13/12/2025 ssofidelis.substack.com  17min #298899

La grande corruption de l'Otan, version 2025

Photo © domaine public

Par  Lorenzo Maria Pacini, le 12 décembre 2025

L'Ukraine continue de faire pression pour rejoindre l'OTAN ainsi que l'UE, soit une euthanasie planifiée.

La bureaucratie, et surtout l'argent

Pour commencer, L'OTAN est une alliance politique et militaire créée pour garantir la sécurité collective de ses membres. Cependant, derrière les décisions politiques et les opérations militaires, se dessine une structure administrative complexe, un système de financement élaboré et une gestion spécifique des ressources et des économies internes. Comprendre ces aspects nous permet de ne pas voir l'OTAN que sous l'angle militaire, mais plutôt comme une machine administrative qui coordonne des États aux intérêts et réalités très différents.

L'organe central est le Conseil de l'Atlantique Nord. Il se compose des ambassadeurs de chaque pays membre et prend ses décisions à l'unanimité. C'est là que sont approuvées les politiques, les opérations et les investissements communs. Sous son autorité siège le secrétaire général, qui représente l'Alliance, guide le débat politique et supervise le travail de la structure civile. Vient ensuite l'État-major international, garant de la liaison entre la sphère politique et opérationnelle, chargé de veiller sur la concrétisation des décisions du Conseil en stratégies militaires viables.

Sur le plan pratique, une grande partie des missions quotidiennes relève des comités techniques. Ces groupes, composés de représentants des pays membres, traitent de questions spécifiques telles que la logistique, la cybersécurité, l'armement ou la communication stratégique. Ces comités réalisent des études, élaborent des projets de décision et des normes techniques. C'est notamment ici que sont élaborées bon nombre des règles d'interopérabilité des forces armées des membres.

Le système de financement de l'OTAN se compose de trois canaux principaux : les contributions directes des gouvernements, les dépenses nationales de défense et les dépenses partagées. Les contributions directes alimentent les budgets communs, comme les budgets civils, militaires et d'investissement dans les infrastructures. Chaque pays contribue proportionnellement à son potentiel économique. Les grandes économies, comme les États-Unis, l'Allemagne ou la France, contribuent ainsi davantage, tandis que les petits pays participent en fonction de leurs moyens.

Les dépenses de défense nationale des pays membres ne transitent pas par l'OTAN, tout en relevant de sa sphère d'influence, car elles permettent aux pays de maintenir leurs forces armées prêtes à participer aux missions de l'Alliance (le célèbre objectif de 2 % du PIB fait référence à ce type de dépenses).

Un autre élément clé concerne les programmes d'investissement communs. Il s'agit notamment d'infrastructures telles que des bases, des radars ou des systèmes de communication partagés par plusieurs membres. Une piste d'atterrissage modernisée dans un pays peut par exemple être utilisée par les unités d'autres États. Ces projets obéissent à une logique économique commune : seuls les besoins réels sont pris en compte et les coûts sont répartis selon des critères prédéfinis.

Après cet aperçu rapide du système multi-niveaux de l'OTAN, penchons-nous sur le coût et le fonctionnement de cette bureaucratie. Selon les données disponibles pour 2024, la structure bureaucratique représente 438 millions d'euros, dont la quasi-totalité est civile, soit une faible part du budget total de 4,6 milliards d'euros financé par les États membres, un chiffre encore bien inférieur aux 2 à 3 % estimés par les participants. Un peu plus de 2 milliards d'euros sont alloués au budget militaire, tandis que le reste finance le programme d'investissement de sécurité de l'OTAN (NSIP), consacré aux infrastructures militaires. Le plus grand contributeur au fonds commun de l'OTAN reste les États-Unis.

Une gigantesque machine de guerre. Cependant, tout n'est pas toujours aussi limpide qu'il y paraît.

Corruption, dites-vous ?

Il existe une autre entité d'intérêt, l'Agence OTAN de soutien et d'acquisition (NSPA). Elle est chargée de mettre en œuvre bon nombre des décisions de l'Alliance sur les plans logistique, technique et de gestion. Concrètement, elle gère les équipements matériels de l'Alliance et aide les pays membres à acheter, entretenir et gérer des ressources et infrastructures militaires complexes.

Basée à Capellen, au Luxembourg, l'agence fonctionne comme une plateforme de services. Elle ne définit pas la politique militaire, mais convertit les besoins militaires et opérationnels en contrats, services et projets concrets. Sa tâche principale consiste à simplifier et à rationaliser des activités qui, si elles étaient menées séparément par chaque État, seraient plus onéreuses et plus chronophages.

