre civile, Taïwan est devenue une entité sécessionniste. Mais depuis 1971, avec la reconnaissance par l'ONU du principe d'« une seule Chine » et l'attribution du siège chinois à la République populaire de Chine, Taïwan n'a pas d'existence juridique. Aujourd'hui, seuls six ou sept micro-États la reconnaissent officiellement. Même les États-Unis, qui soutiennent militairement l'île, ne la reconnaissent pas comme un État indépendant.

Il s'agit donc d'une sécession de fait, une anomalie historique appelée à disparaître d'ici la prochaine décennie. Depuis plusieurs années, l'armée chinoise multiplie les exercices navals autour de l'île, qui reproduisent toujours le même scénario : un blocus. Pékin n'attend qu'une chose : que les dirigeants taïwanais commettent une erreur irréversible, comme proclamer l'indépendance. Dans ce cas, le blocus serait mis en place. Et personne ne chercherait réellement à le briser, pas même les Américains.

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