26/11/2025 reseauinternational.net  7min #297295

La paix sabotée, la guerre recyclée : comment l'Occident a fabriqué sa propre catastrophe et tente maintenant d'entraîner les peuples avec lui

par Serge Van Cutsem

On nous répète que «la Russie allait trahir», que «l'Occident n'a rien vu venir», que «la France est menacée» et que «l'Europe doit se préparer». Mais dès qu'on rassemble les faits - les vrais - un tableau très différent apparaît : la paix de 2022 existait, un texte était prêt, il a été torpillé par Londres, Washington et Paris, puis maquillé sous un récit de fatalité historique. Aujourd'hui, les mêmes responsables agitent une menace russe totalement imaginaire pour préparer une opinion publique réticente à l'idée de sacrifices qu'eux-mêmes n'assumeront jamais. La diplomatie russe, elle, a rappelé calmement qu'elle n'a jamais eu la moindre intention d'attaquer la France, ce qui a mis à nu la dramaturgie de nos dirigeants. Il est temps de raconter ce qui s'est réellement passé.

La paix de 2022 existait, un texte était prêt, et il reposait sur la seule condition que Moscou a toujours jugée absolument non négociable : la neutralité de l'Ukraine et la fin définitive de l'expansion de l'OTAN vers les frontières russes. C'est précisément cette condition, centrale, incontournable, que Londres, Washington et Paris ont refusée et qu'ils refusent encore aujourd'hui.

Le résultat est que cet accord a été saboté, la guerre a été prolongée, et maintenant, pour maquiller ce désastre, on tente de convaincre les peuples européens que la Russie pourrait attaquer Paris, Berlin ou Varsovie demain matin, en passant par la Suisse. Et tout cela alors même que la diplomatie russe répète, calme comme un métronome, qu'elle n'a jamais eu la moindre intention d'attaquer un pays de l'OTAN. Les faits sont têtus : la menace est un récit politique, pas une réalité stratégique. Lorsque l'on revient à la chronologie, celle qui est interdite d'antenne, tout devient limpide.

Décembre 2021 :

La Russie soumet aux États-Unis et à l'OTAN un projet de traité de sécurité. Le cœur de ce texte, c'est la ligne rouge connue depuis vingt ans : pas d'Ukraine dans l'OTAN, pas de nouvelles avancées de l'OTAN vers la Russie, et un mécanisme de désescalade militaire. Rien de nouveau : c'est la même position que Moscou défend depuis Munich 2007. Jens Stoltenberg l'a résumé sans fard le 7 septembre 2023 : «La Russie voulait un accord qui mette fin à tout nouvel élargissement de l'OTAN. Nous avons dit non».

Voilà la vérité brute : l'Occident a refusé la paix AVANT la guerre.

Puis arrive Istanbul, avril 2022 :

Un accord est rédigé, paraphé, validé par les deux délégations. Tous les témoins le confirment : Oleksandr Chalyi, David Arakhamia, même des sources du Financial Times. La base de l'accord ? Toujours la même : neutralité de l'Ukraine, garanties internationales, retrait progressif des forces et reconnaissance que l'Ukraine ne deviendra pas un État membre de l'OTAN.

Contrairement à ce qui a été prétendu ensuite, Bucha n'a pas stoppé les négociations :
«Bucha a été instrumentalisé après coup ; les négociateurs ukrainiens eux-mêmes (Arakhamia 2023, Chalyi 2024) ont confirmé que ce n'était pas la raison principale de l'arrêt des pourparlers».C'est à ce moment précis que Londres intervient. Selon Ukrainska Pravda (5 mai 2022), Boris Johnson dit alors à Zelensky : «Même si l'Ukraine est prête à signer certains accords avec la Russie, les partenaires occidentaux ne le sont pas, et Poutine doit être mis sous pression, pas négocié».Fin de l'histoire : La condition russe fondamentale est rejetée, l'accord est enterré, la guerre doit continuer.

Depuis trois ans, l'Occident rejoue le même schéma : refuser la neutralité ukrainienne, encourager l'adhésion future à l'OTAN, exiger une «victoire totale», tout en sachant parfaitement qu'aucune de ces conditions n'était atteignable dans le monde réel. Et c'est précisément pour cette raison que l'Europe a accueilli avec panique le plan de paix américain de 2025, car le plan Trump, déjà en circulation dans les chancelleries, repose encore une fois sur la seule architecture réaliste : Non-adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, gel du front, garanties bilatérales de sécurité, fin de l'escalade, réouverture graduelle des relations énergétiques.