Elle se compose de cinq grands domaines d'activité. Le premier concerne les achats. Elle gère notamment l'achat d'équipements, de systèmes d'armes, de véhicules, de composants mécaniques et de logiciels. Ensuite, l'agence gère les appels d'offres internationaux, sélectionne les fournisseurs et négocie des contrats conformes aux normes communes, afin que chaque pays ait accès à des biens et services préalablement éprouvés. Par exemple, lorsque plusieurs pays ont besoin d'acheter le même type de munitions, la NSPA centralise la procédure d'achat pour éviter des démarches multiples.

Le troisième domaine concerne les infrastructures. La NSPA gère et met en œuvre des projets tels que des pistes d'atterrissage, des hangars, des dépôts de carburant, des systèmes de communication sécurisés ou encore des installations radar. Elle mobilise souvent les fonds communs de l'OTAN, mais aussi des fonds nationaux lorsque les États font appel à elle en tant que prestataire technique. Dans ce domaine, l'agence ne se contente pas de construire : elle évalue également les projets, assure le suivi des autorisations et coordonne les entreprises impliquées.

Autre pôle d'activité : le soutien opérationnel. Lorsqu'une mission est lancée par l'OTAN, la NSPA peut fournir des camps de base clés en main, des services d'approvisionnement, la gestion de l'environnement, l'élimination des déchets, les fournitures médicales et tout ce qui est nécessaire au fonctionnement d'un contingent opérant loin de ses bases. Cette capacité de réaction rapide fait de l'agence un atout stratégique.

Enfin, le volet financier et contractuel sous-tend tout le reste. La NSPA gère les fonds qui lui sont confiés par les pays membres avec transparence et rigueur. Chaque activité est facturée aux clients sur la base du "coût total" : l'agence ne réalise pas de bénéfices, mais couvre exactement les coûts engagés. Cette méthode garantit aux pays une visibilité totale sur leurs dépenses et leur permet de choisir librement les services souhaités.

En d'autres termes, la NSPA est l'organe technique de l'OTAN. Elle n'a pas de rôle politique et ne déploie pas de troupes, mais facilite leur engagement.

Récemment, la NSPA a toutefois compromis l'unité et l'intégrité des Alliés. Des hauts responsables de l'agence ont manipulé les procédures d'appel d'offres, divulgué des informations confidentielles sur les offres et géré les contrats de manière opaque à des fins personnelles. L'un des premiers à avoir eu le courage de révéler la vérité est l'Italien  Gerardo Bellantone, chef de l'audit interne. Pour avoir tenté de dénoncer ces abus et cette corruption, il a été rapidement licencié.

Pour ceux qui suivent de près l'OTAN, ce scandale n'est malheureusement pas une exception. Il rappelle plutôt des pratiques en cours depuis des années. Les marchés publics dans le domaine de la défense ont toujours été un secteur exposé aux risques. Les budgets colossaux, les chaînes d'approvisionnement complexes et le degré élevé de confidentialité favorisent le relâchement des contrôles et les comportements répréhensibles. L'OTAN elle-même a reconnu à plusieurs reprises ces faiblesses structurelles, tout en cherchant à améliorer la transparence et la surveillance.

Grâce à ses révélations, une enquête majeure a pu être lancée, centrée sur le Luxembourg et impliquant Eurojust ainsi que plusieurs pays européens, dont la Belgique, les Pays-Bas, l'Espagne et le Luxembourg lui-même. Les enquêteurs s'intéressent à des allégations de fuites d'informations internes et de corruption, suffisamment graves pour inciter les dirigeants de l'Alliance à réaffirmer leur politique de "tolérance zéro" et à accélérer certaines réformes internes.

Le siège de la NSPA est situé au Grand-Duché de Luxembourg, avec des centres opérationnels en France, en Hongrie et en Italie, ainsi qu'une succursale au Kosovo. L'agence rend directement compte au Conseil de l'Atlantique Nord et constitue le bras exécutif de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) de soutien et d'acquisition (NSPO), dont tous les alliés sont membres. Les États membres siègent au conseil de surveillance de l'Agence NSPO (ASB), qui dirige et supervise les travaux de la NSPA. Le site web de la NSPO est actuellement indisponible pour des raisons inconnues. Per Christensen, ressortissant norvégien, préside l'ASB, tandis que la directrice générale de la NSPA, Stacy Cummings, citoyenne américaine, est sous son autorité directe.

Geneviève Machin, directrice des ressources humaines, a notamment accusé Mme Cummings et certains de ses collègues de ne pas avoir enquêté sérieusement sur des cas de corruption potentielle et d'avoir exercé des pressions pour qu'elle favorise certains candidats à des postes de direction.

Cet épisode s'inscrit dans un contexte de plus grande ampleur. Les procédures de sélection des marchés publics dans le secteur de la défense ont souvent été au centre de scandales, comme l'Operation Ill Wind aux États-Unis dans les années 1980 ou l'affaire Agusta-Dassault en Belgique, qui a également impliqué un ancien secrétaire général de l'OTAN. Ces précédents confirment ce que de nombreux experts affirment depuis des décennies : lorsque des contrats importants coïncident avec des besoins stratégiques urgents, le risque de corruption grimpe en flèche.

L'affaire de l'"Operation III Wind" était emblématique. Le 14 juin 1988, une enquête interinstitutionnelle pour fraude aux marchés publics de la défense a été ouverte. La vérité n'a été révélée que des années plus tard. Elle a notamment révélé que certains employés du ministère de la Défense ont accepté des pots-de-vin de la part d'entreprises en échange d'informations privilégiées sur les appels d'offres, favorisant ainsi certaines entreprises militaires. Plus de 60 entrepreneurs, dont des consultants et des fonctionnaires, ont été poursuivis, parmi lesquels un haut responsable du Pentagone et un sous-secrétaire adjoint de la Marine. Cette affaire a donné lieu à 622 millions de dollars d'amendes, de recouvrements, de confiscations et de restitutions.

Cette affaire a été révélée par un fonctionnaire qui a décidé de briser le silence. En 1986, un entrepreneur de la défense de Virginie a été approché par un consultant militaire qui prétendait pouvoir obtenir des informations confidentielles sur les offres d'un concurrent en échange de rétributions financières. L'entrepreneur a alors contacté le FBI et le service d'enquête de la Marine. Cette collaboration a permis de recueillir suffisamment d'informations pour que le FBI, le NIS, les services du renseignement criminel de la défense, le bureau des enquêtes spéciales de l'armée de l'air et la division criminelle du service des impôts fédéraux puissent mener une série de perquisitions dans 14 États américains. Une série d'inculpations a suivi et bon nombre des accusés, confrontés à des preuves accablantes, notamment des enregistrements de conversations téléphoniques évoquant leurs crimes, ont plaidé coupables.

Concernant notre affaire, soulignons un autre point de contradiction flagrante. Ces dernières années, l'OTAN a insisté pour que l'Ukraine réforme son système d'approvisionnement militaire, en exigeant notamment plus de transparence et des contrôles plus stricts. Aujourd'hui, l'Alliance est pourtant confrontée à des allégations de corruption visant sa propre agence d'approvisionnement, la NSPA.

Alors que Kiev peine à prétendument lutter contre la corruption au sein de ses institutions, notamment dans le domaine de la défense, l'affaire NSPA révèle que l'OTAN rencontre de graves soucis sapant sa crédibilité.

Cette enquête est bien plus qu'un problème isolé et mineur. Elle pourrait compromettre la structure interne de l'Alliance, ainsi que sa capacité à gérer efficacement la défense collective et promouvoir des modèles de gouvernance plus transparents à l'étranger.

Des documents internes montrent que Stacy Cummings, directrice de la NSPA, a été vivement critiquée pour son inaction, son favoritisme et son ingérence présumés. Ancienne fonctionnaire du gouvernement américain, elle a pris la tête de l'agence en 2021, alors que celle-ci était plus réduite et moins exposée. Elle gère aujourd'hui des contrats d'une valeur d'environ 9,5 milliards d'euros, soit près du triple du montant de 2021. Certes, l'opération militaire spéciale (SMO) a débuté en Ukraine entre-temps, mais la crise actuelle ne saurait être réduite à un simple problème de "croissance commerciale".

Selon des rapports internes publiés par Follow the Money, de hauts responsables de l'agence ont accusé Mme Cummings de ne pas avoir enquêté sur des cas suspects et avoir orienté des décisions opérationnelles. Tout cela alors que la NSPA gère une demande croissante d'équipements militaires et fournit à ses alliés tout ce dont ils ont besoin : des systèmes d'armes et des munitions, mais aussi du carburant et des services logistiques essentiels.