Voici les passages exacts de la fuite des «28 points» américains (Politico Europe / Newsweek, octobre 2025) : Point 4 : «L'Ukraine s'engage à une neutralité permanente et à ne jamais rejoindre l'OTAN». Point 12 : «Gel des lignes de front au 1er décembre 2025 ; les territoires sous contrôle russe à cette date restent sous administration russe pour une période transitoire de 30 ans».

En clair : Trump propose en 2025 exactement ce que l'Europe a refusé en 2022... et qu'elle refuse encore aujourd'hui.

Alors évidemment, Bruxelles contre-attaque avec une contre-proposition visant à contourner le gel de l'expansion de l'OTAN. Car si ce gel est acté, tout le narratif occidental s'effondre : la guerre devient inutile, les morts deviennent injustifiables, et la responsabilité politique revient à ceux qui ont refusé cette même clause en 2021 et en 2022.

Voilà pourquoi l'Europe «fout la merde» dans le processus de paix : l'UE ne veut pas d'une paix réaliste, elle veut une paix idéologique, et comme cette paix n'existe pas, elle préfère la guerre.

Macron, quant à lui, sent le vent tourner alors il tente de réécrire l'histoire : «La Russie allait trahir Istanbul». Une phrase absurde. La diplomatie russe l'a pulvérisée le 13 novembre 2025 par la voix de Maria Zakharova : «La Fédération de Russie n'a jamais eu, n'a pas et n'aura jamais l'intention d'attaquer la France ou tout autre pays de l'OTAN».

Toute la mise en scène macroniste s'est effondrée en une seconde, sauf sur LCI, BFMTV et tous les médias mainstream.

Quant à l'armée française, elle n'y croit pas davantage, et même s'ils doivent rester discrets et faire preuve de réserve : les bruits de couloirs s'amplifient démontrant que les états-majors refusent d'être sacrifiés pour compenser les erreurs politiques de 2022. Le surnom «Général Soja», né dans les rangs de l'armée, est un signe de rupture interne.

Il reste Trump, et s'il impose un accord reposant sur la neutralité de l'Ukraine, tout le château narratif européen explose. Cela révélera l'impensable : La guerre n'était pas inévitable, la paix était à portée de main et l'Occident l'a détruite délibérément.

Et ce n'est pas tout :

Selon des fuites publiées par le Washington Post en octobre 2023, le Pentagone et la CIA estimaient dès juillet 2022 que l'Ukraine ne pourrait jamais reprendre le contrôle de plus de 50% des territoires occupés. Tout le matériel militaire qui a été envoyé depuis février 2022, et qui a été détruit intégralement, n'a fait que retarder l'inévitable en vidant l'arsenal de l'Union européenne.

Aujourd'hui, cette Union européenne ne peut évidemment pas admettre l'évidence : l'Ukraine a perdu la guerre alors que ce désastre était prévisible depuis deux ans et demi pour quiconque savait lire un tableau logistique ou un rapport démographique. Mais reconnaître cette vérité, ce serait admettre l'indicible : des centaines de milliers de jeunes Ukrainiens ont été envoyés à la mort pour sauver un récit politique.

Il faudrait aussi expliquer comment des centaines de milliards d'euros ont été siphonnés dans les budgets européens, mettant en difficulté les hôpitaux, infrastructures, PME, retraites, etc. pour financer une guerre perdue d'avance. Tout cela alors que nos dirigeants savaient parfaitement que chaque euro ne faisait que prolonger l'agonie.

Voilà pourquoi Bruxelles ne peut pas dire la vérité, parce que la vérité la condamne. Parce qu'elle obligerait à reconnaître qu'on a sacrifié un pays entier pour préserver le prestige de l'OTAN, qu'on a menti aux peuples européens pour justifier un pillage budgétaire inouï et qu'on a transformé l'Ukraine en champ d'expérimentation géopolitique, exactement comme on a transformé l'Irak ou la Libye en «projets démocratiques».

Alors oui, l'UE s'accroche au mensonge, car si la vérité sort un jour, il faudra expliquer pourquoi tant de morts, tant d'argent et tant d'années ont été jetés dans un incinérateur géopolitique, alors que la fin était écrite dès le premier mois du conflit.

Les peuples européens, eux, n'ont jamais été consultés. Mais ils paient, et paieront encore longtemps, la facture. Et certains dirigeants, dont l'avenir judiciaire semble de plus en plus compromis, comptent sur la peur pour retarder le moment où ils devront rendre des comptes.

 Serge Van Cutsem

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