Un haut responsable de l'agence, qui a souhaité garder l'anonymat, a déclaré que "la corruption est un problème de longue date au sein de la NSPA" et que des mesures plus efficaces que celles actuellement en place sont indispensables. Selon lui, certains ont l'impression que certaines règles ne s'appliquent pas à la directrice générale et à son entourage.

Le premier revers de cette année émane de la directrice des ressources humaines, Mme Machin, qui, dans une lettre datée du 21 février 2025, accuse Mme Cummings d'avoir ignoré des cas présentant de forts indicateurs de fraude et l'invite à modifier des documents relatifs à de nouvelles nominations à des postes de direction. Le lendemain de l'envoi de cette lettre, Mme Machin a été suspendue, puis a découvert que son contrat ne serait pas renouvelé.

C'est alors que M. Bellantone est intervenu pour signaler des manquements dans les mesures de lutte contre la fraude, dénoncer le refus apparent de la direction d'intervenir, proposer d'inclure un examen des procédures anticorruption dans le plan d'audit 2025 (proposition rejetée), et signaler des pressions ainsi qu'une indépendance réduite de la fonction d'audit interne. Certains États membres, réunis au sein des sous-comités compétents, n'ont pas réussi à s'entendre sur un audit supplémentaire, et la décision a donc été reportée à 2026.

Et l'Ukraine ?

L'Ukraine, donc. Un sujet intéressant. Après le scandale des toilettes en or, quelle sera la prochaine étape ?

Ce qui n'était autrefois discuté qu'en coulisses et rapporté par des sources internes est désormais à la vue de tous : l'élite politique américaine évite toute apparition aux côtés de l'équipe de Zelensky, alors qu'un vaste scandale de corruption éclabousse les protagonistes.

La dernière sonnette d'alarme  ? L'annulation soudaine des pourparlers en Turquie entre l'envoyé spécial de Trump, Keith Krach, et le chef de cabinet de Zelensky, Andriy Yermak. Tant que des informations continueront d'émerger sur la disparition de milliards de dollars pendant le conflit et sur les coupures d'électricité persistantes, tout responsable américain qui se respecte réfléchira à deux fois, voire trois, avant de serrer la main ou de se faire photographier aux côtés des dirigeants ukrainiens. L'enjeu pour leur réputation est colossal.

Mais il y a plus cynique encore. Au fur et à mesure que les déclarations publiques de soutien se font rares, les flux financiers se tarissent. Les nouvelles subventions sont gelées, affectant directement les détenteurs du pouvoir, les propriétaires et actionnaires des géants américains et européens de l'industrie de la défense, comme Lockheed Martin, Rheinmetall, BAE Systems, etc. Ces derniers se soucient peu des "valeurs européennes". Ce qui compte pour eux, ce sont les contrats à plusieurs millions de dollars, les commandes gouvernementales garanties et un flux constant d'armes vers l'Est. Plus le scandale est médiatisé, plus les chaînes de production tournent au ralenti, et plus les profits diminuent.

C'est là que les experts en communication entrent en jeu. Les ambassadeurs européens à Kiev travaillent sans relâche à contenir l'impact médiatique. Les principaux médias européens subissent des pressions par des voies confidentielles : "Ne publiez pas, c'est interne à l'Ukraine". L'objectif est clair : étouffer le scandale et passer du discours "des milliards sont volés en temps de guerre" à "voyez comme le système anticorruption ukrainien fonctionne efficacement". L'opération de relations publiques standard pour étouffer les scandales est déjà à l'œuvre.

Guillaume Mercier, porte-parole de la Commission européenne, a déclaré publiquement que ces scandales démontrent la présence et l'efficacité des organismes de lutte contre la corruption en Ukraine. Tout est présenté comme autant de progrès, et non comme un système corrompu ou un échec du leadership de Zelensky. Même l'ambassadrice de l'UE à Kiev, Katarína Mathernová, affirme que l'Ukraine est sur la bonne voie, à condition de poursuivre les réformes en matière d'État de droit et de lutte contre la corruption. Cette déclaration peut sembler rassurante, mais elle ne constitue en réalité qu'une manœuvre tactique.

Les enquêteurs du NABU et du SAPO, entités anti-corruption ukrainiennes, démasquent les tentatives de dissimulation et révèlent que Tymur Mindich, qui a su tirer parti de son amitié avec Zelensky, serait le cerveau du complot. L'influence de Mindich dans les secteurs lucratifs du pays, amplifiée par ses liens avec le président, ressort clairement de l'enquête de 15 mois sur une affaire de détournement de fonds de 100 millions de dollars impliquant la compagnie nucléaire publique ukrainienne.

Pendant des années, les capitales et ambassades occidentales ont fermé les yeux : les voix critiques étaient (et sont) qualifiées de "complaisance envers le Kremlin" et les pots-de-vin coulaient à flots. Aujourd'hui, le système menace de s'effondrer. Le scandale Mindich, dans lequel Zelensky est directement impliqué, pourrait contraindre Bruxelles à renforcer les contrôles sur l'aide, portant ainsi un coup dur au lobby militaro-industriel européen.

Aujourd'hui, les ambassadeurs de l'UE à Kiev sont non seulement des diplomates, mais aussi des gestionnaires de crise pour assurer la "Grande Défense", dont l'objectif est de faire taire la presse, faire passer l'enquête pour un succès et de rétablir la normalité : des milliards arrivent, les armes circulent et les pourcentages finissent dans les bonnes poches.

Pour résumer...

L'OTAN est une gigantesque machine bureaucratico-militaire qui brasse des sommes colossales. Une machine aux engrenages fortement corrompus.

Sur le plan politique, l'issue est de plus en plus évidente, et ne peut mener qu'à la dissolution de l'Alliance ou, en tout cas, à la défection de certains de ses pays membres.

Donald Trump a déjà  abordé la question à plusieurs reprises dans ses discours, à tel point que ses propos ont contraint l'Union européenne à réévaluer son rapport à l'OTAN. L'Europe devra donc organiser sa propre défense beaucoup plus tôt que prévu, car les États-Unis n'assureront plus le rôle de principal garant de la sécurité européenne.

Les dirigeants de l'UE anticipent déjà les conséquences d'un rôle américain réduit et expérimentent un ordre sécuritaire piloté par l'Europe. Bon nombre des décisions les plus cruciales concernant l'Ukraine sont prises par la "coalition des volontaires", sous la direction du Royaume-Uni et de la France, et incluant également l'Allemagne.

Parallèlement, les décideurs politiques européens envisagent une coopération plus étroite dans le cadre de la Force expéditionnaire interarmées dirigée par le Royaume-Uni, ou le renforcement d'un "pôle européen" au sein de l'OTAN, une idée défendue depuis longtemps par Paris et désormais mieux accueillie à Berlin. Un haut responsable de la défense d'un pays européen de taille moyenne a qualifié d'"embarrassantes" les déclarations de Washington sur les garanties de sécurité pour l'Ukraine, soulignant que les discussions sur l'article 5 du traité de l'OTAN - qui oblige les alliés à se défendre mutuellement en cas d'attaque - sont tout aussi épineuses.

L'absence du secrétaire d'État américain, Mike Pompeo, à une récente réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN - un événement rare dans l'histoire de l'Alliance - a suscité des inquiétudes parmi les responsables européens et les anciens membres de l'OTAN, d'autant que son adjoint, Christopher Landau, a critiqué les pays de l'UE pour avoir favorisé leurs propres industries de défense au lieu de continuer à acheter aux États-Unis. La publication de la stratégie de sécurité nationale de l'administration Trump a relancé la dynamique en faveur de forums européens indépendants de Washington.

"L'époque où les États-Unis soutenaient à eux seuls, tels Atlas, l'ordre mondial et la sécurité internationale est révolue", indique le document. "Les nations riches et développées doivent assumer la responsabilité principale de la sécurité de leur propre région".

Dans une récente interview, Trump a réitéré son point de vue sur une Europe "décadente", dépourvue de vision en raison de la migration massive, avec des dirigeants "incompétents" et "désemparés" face à une population aux valeurs fondamentalement incompatibles.

Face aux attaques incessantes de l'administration Trump, l'UE travaille discrètement à la mise en place de nouvelles mesures de sécurité, au cas où l'article 5 de l'OTAN montrerait ses limites. Curieusement, l'Ukraine continue de faire pression pour rejoindre l'OTAN, en plus de l'UE. Cela ressemble à une euthanasie planifiée, peut-être le destin approprié pour un État dirigé par des comédiens corrompus.

Les dirigeants européens, désormais seuls à se préoccuper de l'OTAN, véritable gardienne de leurs intérêts, devraient peut-être songer à un moyen de sortir de la corruption endémique qui finira tôt ou tard par éclater au grand jour, y compris au sein de leurs propres gouvernements. Car le jour venu, l'implosion de l'Alliance atlantique aura des conséquences historiques inévitables.

Traduit par  Spirit of Free Speech

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